Drones en Afrique : des solutions locales
On a plutôt l’habitude de voir des firmes travailler sur les drones en Europe, en Asie ou en Amérique du Nord. Si je ne m’abuse, vous avez commencé à travailler sur la question avant le Nigeria. Mais d’où vous est venue l’idée de travailler sur ce secteur ?
Effectivement, on s'attend à voir le sujet évoqué plus facilement ailleurs qu'en Afrique. Pourtant, l'une des plus grandes bases de drones au monde se trouve bel et bien sur le continent africain, au Niger, et est évaluée à plus de 200 millions de dollars par The
Intercept (1). L'idée est venue du constat simple que les informations stratégiques de l'afrique sont rarement aux mains des Africains. Il en résulte une situation de dépendance vis-à-vis du renseignement fourni par les moyens technologiques étrangers. En tant que citoyen camerounais, il était tout simplement de mon devoir d'apporter une solution. Par ailleurs, le marché africain est sans doute l'un des plus ouverts en matière de drones, hors applications défense compte tenu de l'absence de cadres législatifs. Cela laisse plus de place à la créativité.
Quel est le catalogue de Drone Africa ? Vous focalisez-vous sur les plates-formes ou plutôt sur l’intégration des systèmes ?
Les deux, mais surtout sur l'intégration et sur l'intelligence artificielle conçue par nos équipes, baptisée Cyclop, qui analyse les flux vidéo en temps réel pour y détecter véhicules, personnes, objets… Notre catalogue actuel contient trois principaux drones, dont deux VTOL. Nous pensons que le format VTOL est l'avenir, car il a les avantages d'un quadricoptère et la portée d'une voilure fixe. Algo 1 peut couvrir 25 km pour 1 h d'autonomie environ. Algo 2 peut couvrir 100 km
pour 1 h 30 d'autonomie et Algo Z peut voler 2 h 30 sur un rayon de 100 km.
Drone Africa a-t-il déjà engrangé des succès commerciaux ?
Oui. Aujourd'hui, nous fournissons nos services à plusieurs acteurs institutionnels en Afrique qui font face à des enjeux sécuritaires connus, notamment en matière de sécurisation de frontières et de lutte contre le terrorisme.
Quelle place accorder à l’intelligence artificielle et, d’ailleurs, comment envisager le rapport homme/machine/ intelligence artificielle ? Quelle part la formation – tant il est vrai que l’on a tendance à se focaliser sur les systèmes – doit-elle jouer ?
L'intelligence artificielle est la clé de la révolution des drones. En 2011, L'US Air Force avait, selon le journal Wired, plus de 300 000 heures de vidéos réalisées par drones à analyser.
Aujourd'hui, confier ces tâches répétitives à un analyste relève du gâchis de temps et de ressources humaines qui pourraient être employées à des tâches à plus forte valeur ajoutée. La formation doit permettre aux opérateurs d'utiliser ces algorithmes de traitement d'image, de les améliorer et même de donner des axes de recommandations en fonction de leurs réalités. Le système n'est qu'un outil, il faut prendre le temps de l'adapter aux enjeux réels du terrain, aux enjeux climatiques, etc.
Le marché des drones devient très compétitif, avec de nombreux acteurs… mais aussi de plus en plus de contraintes (sur les fréquences ou encore l’intégration dans les espaces aériens). Comment se différencier ?
Deux éléments clés font la différence : la maintenance et l'intelligence artificielle. Pourquoi une nation d'amérique latine ou d'afrique irait-elle acheter des drones à l'autre bout du monde quand il y a un prestataire local conscient des enjeux locaux et dix fois moins cher ? Par ailleurs, le fait de monter des drones sur place, en Afrique au besoin, nous expose moins aux contraintes d'exportations des entreprises étrangères sans attache locale. Enfin, nous avons une plus large marge de manoeuvre sur le terrain et une agilité qu'aucun grand groupe de défense ne pourrait mettre en oeuvre pour des raisons administratives évidentes. Notre impact social en termes de création d'emploi, en plus de nos tarifs compétitifs et de nos capacités d'analyse du renseignement, change la donne dans un contexte foncièrement compétitif.