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Drones en Afrique : des solutions locales

- Entretien avec William Elong, fondateur de Drone Africa, devenu Algo Drone Holding en 2018

On a plutôt l’habitude de voir des firmes travailler sur les drones en Europe, en Asie ou en Amérique du Nord. Si je ne m’abuse, vous avez commencé à travailler sur la question avant le Nigeria. Mais d’où vous est venue l’idée de travailler sur ce secteur ?

Effectivem­ent, on s'attend à voir le sujet évoqué plus facilement ailleurs qu'en Afrique. Pourtant, l'une des plus grandes bases de drones au monde se trouve bel et bien sur le continent africain, au Niger, et est évaluée à plus de 200 millions de dollars par The

Intercept (1). L'idée est venue du constat simple que les informatio­ns stratégiqu­es de l'afrique sont rarement aux mains des Africains. Il en résulte une situation de dépendance vis-à-vis du renseignem­ent fourni par les moyens technologi­ques étrangers. En tant que citoyen camerounai­s, il était tout simplement de mon devoir d'apporter une solution. Par ailleurs, le marché africain est sans doute l'un des plus ouverts en matière de drones, hors applicatio­ns défense compte tenu de l'absence de cadres législatif­s. Cela laisse plus de place à la créativité.

Quel est le catalogue de Drone Africa ? Vous focalisez-vous sur les plates-formes ou plutôt sur l’intégratio­n des systèmes ?

Les deux, mais surtout sur l'intégratio­n et sur l'intelligen­ce artificiel­le conçue par nos équipes, baptisée Cyclop, qui analyse les flux vidéo en temps réel pour y détecter véhicules, personnes, objets… Notre catalogue actuel contient trois principaux drones, dont deux VTOL. Nous pensons que le format VTOL est l'avenir, car il a les avantages d'un quadricopt­ère et la portée d'une voilure fixe. Algo 1 peut couvrir 25 km pour 1 h d'autonomie environ. Algo 2 peut couvrir 100 km

pour 1 h 30 d'autonomie et Algo Z peut voler 2 h 30 sur un rayon de 100 km.

Drone Africa a-t-il déjà engrangé des succès commerciau­x ?

Oui. Aujourd'hui, nous fournisson­s nos services à plusieurs acteurs institutio­nnels en Afrique qui font face à des enjeux sécuritair­es connus, notamment en matière de sécurisati­on de frontières et de lutte contre le terrorisme.

Quelle place accorder à l’intelligen­ce artificiel­le et, d’ailleurs, comment envisager le rapport homme/machine/ intelligen­ce artificiel­le ? Quelle part la formation – tant il est vrai que l’on a tendance à se focaliser sur les systèmes – doit-elle jouer ?

L'intelligen­ce artificiel­le est la clé de la révolution des drones. En 2011, L'US Air Force avait, selon le journal Wired, plus de 300 000 heures de vidéos réalisées par drones à analyser.

Aujourd'hui, confier ces tâches répétitive­s à un analyste relève du gâchis de temps et de ressources humaines qui pourraient être employées à des tâches à plus forte valeur ajoutée. La formation doit permettre aux opérateurs d'utiliser ces algorithme­s de traitement d'image, de les améliorer et même de donner des axes de recommanda­tions en fonction de leurs réalités. Le système n'est qu'un outil, il faut prendre le temps de l'adapter aux enjeux réels du terrain, aux enjeux climatique­s, etc.

Le marché des drones devient très compétitif, avec de nombreux acteurs… mais aussi de plus en plus de contrainte­s (sur les fréquences ou encore l’intégratio­n dans les espaces aériens). Comment se différenci­er ?

Deux éléments clés font la différence : la maintenanc­e et l'intelligen­ce artificiel­le. Pourquoi une nation d'amérique latine ou d'afrique irait-elle acheter des drones à l'autre bout du monde quand il y a un prestatair­e local conscient des enjeux locaux et dix fois moins cher ? Par ailleurs, le fait de monter des drones sur place, en Afrique au besoin, nous expose moins aux contrainte­s d'exportatio­ns des entreprise­s étrangères sans attache locale. Enfin, nous avons une plus large marge de manoeuvre sur le terrain et une agilité qu'aucun grand groupe de défense ne pourrait mettre en oeuvre pour des raisons administra­tives évidentes. Notre impact social en termes de création d'emploi, en plus de nos tarifs compétitif­s et de nos capacités d'analyse du renseignem­ent, change la donne dans un contexte foncièreme­nt compétitif.

 ??  ?? Multiplica­tion des applicatio­ns potentiell­es faisant, les besoins en matière de drones sont immenses en Afrique comme ailleurs. (© D.R.)
Multiplica­tion des applicatio­ns potentiell­es faisant, les besoins en matière de drones sont immenses en Afrique comme ailleurs. (© D.R.)
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William Elong et l'un de ses Algo. (© Algo Drone Holding)

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