S’adapter pour vaincre
Comment les armées évoluent
Michel GOYA Perrin, Paris, 2019, 432 p.
Plusieurs publications sont apparues, depuis les années 1980, sur l'innovation dans les armées. Il s'agissait alors de s'interroger sur les ressorts de la victoire… ou de la défaite, en explorant des voies multiples et essentiellement doctrinales, organisationnelles ou matérielles. Le sujet est virtuellement inépuisable et c'est un des premiers mérites de Michel Goya, que nos lecteurs connaissent bien, que d'aborder le sujet. Mais son mérite principal est de renverser la perspective, en s'interrogeant non sur l'innovation, mais bien sur l'adaptation, qui est un processus plus large et qui peut parfois consister à revenir à des pratiques plus anciennes tout en sachant s'adapter à l'esprit du temps. En l'occurrence, Michel Goya ne s'étend pas sur la théorie – du moins pas avant la conclusion –, mais examine comment les armées s'adaptent à différentes époques avec, donc, une grande variété de contraintes politiques, démographiques, matérielles ou autres, et analyse nombre d'acteurs différents. Il le fait aussi bien dans le domaine terrestre que dans le naval et l'aérien. Sept cas de figure sont traités dans des chapitres de 40 à 50 pages environ : l'armée prussienne (1789-1871) ; l'armée française (1914-1918) ; la Royal Navy (18801945) ; les bombardements alliés sur l'allemagne (1939-1945) ; la guerre froide, essentiellement du point de vue américain (1945-1990) ; la France en Algérie (1954-1962) ; L'US Army (1945-2003). L'ensemble se termine par une conclusion d'une trentaine de pages autour de la notion d'adaptation et des facteurs endogènes comme exogènes à prendre en compte. Il en ressort qu'il n'y a pas de règle absolue en matière d'adaptation : les variables sont trop nombreuses et la complexité des armées en fait des objets « instables », soumis à nombre d'aléas. In fine, l'ouvrage de Michel Goya intéresse à plus d'un titre. Les histoires qu'il propose sont synthétiques et marquées par un souci de retour d'expérience sur les fondamentaux ; c'est bien d'une histoire militaire opérationnelle qu'il s'agit. Mais c'est aussi une plongée dans la complexité des armées et dans celle des opérations et de la stratégie qui incite autant à la prudence – sur les simplismes en l'occurrence – qu'à l'audace en matière de réflexion. Et comme l'ensemble est écrit avec un rythme et une intensité perceptibles, tous les ingrédients d'un ouvrage passionnant sont réunis.