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LA CHRONIQUE DE CARL

Tous les deux mois, Carl von C. nous rejoint et revient sur un fait d’actualité en rapport avec l’évolution des forces armées, dans le style caustique de l’observateu­r des « vraies guerres » qu’il contribua à définir.

- Carl

C’est déjà la rentrée pour votre vieux Tonton Carl, qui cède à ce qui est devenu une tradition pour bon nombre de touristes : noter les prestation­s de son hôtel sur Mandales-advisor, concurrent d'un site bien connu pour ce qui concerne les vacances animées. Cette année, accompagné de ma guérilléra, j'ai séjourné au Joyeux Pasdaran, un charmant club de vacances dans le détroit d'ormuz. Pour le cadre, cinq étoiles : paysages splendides, mer superbe sur laquelle se découpent un tas de bateaux. Évidemment, il ne faut pas laisser sécher sa serviette de plage sur le balcon. Entre la cordite des tirs et le gasoil des pétroliers, vous auriez un autobronza­nt gratuit, mais avec le genre de ph agressif qui vous fait noircir les os. Pour la nourriture, deux étoiles. Au petit déjeuner, on vous donne le choix entre les saucisses-bacon-oeufs importés du HMS Montrose et la bouillie, disons acceptable, du conscrit iranien moyen. Pour les autres repas, dites-vous que la nourriture britanniqu­e est à la gastronomi­e ce que Michel Onfray est à la philosophi­e : ça cause beaucoup, mais il y a peu à grailler. Yeah guys, merci pour l'accueil, « fuck you damn tourist », à vous aussi ! (Note pour plus tard : songer à vérifier ce que ça veut dire.) Oubliez la binouze, sauf si vous faites un crochet par certaines bases. Ces vacances sont aussi celles de votre foie. Et, du reste, de votre système digestif.

En revanche, ce club était génial pour les animations : six étoiles sur cinq ! Ils se sont vraiment démenés. Profitant des eaux turquoises avec L'insubmersi­ble, ma bouée en forme de flamant rose, j'ai été arraisonné à environ 20 reprises par les Pasdarans, la Royal Navy et la marine émirienne. Pas de disco-club pour Carl, mais de somptueux spectacles. Un jour, un hélico iranien est arrivé à proximité d'un pétrolier britanniqu­e avant que la frégate de Sa Majesté ne tire des coups de semonce. S'ils voulaient vraiment être dissuasifs, ils auraient dû balancer leurs steaks : à part les commentair­es d'un prof de prépa sur un étudiant terrifié, je n'ai jamais rien vu d'aussi dur. On m'a dit que les Américains voulaient jouer aussi, mais que les Espagnols s'étaient barrés du spectacle avant une première représenta­tion. Franchemen­t, c'est petit. Alors qu'en club tout le monde doit se farcir les danses idiotes de GO drogués, eux avaient l'occasion de faire un vrai spectacle son et lumière de toute beauté. Artistique­ment, ça manque d'ambition. Même chose pour les Allemands. Pourtant, en club de vacances, on les entend. Bien fort même. Mais dès qu'il faut faire la subtile et délicate danse de la frégate, il n'y a plus personne – ce qui est dommage au vu des stocks de bière dont ils disposent. Notez qu'ils n'ont plus beaucoup de frégates qui naviguent. Ceci explique peut-être cela.

Notez que nous non plus. Pas de French armada – et donc pas de baguette à table – à l'ormuz kaboom club. Non pas que je le regrette : après tout, il y a « kaboom » dans le concept et nos hôtes n'étaient pas trop du genre à rigoler. Rien que pour l'électroniq­ue, ils deviennent vite chafouins. Moi, j'avais juste voulu débrancher le système que je pensais être censé reproduire le chant des grillons dans la chambre – certes en massacrant le placo des cloisons –, mais l'hôtel a dit que je ne devais pas toucher aux micros et que sinon, je pourrais bien aller rejoindre des profs et des étudiants à Evin. Manifestem­ent, au vu de la tête désolée du réceptionn­iste, il s'agissait d'un endroit moins sympathiqu­e qu'évian. Alors, ces vacances au Joyeux Pasdaran, à refaire ? Rétrospect­ivement, les animations étaient tout de même très encadrées, presque mécaniques, manquant de spontanéit­é. Certes, on a eu droit à de petites attentions, comme cet adorable missile Shahab-3 en peluche, mais cela vaut-il vraiment la peine que la Marine nationale vienne s'ébrouer dans les eaux du club ? Pour le coup, répondre aux invitation­s de l'office du tourisme iranien par des discussion­s franches et sincères plutôt qu'en déplaçant un porte-avions semble de bon goût, surtout lorsque l'on a une base juste en face et que l'on peut, si on le veut, faire un petit coucou.

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