Éditorial
Le retrait américain du nord-est de la Syrie suscite des interrogations à bien des égards, notamment à propos de problèmes immédiats comme le devenir des Kurdes de Syrie ; celui des djihadistes emprisonnés sur place et la remontée en puissance d’un État islamique qui n’a jamais été éliminé ; corrélativement, la densification de la menace pour nous-mêmes ; ou encore la stabilité et l’intégrité territoriale future de la Syrie. Mais il pose également la question de la rationalité en stratégie et, plus largement, celle des logiques d’alliances dont, peu ou prou et que nous le voulions ou non, nous sommes dépendants. Donald Trump nous a habitués à des sorties en rupture avec les pratiques traditionnelles des relations transatlantiques et, plus généralement, de la diplomatie. Force est aussi de constater qu’entre ses positions ambiguës à l’égard de L’OTAN et le fait qu’un membre de L’OTAN – la Turquie – joue un jeu contraire aux intérêts de sécurité des autres membres, l’alliance atlantique semble bien mal embarquée. L’organisation en tant que telle fonctionne relativement bien, mais les principes qui la soustendent, et qui forment le coeur de l’alliance depuis 70 ans maintenant, sont-ils encore partagés par tous ?
Au-delà, l’affaire du retrait américain du nord-est syrien démontre une fois de plus que l’influence n’est qu’un dividende de la puissance. Autrement dit, l’acteur ne disposant que de moyens d’action limités ne peut prétendre influer sur le cours de crises complexes. L’affaire syrienne est certes une question de relations internationales et, par-dessus tout, de choix politiques. Mais ces derniers comptent bien peu s’ils ne s’appuient pas sur une masse critique en termes de puissance, et en particulier militaire. En l’occurrence, les forces américaines en Syrie étaient structurantes de l’engagement d’autres États – pour ce qui concerne le renseignement notamment. Le retrait de Washington implique donc soit d’autres retraits, soit une activité moindre. Le jeu diplomatique peut certes tenter de compenser et d’élargir la liberté de manoeuvre des États, mais le fait reste qu’une diplomatie qui n’est pas adossée à des armées solides n’est qu’un discours sans portevoix… et donc assez peu audible dans le fracas des armes.