Des hauts et des bas
Si Londres fait face aux inconnues liées au Brexit, la situation générale de ses forces armées est également un sujet de préoccupation. Mi-août, le ministère britannique de la Défense confirmait la réduction du volume des forces pour la neuvième année consécutive, la British Army enregistrant la plus lourde perte. La situation est liée à un déficit de recrutement combiné au taux d’attrition. En théorie, l’army dispose de 82000 postes, mais seuls 74 440 sont pourvus (ils étaient 76 880 l’an dernier). La RAF est à 29 930 postes sur ses 31 840 tandis que la Royal Navy et les Royal Marines, qui se partagent 30600 postes théoriques, n’ont que 29 090 personnels.
Aux Pays-bas, la conjoncture s’annonce meilleure. Ainsi, le budget 2020 va connaître une augmentation, à 11,035 milliards d’euros pensions comprises. Plusieurs projets devraient ainsi pouvoir se poursuivre, à commencer par les efforts en matière de recrutement. À La Haye comme presque partout ailleurs en Europe, le manque de personnel reste problématique. Pour ce qui concerne le matériel, les Pays-bas entendent commander 9 F-35 de plus, ce qui porterait leur flotte à 44 appareils. Ils souhaitent également moderniser leurs quatre frégates de classe De Zeven Provincien et leurs hélicoptères NH90, recompléter leurs stocks de munitions, remplacer leurs barges de débarquement et les avions d’entraînement PC-7, mais aussi moderniser les casernes et immeubles.
En Suède, le budget va également être abondé, de cinq milliards de couronnes par an entre 2022 et 2025. Le budget 2020 connaît également une augmentation : il sera de 7,3 milliards de dollars, soit 8% de plus que le budget 2019. Les dépenses de défense suédoises représenteront ainsi 1,25 % du PIB. Stockholm revient de loin : de 2,5 % en 1990, elles avaient baissé jusqu’à 1% en 2010. La Suède a d’autre part annoncé qu’elle allait à nouveau utiliser la base navale souterraine de Muskö après des travaux de modernisation qui devraient durer jusqu’en 2021 ou 2022. Elle est par ailleurs dans une situation où plusieurs équipements coûteux ont été achetés, notamment dans les domaines de la défense aérienne (missiles Patriot et IRIS-T SL), naval (sous-marins A26) et aérien (Gripen E).
En Allemagne, c’est la présence américaine qui fait débat. Les États-unis menaçaient Berlin, fin août, de retirer leurs troupes du pays si ce dernier n’augmentait pas ses dépenses de défense. La menace n’est pas uniquement sécuritaire, mais aussi économique. Les forces américaines en Allemagne représentent 35 000 soldats et 17 000 civils. Environ 12 000 emplois allemands sont liés aux forces américaines. Certes, pour l’allemagne, cette présence n’est pas gratuite et représente 243 millions d’euros sur sept ans pour le soutien de ces forces, de même que 480 millions d’aides aux infrastructures de L’OTAN, presque toutes au profit exclusif de Washington. La chancelière allemande a toutefois nuancé la portée des menaces américaines. De facto, le budget de défense de l’allemagne pour 2020 se situera à 44,9 milliards d’euros, soit 1,37 % du PIB, après une augmentation de 1,7 milliard comparativement à 2019. Si la somme semble considérable – en particulier dès lors que l’allemagne n’a pas le coût d’une dissuasion nucléaire à soutenir –, force est aussi de constater qu’elle fait face à de sérieux problèmes de maintenance de ses matériels, mais aussi au remplacement de ses Tornado.
La Pologne pourrait sortir gagnante d’un éventuel retrait américain d’allemagne. Au demeurant, le pays va accueillir 1 000 Américains de plus, en sus des 4 500 effectuant des rotations dans le pays. Dans la foulée, Washington a annoncé la création d’un nouveau quartier général divisionnaire à Poznan au profit de la première division d’infanterie. Les relations avec les États-unis sont toujours au beau fixe. Varsovie s’est ainsi vu accorder le feu vert de Washington pour l’achat de 32 F-35, pour un montant de 6,5 milliards de dollars. La Pologne a également indiqué qu’elle allait renforcer sa coopération de défense avec la Roumanie.
Là aussi, le budget de défense évolue, à deux égards. D’une part, le projet pour 2020 porte sur 49,8 milliards de zlotys, soit environ 11,4 milliards d’euros. Comparativement à 2019 (10,2 milliards), l’accroissement est de 11,5 %, portant le budget de défense à 2,1% du PIB. Environ 3,3 milliards d’euros seraient affectés à l’armement. D’autre part, le Plan de modernisation technique 2021-2035 a été adopté le 10 octobre. Comme le précédent, il envisage un investissement massif,
d’environ 133 milliards d’euros, en dehors du budget annuel. Concrètement, la logique retenue reste de chercher à développer l’industrie nationale de défense tout en procédant à une modernisation capacitaire en profondeur. Les capacités auxquelles sont affectés les nouveaux budgets ont été partiellement précisées. La Pologne indique qu’en plus des F-35 (programme Harpy) et de l’achat de nouveaux F-16, elle cherchera également à se doter de drones « loyal wingmen » en appui de sa force aérienne (programme Harpy Szpon).
Varsovie indique également que ses efforts porteront sur L’ISR, avec l’achat de satellites, de microsatellites, de systèmes de reconnaissance et d’un grand nombre de drones, mais aussi le développement de systèmes d’analyse d’imagerie, permettant leur distribution à tous les niveaux. En creux, la Pologne semble donc s’inscrire dans les travaux sur l’intelligence artificielle, tout en poursuivant le développement de ses capacités de cyberguerre. Elle continuera par ailleurs à améliorer ses capacités antiaériennes dans le cadre des programmes Wisla et Narew, de même que son artillerie. Le développement d’une roquette de 300 km de portée est évoqué en plus de la poursuite des achats de systèmes Homar et Krab, de même que l’achat de nouveaux hélicoptères de combat et, pour la marine, de deux sous-marins. De nouveaux missiles antichars seront également acquis, positionnés ou non sur des véhicules. L’achat de nouveaux 8 × 8 Rosomak permettra par ailleurs de remplacer définitivement les BMP-1, tandis que des chars « de nouvelle génération » (programme Wolf) seront achetés. La focalisation sur les capacités de combat terrestre implique également l’achat de systèmes innovants. C’est le cas pour des sous-munitions guidées (programme Pea) ou des munitions rôdeuses (programme Gladius).
En Belgique en revanche, la situation est toujours aussi délicate. Le nouveau gouvernement fédéral n’ayant toujours pas été formé, le budget 2020 n’est pas encore connu. La pratique en «gouvernement d’affaires courantes» est de libérer chaque mois un douzième du budget annuel de l’année précédente, ce qui permet aux administrations de continuer à fonctionner. Mais la défense belge est aussi dans une situation délicate : environ 40 % de son personnel va partir à la retraite dans les prochaines années, imposant le recrutement de 12 000 personnes d’ici à 2025, dans un contexte où l’attrition des jeunes recrues est particulièrement importante. Elle devra aussi assimiler les nouvelles capacités commandées, de sorte qu’une « équipe de transition », avec à sa tête le général Marc Thys, a été mise en place et chargée de formuler des propositions.