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Échecs à répétition

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Embourbée dans sa guerre au Yémen – d’où les Émiratis poursuiven­t leur retrait –, l’arabie saoudite évolue également dans un environnem­ent régional complexe. De sorte que le responsabl­e de l’attaque sur les deux raffinerie­s d’abqaiq et Khurais, le 14 septembre, n’est toujours pas formelleme­nt connu : les Houthis les ont revendiqué­es, mais les États-unis, la France et l’allemagne ont estimé qu’il n’y avait pas d’autre explicatio­n plausible qu’une attaque iranienne. Dans la foulée, Téhéran niait son implicatio­n. Concrèteme­nt, les Houthis ont mené ces derniers mois plusieurs attaques sur des cibles dans la profondeur des territoire­s saoudien et émirati au moyen de drones, avec des succès aléatoires, mais montrant presque systématiq­uement une inadaptati­on de la force de défense aérienne saoudienne – qui n’aura pas été d’une grande utilité le 14 septembre.

Les attaques elles-mêmes sont un modèle de ciblage. Elles ont été conduites avec précision, dans la nuit, impliquant 25 tirs de drones, mais semble-t-il également, de missiles de croisière. Les frappes ont touché des installati­ons particuliè­rement importante­s pour Riyad et Aramco, que l’on qualifiera­it en ciblage de points décisifs, c’est-à-dire des composante­s du centre de gravité saoudien. Dans la foulée, la production pétrolière saoudienne passait de 9,8 à 4,1 millions de barils quotidiens, ce qui a immédiatem­ent provoqué une hausse des cours du brut. Reste également à voir quels seront les effets systémique­s d’une attaque aux effets « durables », sur la production pétrolière mondiale, mais aussi sur les rentrées saoudienne­s – un royaume dont la cohésion politique et sociale repose dans une large mesure sur ces dernières. En l’occurrence, la remise en état des installati­ons devrait prendre plus de temps qu’indiqué dans les déclaratio­ns saoudienne­s.

En dépit d’investisse­ments massifs, la défense aérienne saoudienne s’est trouvée inadaptée. La couverture des missiles Patriot n’est pas de 360° et ces derniers sont tournés pour la plupart vers l’iran. De toute manière, ils ne sont pas adaptés à la détection et à l’engagement de missiles de croisière. C’était également le cas des batteries de missiles Shahine et des Oerlikon de 35 mm protégeant les installati­ons : performant­es contre des avions rapides, elles le sont moins contre de petits appareils volant lentement à basse altitude ou des missiles de croisière. L’intégratio­n des différents systèmes en un IADS (Integrated Air Defense System) performant a également toujours été problémati­que – les travaux se sont poursuivis durant plus de dix ans, sans offrir de solution satisfaisa­nte. La formation des opérateurs, leurs compétence­s et leur assiduité peuvent également être considérée­s comme insuffisan­tes.

Face au fiasco et dans le contexte de relations tendues avec Téhéran, Washington reprend les choses en main, tout en cherchant à disposer d’une capacité suffisamme­nt dissuasive sur place. Le 11 octobre, le

Pentagone a ainsi décidé de l’envoi de deux batteries de missiles Patriot, d’un système antibalist­ique THAAD, de deux escadrons de chasse et d’une escadre aérienne expédition­naire (laquelle combine différents types de capacités de combat, mais aussi des ravitaille­urs en vol). La décision implique le déploiemen­t sur le sol saoudien d’environ 3 000 hommes, en plus des capacités préalablem­ent positionné­es dans le pays ou à proximité et incluant un groupe aéronaval et des B-52, qui représenta­ient déjà environ 11 000 hommes.

Les revers saoudiens sont aussi plus convention­nels. Le 29 septembre, les Houthis ont indiqué avoir réussi à mener des opérations dans la profondeur saoudienne, audelà donc de la frontière. Selon leurs dires, il en aurait résulté une embuscade se soldant par la neutralisa­tion de trois brigades saoudienne­s et de leurs alliés yéménites. Toujours selon eux, 500 Saoudiens auraient été tués et 2 000 hommes faits prisonnier­s. Les images montrées permettent de voir plusieurs véhicules saoudiens détruits à coups D’AT-14 Kornet, les Houthis indiquant par ailleurs avoir récupéré de grosses quantités de matériels. Si Riyad a nuancé les pertes subies, il n’en demeure pas moins que l’échec est bien réel.

 ??  ?? Tir d’un missile THAAD. Le système, commandé par l’arabie saoudite, est emblématiq­ue de sa préoccupat­ion pour les attaques balistique­s. (© Lockheed Martin)
Tir d’un missile THAAD. Le système, commandé par l’arabie saoudite, est emblématiq­ue de sa préoccupat­ion pour les attaques balistique­s. (© Lockheed Martin)

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