Évolution capacitaire
Le budget de défense sud-coréen pour 2020 va connaître une nouvelle augmentation, à environ 41,23 milliards de dollars. La part réservée à l’équipement va augmenter de 8,6 % comparativement à 2019, avec la poursuite d’un certain nombre de projets. C’est le cas pour le F-35, le chasseur KF-X, des satellites de renseignement, les missiles antiaériens à longue portée L-SAM et le déploiement des missiles balistiques sol-sol Korea Tactical Surface-to-surface Missiles (KTSSM). Le budget prévoit également le financement de travaux concernant un porte-avions léger. Il ne semble donc plus question de modifier le Marado, deuxième unité de la classe Dokdo – il est vrai peu adapté à cette fonction (voir DSI hors-série no 62) – pour l’emport de F-35B. Le développement des forces implique également une réduction de leur volume, tout en accroissant les budgets liés à l’entraînement. Ainsi, d’ici à 2022, les effectifs passeraient de 610 000 à 500 000 hommes.
Séoul semble par ailleurs aborder sérieusement la construction de sous-marins à propulsion nucléaire, la marine ayant confirmé l’existence d’une task-force chargée d’étudier leur opportunité. L’hypothèse de sousmarins nucléaires avait été évoquée en 2003 avant d’être abandonnée, Séoul se concentrant sur la montée en puissance d’autres compartiments de sa marine. En l’occurrence, le développement de tels bâtiments est manifestement destiné à dissuader aussi bien la Corée du Nord que « les États voisins », puisqu’ils seraient dotés de missiles balistiques – par ailleurs appelés à équiper, à terme, les sous-marins océaniques à propulsion conventionnelle de conception nationale KSS-3. Reste que le projet, qui peut s’appuyer sur les compétences de l’industrie nucléaire locale, est limité par les accords de défense avec les États-unis, qui empêchent Séoul d’utiliser à des fins militaires de l’uranium hautement enrichi alors que ce dernier est requis pour la propulsion sous-marine. La question est donc d’une nature plus politique que technique.
Ces évolutions font suite à un tir de missile balistique, le 2 octobre. Le Pukguksong-3 a parcouru 450 km, avec un apogée à 910 km – de sorte que sa portée a intentionnellement été réduite – après un tir sous-marin. Il semble a priori destiné à équiper le nouveau sous-marin lanceur d’engins de Pyongyang. Pratiquement, c’était le premier tir d’un SLBM depuis août 2016, et le premier tir d’un engin destiné à embarquer une arme nucléaire depuis le moratoire d’avril 2018 sur les essais de missiles intercontinentaux – qui certes, ne concernait pas les SLBM. On note également que la Corée du Nord avait testé, fin août, un nouveau type de roquette missilisée lourde, de 380 km de portée (dont l’apogée était de 97 km et la vitesse terminale de Mach 6,5) selon les autorités sud-coréennes. Le tir de deux roquettes de ce type (quatre peuvent être tirées depuis des TEL 8×8) concluait une série d’essais de roquettes guidées de plus courte portée.
Par ailleurs, si la situation régionale reste marquée par l’activisme balistique de la Corée du Nord et la montée en puissance de la Chine, la coopération entre Tokyo et Séoul va également devenir plus complexe. Fin août, la Corée du Sud avait en effet décidé de ne pas renouveler le General Security of Military Information Agreement (GSOMIA), un accord de partage de l’information entre les deux pays. Pratiquement, les échanges réguliers d’informations – qui se montraient particulièrement intéressants pour le suivi des essais nord-coréens – vont s’interrompre en novembre. Séoul n’a pas donné d’explication particulière, mais il est un fait que ses relations avec le Japon sont complexes et que la Corée du Sud développe elle-même ses capacités balistiques et contre-balistiques. Partager ses informations impliquerait ainsi de transmettre indirectement des informations sur ses capacités de suivi.
Les budgets de défense sont également en hausse au Japon. Le budget pour l’année fiscale 2020 (qui commence en avril) devrait atteindre 50 milliards de dollars, soit une augmentation de 1,14 % comparativement à 2019. Le montant affecté au soutien des troupes américaines présentes dans l’archipel devrait atteindre 1,9 milliard de dollars. En l’occurrence, il s’agit
surtout de financer les programmes déjà engagés ou ceux dont on percevait la maturation. Tokyo a ainsi formellement décidé, mi-août, d’acheter 42 F-35B destinés à son aéronavale, et de mettre effectivement en place une deuxième unité de guerre électronique. Concrètement, celle-ci comptera 80 hommes et sera rattachée au corps amphibie japonais. Surtout, on apprenait fin août que le Japon pourrait développer un satellite intercepteur afin de faire face aux systèmes chinois et russes. En l’occurrence, Tokyo se défend de toute velléité offensive en indiquant qu’il s’agit de protéger ses propres satellites. D’autres options sont également prises en considération, comme des armes électromagnétiques ou des options cyber. Selon le calendrier fourni par Tokyo, une décision interviendrait fin mars 2021. Si l’option du satellite intercepteur était retenue, elle déboucherait sur un lancement au milieu de la décennie.