Un sentiment d’inachevé
Réflexion sur l’efficacité des opérations
Jean Gaël LE FLEM et Bertrand OLIVA Éditions de l’école de guerre, Paris, 2018, 216 p.
Tous deux officiers brevetés de l’école de guerre, les auteurs reviennent sur un sujet que certains penseraient épuisé par L’utilité de la force de Ruppert Smith (Economica, 2007) : nous sommes tactiquement excellents, voire brillants, mais pour quel résultat stratégique ? En réalité, ils vont plus loin et d’une manière plus pertinente dès lors qu’elle implique des pistes de solution. L’ouvrage, de ce point de vue, doit autant à la ligne claire qu’à l’honnêteté intellectuelle. Dans les deux
premières parties, une approche bienvenue de l’efficacité et de sa relativité est suivie du constat imparable qu’un certain nombre de nos concepts structurants – approche globale, antiterrorisme, coalitions, solutions locales – sont loin d’être pleinement satisfaisants. Que faire ? Les deux dernières parties s’attachent à répondre à la question, en prenant d’abord un peu de hauteur : comment penser la complexité et, par-delà, notre rapport à la notion d’objectif ? Ne s’agit-il pas plutôt de façonner un environnement qui nous serait favorable ? Si Clausewitz est convoqué, comme Sun Tzu, c’est aussi le cas de Beaufre. La dernière partie est plus concrète. Les auteurs posent alors leur concept de médiation armée et reviennent sur les logiques de PMO (Partenariat Militaire Opérationnel), actuellement en plein développement au sein de l’armée de Terre, mais aussi de combat couplé. Si l’ouvrage est fait pour prêter au débat, il est indéniable qu’il offre du grain à moudre, appuyé sur une réflexion pertinente, une démonstration claire et un style limpide. En ce sens, ce Sentiment d’inachevé passe trop injustement inaperçu : il devrait être lu par tous ceux qui étudient la stratégie française et, surtout, ses grands ordonnateurs, qu’ils soient politiques ou militaires.