Des forces actives
La marine russe a développé une activité inhabituelle fin octobre, le renseignement militaire norvégien indiquant qu'au moins dix sous-marins, dont huit à propulsion nucléaire, ont quitté leurs bases dans la péninsule de Kola. Une partie se serait dirigée vers le Svalbard. Le déploiement russe visait, plus largement, l'atlantique nord et semble avoir compris des essais d'armement. Les exercices, les plus importants observés depuis 1985, se sont tenus juste avant la visite d'autorités russes – dont le ministre des Affaires étrangères – en Norvège, pour la commémoration de la libération de la ville norvégienne de Kirkenes au terme de la Deuxième Guerre mondiale. En l'occurrence, le suivi des activités russes semble avoir été correct. Hasard du calendrier, les exercices se déroulaient alors que le Royaume-uni prenait livraison de son premier P-8 Poseidon de patrouille maritime.
La flotte a également effectué des exercices multilatéraux. Du 25 au 30 novembre, le croiseur Maréchal Ustinov a ainsi interagi avec la marine sud-africaine et une frégate chinoise. L'exercice était de faible amplitude, mais montre que la Russie tente de faire preuve d'une plus grande activité dans des zones où elle n'opère pas traditionnellement, tout en poursuivant ses coopérations avec Beijing. Il s'agit également de se positionner d'une manière plus nette à l'égard de l'afrique, dans un contexte où Moscou est de plus en plus actif sur le continent. Reste aussi que la marine russe continue de faire face à des difficultés. Le porte-avions Kuznetsov (voir DSI no 144), en pleins travaux, a subi un incendie qui a fait un mort et 12 blessés. Par ailleurs, un autre dock flottant, le PD -16, a coulé, entraînant avec lui un sous-marin conventionnel Tango – les deux avaient cependant été sortis de service.
Par ailleurs, fin octobre, la Russie a annoncé que le potentiel de combat de la base no 102, en Arménie,
allait pratiquement doubler après sa dotation en matériels modernisés et neufs. Cette base abrite environ 3300 hommes armant une brigade motorisée et trois batteries de missiles antiaériens à longue (SA-12) et moyenne (SA-6) portée. En outre, la Russie fait toujours face à une situation délicate en Ukraine. Si des combats d'intensité variable se déroulaient encore quotidiennement dans l'est du pays en septembre, les forces de Kiev continuent également de monter en puissance. Elles peuvent notamment s'appuyer sur le soutien américain. Le budget militaire de Washington, de 738 milliards de dollars pour 2020, prévoit ainsi 300 millions au profit de l'assistance militaire à l'ukraine; soit environ 50 millions de plus qu'en 2019.
Les États-unis avaient vendu des armes de précision puis 210 missiles antichars Javelin à l'ukraine, mais les conditions de la vente empêchaient leur utilisation. En effet, ces missiles devaient rester stockés dans l'ouest de l'ukraine… Le Département d'état a depuis lors donné son feu vert à la vente de 150 missiles supplémentaires, l'ambassadeur ukrainien aux États-unis assurant mi-octobre qu'ils pouvaient maintenant être utilisés partout dans le pays. L'ukraine, dont les forces navales sont réduites, semble également chercher à se doter de batteries de défense côtières.
La situation politique évolue. Le 1er octobre, toutes les parties – Russie, Ukraine, représentants de Donetsk et de Luhansk – se sont accordées autour de la « formule de Steinmeier », du nom du président allemand. La logique retenue est celle de l'attribution définitive d'un statut spécial aux républiques séparatistes au terme d'élections à venir et supervisées par L'OSCE, préalable à un retrait russe. De facto, la perception russe est, autant que pour Kiev, celle d'un bourbier : ne pouvant totalement lâcher les séparatistes, Moscou ne pouvait pas non plus s'engager dans des opérations de grand style en particulier après les derniers accords de Minsk. Reste encore à mettre en pratique le processus. Une réunion au format « Normandie » et incluant la France et l'allemagne s'est ainsi tenue le 9 décembre, permettant d'obtenir un premier contact direct entre les présidents russes et ukrainiens. •