Fin de partie pour Al-baghdadi
Les États-unis ont conduit un raid permettant de tuer Abou Bakr al-baghdadi le 26 octobre. En l'occurrence, l'opération « Kayla Mueller » a été menée dans le nord-ouest de la Syrie, à Barisha (à proximité de la frontière avec la Turquie) par des forces spéciales, et notamment la Delta Force et des Rangers, avec l'appui de la Turquie, mais aussi des forces kurdes. C'est en particulier le cas en matière de renseignement quant à la localisation d'al-baghdadi et à la configuration du complexe où il avait trouvé refuge, les Kurdes ayant réussi à retourner un djihadiste, ensuite exfiltré, selon le Washington Post. Si Al-baghdadi s'est donné la mort avec une ceinture explosive et qu'un autre responsable a été tué dans le raid, les forces américaines ont mis la main sur une série de documents avant de procéder à la destruction des bâtiments par des raids aériens.
L’opération a une portée symbolique évidente : le succès est bien réel. Reste cependant que la mort d'al-baghdadi ne met évidemment pas un terme à l'état Islamique (EI). Sa reconfiguration en organisation irrégulière a ainsi été entamée avant la reprise de Raqqa (voir nos précédentes éditions), lui permettant de poursuivre ses opérations, certes plus discrètement. Les Étatsunis ont d'ailleurs repris leurs opérations contre l'organisation fin novembre, alors que Washington avait annoncé se retirer de la région… pour ensuite se raviser partiellement et vouloir sécuriser une partie des champs pétroliers syriens. En l'occurrence, des opérations conjointes avec les Kurdes – peu revanchards – ont été conduites contre des positions de L'EI dans la province de Deir ez-zor.
De facto, les conditions sécuritaires dans la région, et en particulier le vide de pouvoir et le manque de présence des États syrien et irakien, restent propices à une remontée en puissance de L'EI. Sans surprise, l'organisation s'est également dotée d'un nouveau leader, Abou Ibrahim al-qourachi. Nombre de services de renseignement estiment ainsi que les opérations contre L'EI sont loin d'être terminées. L'EI continue ainsi de mener des actions de guérilla dans la vallée de l'euphrate et jusque dans les zones contrôlées par les forces kurdes, ou encore de poser des IED en Irak. Pis, la situation à Bagdad s'est dégradée, où de violents
affrontements entre la population – excédée par l'insécurité et la corruption – et les services de sécurité ont eu lieu.
Au-delà du Levant stricto sensu, L'EI reste actif dans de nombreuses zones, en particulier au Sinaï, où les forces égyptiennes continuent de piétiner. Boko Haram, affilié à L'EI, continue également de combattre, principalement dans la province de Borno, au Nigeria. La «Province d'afrique centrale » opérant au Mozambique semble engager de plus en plus fréquemment le combat contre les forces loyalistes, toujours dans une logique de guérilla.
La situation au Sahel est également préoccupante. Le 1er novembre, la « Province d'afrique occidentale » de L'EI (EX-EIGS) a ainsi attaqué le camp malien d'indelimane, tuant au moins 49 soldats maliens. Le 10 décembre, c'était le camp d'inates, au Niger, qui était attaqué, provoquant au moins 71 morts dans les rangs de l'armée nigérienne. La situation militaire dans la région est d'autant plus précaire que les forces maliennes ont décidé d'un « retrait stratégique » début novembre, à la suite de l'attaque d'indelimane en vue, selon l'état-major malien, de l'adoption d'une nouvelle stratégie… qui reste à détailler. Dans le même temps, le soutien des populations locales aux opérations françaises – «Barkhane», «Sabre» pour les forces spéciales – et plus généralement à la présence française, semble s'éroder. Il faut y ajouter d'autres contraintes. Le Burkina Faso a ainsi demandé à ce que les aéronefs étrangers survolant son territoire – pour l'essentiel, des appareils français – soient annoncés 48 heures à l'avance… Une position ne facilitant pas la conduite d'opérations dans un pays où les groupes djihadistes progressent, et sachant également que le Burkina ne dispose pas réellement d'une autorité aérienne équivalente à un CRC (Control and Reporting Center) avec laquelle communiquer…
Au demeurant, Paris a annoncé la création d’une nouvelle force, Takuba. Celle-ci regroupera des forces spéciales en soutien de « Barkhane » et sera mise en place en 2020, en s'appuyant notamment sur des forces européennes. La Belgique participera au niveau de l'état-major avec trois personnes (sa participation est plus massive en appui du Niger), mais l'estonie sera également présente au deuxième semestre 2020. La République tchèque devrait également y prendre part. Du reste, plusieurs États ont prévu des renforts dans d'autres cadres. Le Danemark a ainsi déclaré en octobre vouloir déployer deux hélicoptères et 70 hommes pour « Barkhane », tandis que le Royaume-uni avait annoncé en juillet la prolongation d'au moins six mois de la mission de ses Chinook, toujours pour « Barkhane ». Londres avait également annoncé le déploiement de 250 hommes dans le cadre de la MINUSMA en 2020. •