La coûteuse alliance américaine
Washington se comporte avec Séoul comme avec ses alliés européens et japonais, en faisant pression pour qu'ils participent plus massivement au financement de la présence de forces américaines sur leurs territoires. Ce qui ne passe pas nécessairement bien aux yeux des capitales concernées. En l'occurrence, le ministre de la défense sudcoréen juge « beaucoup trop excessives » les demandes américaines à l'égard du stationnement en Corée de 28 500 hommes. Les États-unis ont ainsi demandé une contrepartie annuelle de 5 milliards de dollars, alors que jusqu'en 2018 Séoul ne payait que… 800 millions de dollars. Pratiquement, les demandes américaines ont débouché sur des manifestations d'étudiants allant jusqu'à envahir la résidence de l'ambassadeur américain. Jusqu'ici, Séoul avait accepté le principe d'un paiement aux États-unis d'une somme supérieure de 8,2 % à celle réglée en 2018. Les États-unis et la Corée du Sud poursuivaient par ailleurs leurs discussions sur la question à la fin octobre.
Une des réponses de Séoul est ainsi intervenue mi-décembre. Il s'agirait en l'occurrence de procéder à des commandes d'armement pour un montant de 1 milliard de dollars d'ici à la fin de 2020, en plus des sommes payées annuellement. Sont évoqués l'achat d'appareils de surveillance ou encore le codéveloppement d'un système de défense antimissile. La Corée du Sud attend toujours la réponse des États-unis à
sa proposition, mais rappelle également qu'outre les paiements qu'elle effectue annuellement, elle a contribué pour près de 9 milliards de dollars au repositionnement d'unités américaines sur son territoire, dans les installations flambant neuves de Camp Humphreys.
Les demandes américaines concernent également le Japon, où sont stationnés 54 000 Américains. Actuellement, Tokyo paie environ 2 milliards de dollars par an aux Étatsunis, mais ces derniers réclament à présent 8 milliards. Les négociations se poursuivent là aussi en sachant que l'accord-cadre régissant le stationnement des forces et les paiements liés prendra fin en 2021. Là non plus, le Japon n'est pas inactif : il a investi des sommes considérables dans les installations utilisées par les Étatsunis : 12,1 milliards de dollars pour Futenma, 4,5 milliards pour Iwakuni, 3,1 milliards pour des installations à Guam où sont relocalisées des forces américaines auparavant présentes à Okinawa.
Des chercheurs américains rappellent également que la notion de coût est relative. Certes, les déploiements américains au Japon et en Corée du Sud représentent des dépenses importantes. Mais les deux pays contribuent également massivement aux coûts. Le rapatriement des forces américaines impliquerait ainsi que les salaires de plus de 24 000 civils affectés au soutien des unités au seul Japon soit pris en charge par les autorités américaines… qui devraient également construire de nouvelles installations pour accueillir les militaires de retour. De même, aussi bien Séoul que Tokyo effectuent des achats massifs d'armements auprès des Étatsunis. Le déploiement de troupes par ces derniers n'est donc pas «gratuit», d'autant plus qu'il permet également aux États-unis de renforcer leur position sur le plan mondial, mais aussi régional. Difficile, en effet, d'avoir autant d'influence sur la Corée du Nord ou sur la Chine sans le positionnement de forces navales, aériennes et terrestres à proximité… •