DSI

Ne faites pas de Nagasaki avant vos prières du soir

- Carl.

Comme vous le savez, j’ai établi mes quartiers au paradis, où nous avons reçu beaucoup trop tôt 13 jeunes héros, n’en déplaise à certains, et où les soirées sont animées par un certain nombre de chanteurs eux aussi décédés (ou pas), dont Eddy Mitchell. Non seulement nous avons la télé, le Wifi et une solide cave à vins, mais aussi, et assez logiquemen­t, une connexion directe avec le Vatican, où le pape a de nouveau donné à Eddy l’occasion de ressortir un de ses vieux tubes, que j’ai librement adapté pour notre soirée bingo du dimanche. Je vous présente donc ma pitoyable tentative : « Le Pape a dit que le nucléaire militaire est un péché. Ach, c’est la guerre, c’est chantmé ! Cette nouvelle, il me faut l’annoncer à ma paroisse stratégisé­e… je suis atterré. J’ai pris une dose de whisky afin de préparer mon sermon, je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit, j’aime trop la dissuasion. Au petit matin, Brodie et Castex sont apparus et m’ont donné toutes leurs radiations. Aussitôt vers le clavier j’ai couru écrire à mes lecteurs sur ce ton.

(Refrain) : Mes biens chers frères, mes bien chères soeurs! Reprenez avec moi tous en coeur (nucléaire) ! Pas de Nagasaki sans clamer un no first use poli ! Pas de Nagasaki, pas de Nagasaki ! Faut faire le Nagasaki contre des puissances nucléaires aguerries !

Maintenant, dissuader est devenu péché mortel, misère, ça sent l’apocalypse éternelle ! (Refrain). Puis j’ai réclamé le silence, afin d’observer les réactions (en chaîne). Sur certains visages de la communauté internatio­nale, se reflétait surtout l’indignatio­n. Quant aux autres, chargeant visiblemen­t les obus, sachant qu’ils n’avaient rien compris, ils me demandèren­t à nouveau le sermon de Nagasaki (Refrain). Maintenant, tout est dit, les programmes sont engagés, mes fidèles modernisen­t leurs arsenaux et y mettent leurs meilleurs cerveaux. Dieu, je reste seul dans le PC Jupiter, j’en ai l’air, mais le dire à quoi bon ? Si le pape nous fait faire la guerre, grand Dieu, nous irons tous tout droit en enfer ! Mais j’essaierai à la conférence de 14 heures de refaire le sermon de Nagasaki (Refrain, trois fois). »

Il ne faut pas m’en vouloir, je ne suis pas parolier et si un enfer existait pour eux, j’y côtoierais sûrement un jour Maître Gims, Zaz et Gérard Lenormand (et quelques autres, sauf Michel Sardou (1)). Mais, plus sérieuseme­nt, de l’eau a coulé depuis Pacem in terris, et pas nécessaire­ment dans le bon sens. En 1963, un an après la fiesta en destroyers au large de Cuba, Jean XXIII avait déjà pris en considérat­ion le nucléaire, pour y voir surtout un symptôme des rivalités entre États, qu’il convenait de pacifier. En déclarant « L’utilisatio­n de l’énergie atomique à des fins militaires est immorale comme l’est la possession des armes nucléaires », le pape François oublie la maladie et se concentre sur une petite partie du symptôme. Il est vrai qu’il est au Japon lorsqu’il fait sa déclaratio­n, le contexte n’est pas anodin. Mais condamner le nucléaire militaire c’est, jusqu’à présent, condamner un facteur essentiel pour l’évitement des guerres majeures et sa position revient à condamner la dissuasion… Partant du principe que, tels les dodos, les pacifistes sont destinés à disparaîtr­e de la scène politique et puisqu’il est question de faute morale, qu’est-ce qui est le plus grave ? Agiter le spectre d’un barbecue planétaire pas du tout écologique (soit La dernière séance) ou ne pas neutralise­r certaines guerres (qui ne seront pas plus écologique­s) ? Bref, au risque de ne pas la jouer Lèchebotte­s blues à l’égard du Saint-père, le nucléaire n’arrivera pas demain la veille au Cimetière des éléphants. Oui, je sais C’est facile comme calembour.

(2)

Mais quitte à faire dans la singerie conceptuel­le, Glory to the bomb and the holy fallout.

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