LE PAMPA OU L’ARGENTINE AÉRONAUTIQUE
Appareil rustique et fiable, L’IA-63 a eu une carrière pour le moins confidentielle. Mais il est aussi la dernière production – dans tous les sens du terme – d’une entreprise qui a considérablement évolué depuis les années 1920 et qui a toujours été perçue comme essentielle pour le pays. Créée en 1927, la Fábrica Militar de Aviones produit des appareils sous licence tout comme des designs locaux. Elle ne s’y limitera d’ailleurs pas : dans les années 1950, la maîtrise de la mécanique de précision permet d’envisager la production automobile, l’aéronautique jouant un rôle de levier… mais sera in fine le secteur le plus porteur. Le soutien de l’état, les circonstances postérieures à la Deuxième Guerre mondiale et une capacité prospective ont permis de pressentir l’importance future de la propulsion à réaction. Buenos Aires a ainsi engagé Émile Dewoitine, recherché en France pour collaboration avec l’ennemi, qui développera le Pulqui I, premier chasseur à réaction sud-américain, dès 1947. Il en sera de même avec Kurt Tank, le chef ingénieur de Focke Wulf, et 62 de ses collègues. Ils concevront le Pulqui II, chasseur à réaction à ailes en flèche qui volera en juin 1950 avec une motorisation britannique.
Le programme n’ira cependant pas à son terme : la fin du contrat de Kurt Tank, ses demandes salariales trop importantes pour une reconduction, la nécessité de poursuivre le développement d’un appareil prompt au décrochage, les contraintes financières et la révolution de 1955 aboutissant à la destitution de Juan Perón – qui avait fait de l’appareil un symbole de modernisation du pays – auront raison du projet. Kurt Tank partira finalement en Inde pour travailler avec HAL. Au demeurant, il ne sera pas le seul ingénieur allemand à travailler avec la FMA. Reimar Horten a également émigré en Argentine où il continuera à travailler sur plusieurs projets d’ailes volantes, dont une de chasse – qui ne volera jamais – et un quadrimoteur destiné à l’exportation d’oranges. Dans les années 1960, l’accent est plutôt mis sur la production sous licence de designs étrangers éprouvés, dont le MS-760 Paris ou le T-34 et, pour les appareils de conception nationale, sur des avions civils (agricoles, de transport léger, de tourisme). Dans le même temps, l’équipement de la force aérienne s’effectue de plus en plus souvent par l’intermédiaire d’achats sur étagère.
Cela n’exclut pas quelques projets militaires de fond : en août 1969, L’IA-58 Pucara effectue ainsi son premier vol et connaîtra un certain succès commercial (voir DSI no 129). D’autres projets sont ensuite évoqués, comme le biréacteur de combat SAIA 90 et L’IA-63, mais seul ce dernier aboutira. Entré en service à une époque où plusieurs appareils à faible coût sont déjà sur le marché, il ne trouve pas d’acheteurs. Dans les années 1990, l’industrie se concentre sur la modernisation au standard A-4AR, mais le programme a pour contrepartie le rachat de FMA, qui devient Lockheed Martin Aircraft Argentina et passe donc dans le privé. Durant la présidence Kirchner, les parts américaines de la firme sont rachetées par Buenos Aires, la firme devenant en 2010 la Fábrica Argentina de Aviones (FADEA). En l’occurrence, si l’entreprise reste maintenue sous perfusion dans un contexte budgétaire plus que délicat pour l’argentine, les productions sont à présent rares : outre le Pampa III – qui arrive également tardivement sur un marché des LIFT (Lead In Fighter Trainer) dont il aurait pu être le segment low cost –, seul un petit monomoteur d’entraînement et de tourisme, L’IA-100, a été produit et a effectué son premier vol en 2016.