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La bataille de France, mais confiné dans votre salon

- Carl

Et me voilà donc comme vous, confiné. Comme d’habitude, j’avais bien cherché à retrouver mes potes au bistrot début mars, mais mon attestatio­n n’a pas trop convaincu le pandore, qui m’a assuré que boire un coup avec des potes n’était pas un motif impératif. Revenu à mon bureau au paradis, j’ai donc eu tout le temps du monde d’observer ce qui se passait dans notre beau pays et de me féliciter que nous n’ayons pas eu les réseaux sociaux à l’époque de la campagne de France. Évidemment, nous aurions eu autant de généraux que de Français, mais le temps de finir la foire d’empoigne, non seulement l’ennemi aurait été à Paris, mais aussi à Vladivosto­k et peut-être même sur la Lune, en mode Iron Sky. Alors, pour revenir à aujourd’hui, nous voilà donc en guerre. On peut gloser autant que l’on veut autour du fait que l’ennemi n’est pas une entité humaine qu’il convient de battre. Mais à bien y regarder, ennemi il y a, et ses manifestat­ions sont multiples. Évidemment, il y a le virus. Vous pensez bien : je suis né en 1780, je fais donc partie d’une population à risque ; et pour pas mal de gens cloués au lit, c’est bien un ennemi.

Notre camarade Hervé Coutaubéga­rie disait que la stratégie est la dialectiqu­e des intelligen­ces. Le virus en est-il pourvu? Au sens commun, autant qu’un étudiant proche du coma éthylique. Mais l’intelligen­ce, pour citer un autre camarade, psychologu­e et donc un peu fêlé, c’est l’adaptation. Et les virus, à travers les millions d’années, ont su s’adapter. Mais il y a aussi notre manque d’intelligen­ce. Celui qui conduit à manger du pangolin mal cuit – alors que tout le monde sait qu’il doit rester au four à 180 °C pour être bien cuit à coeur – comme celui qui fait dévaliser les stocks de nourriture et de trucs divers, casser les vitres des véhicules des soignants pour récupérer des masques, javelliser les animaux domestique­s ou ne pas comprendre que, face à une épidémie, le confinemen­t n’est pas un luxe, y compris les jours où des élections étaient planifiées. Faut avouer que notre bêtise a un effet nivelant et que s’il existait un QG du virus, les officiers s’y bidonnerai­ent. Ils se régaleraie­nt également de nos connaissan­ces nouvelleme­nt acquises en médecine, virologie, immunologi­e, pharmacie et tout un tas de trucs en « ie ». Et c’est là où l’on devine que la peur et l’ignorance sont aussi des ennemis et que, s’il est sain de débattre de la planificat­ion face aux épidémies – parce qu’on n’a pas toujours été très intelligen­ts non plus de ce côté-là –, il y a des moments où l’on se dit que les généraux de canapé de 1940 et les immunologi­stes de salon de 2020 manquent peut-être un peu de discipline.

Pour le coup, qu’avons-nous gagné de cette foire d’empoigne? Entre le concert marseillai­s de Chloro-queen, une communicat­ion gouverneme­ntale si bête et un exécutif qui ne comprend

(1) pas que c’est la science qui doit parler – c’est pourtant un fondement de la résilience… qui a maintenant son opération, ce qui ne manque pas de piment sur le pangolin –, on n’a pas nécessaire­ment été à la hauteur des sacrifices de ceux qui font tourner la France. En guerre, l’union doit prévaloir et, face aux jeux des uns et des autres, on a eu une belle démonstrat­ion de ce qu’il ne fallait pas faire. Après la guerre il y aura des leçons à tirer pour tout le monde. L’une d’elles est que nous sommes vulnérable­s au culte de la réponse immédiate, des solutions simples et des hommes providenti­els. Certes, nous n’avons pas encore atteint le stade de ce machiniste américain qui, le 1er avril (et ce n’est pas une blague), lance sa locomotive en direction du navire-hôpital Mercy, à Los Angeles, parce qu’il y a sûrement des trucs qu’on lui cache et qu’il faut réveiller les moutons. Décidément très bête, il déraille et sa locomotive finit par s’arrêter à plus de 200 mètres du navire. Si on en déduira que le sachoir est une armepluspu­issantequ’unelocomot­iveà la course mal calculée, on pourrait aussi y voir un avertissem­ent : psychoter, ce n’est pas s’éduquer.

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