Ratnik Le futur fantassin russe
Parmi tous les programmes d’équipement du fantassin du futur, celui de la Russie fait partie de ceux dont l’intégration au sein des forces est la plus avancée. Dévoilé en 2011, ce programme baptisé Ratnik (« guerrier », en russe) en est actuellement à sa deuxième génération, la troisième étant à l’étude. Marquant déjà une certaine évolution depuis les premiers exemplaires livrés en 2014, il a entraîné la modernisation des unités de mêlée et d’appui.
Largement inspiré du programme FELIN français, le Ratnik actuellement en service au sein des forces russes représente la seconde génération du programme et comprend une cinquantaine d’éléments individuels : la tenue de base est une combinaison réversible 6Sh122 traitée anti-infrarouge réalisée dans le nouveau camouflage
Digital Flora de l’armée russe, complétée par deux ensembles avec veste et pantalon de treillis, l’un pour les zones tempérées et l’autre pour les zones arides, ainsi qu’un ensemble d’effets chauds multicouches VKBO. En chaussants, les soldats russes perçoivent une paire de rangers VKBO pour l’été et une paire de Faradei conçue pour l’hiver.
L’une des particularités du Ratnik est que l’infanterie conventionnelle est dotée d’un casque de tir GSSH à amplification avec écouteurs et micro,
une catégorie d’équipement généralement réservée aux forces spéciales de premier et deuxième cercle dans les armées occidentales. À cette protection auditive s’ajoutent un masque tactique, un ensemble de genouillères/ coudières, un kit de vie en campagne (bâche, réchaud, filtre à eau NF-10, sac de couchage, pelle légère 6E5, montre étanche 6E4-1, couteau multifonction 6E6, kit de premiers soins) et un couteau de combat. Le casque, identique pour tous les soldats, est un 6B47 sur
lequel peuvent se monter une lampe FSS-014 et un HUD monoculaire
(1) affichant les données des optiques de tir nocturne et thermique, permettant le tir déporté. Il est fourni avec deux couvre-casques : l’un en camouflage Digital Flora, l’autre en camouflage hiver.
En revanche, les protections balistiques varient selon la spécialité du soldat : les fantassins perçoivent un gilet tactique pare-balles 6B45, là où les unités d’infanterie légère telles que les VDV utilisent le porte-plaques 6B46, tandis que les équipages de blindés, les tankistes, les artilleurs et les sapeurs reçoivent un gilet pare-éclats 6B48 Ratnik-zk, dont le 6B46 est d’ailleurs inspiré pour son design compact. Ce dernier est également en dotation chez les marins, qui y ajoutent un dispositif de flottaison pour éviter la noyade au cas où ils se retrouveraient à l’eau.
En outre, un brêlage tactique 6Sh117 comportant un buttpack de 7 l peut être porté par-dessus le gilet 6B45. Au niveau du portage, trois sacs à dos font partie du kit : un sac d’assaut de 10 l dans lequel est insérée une plaque balistique amovible, un sac de 25 l pour les patrouilles mécanisées et, pour les emports plus volumineux ou les missions de longue durée, un sac 6Sh118 de 60 l. Pour les opérations sous menace NRBC, une tenue spécifique avec masque à gaz ainsi qu’un module de mesures radiologiques et chimiques sont inclus dans l’ensemble.
L’armement repose sur le fusil d’assaut AK-12 pour les troupes d’élite et sur L’AK-74M pour le reste des forces terrestres, du moins jusqu’en 2025. En option, un lance-grenades de 40 mm, des aides à la visée diurnes telles que le viseur reflex 1P87, une lunette à intensification de lumière 1PN40 et une lunette thermique 1PN41 peuvent être fixés sur l’arme principale. Les tireurs d’élite et les mitrailleurs perçoivent des kits de poches adaptés à leur armement, fixées sur les gilets par le système de passants UMBTS, l’équivalent russe du MOLLE américain.
Les gilets pare-balles du Ratnik de seconde génération ont été optimisés au niveau du poids : le porte-plaques 6B46 pèse moins de 7 kg, le gilet 6B45 pesant 15 kg (sans la plaque pelvienne ni les deltoïdes, qui portent l’ensemble à 19 kg). Lorsque les plaques de céramique Granit (semblables aux SAPI américaines en version tireur) sont en place, ces deux gilets offrent une protection balistique de niveau 6 sur le standard GOST R (l’équivalent russe du Stanag de L’OTAN), résistant jusqu’au calibre 7,62 × 54R mm contre dix impacts consécutifs à dix mètres de distance, y compris avec des munitions perforantes, sur l’ensemble de la surface couverte par ces plaques amovibles, qui agissent en conjonction avec un insert en kevlar couvrant une surface plus large. Le gilet le plus lourd en configuration complète protège 90 % des organes vitaux contre les éclats et les impacts d’armes de poing.
Introduit en 2016 au sein des forces terrestres, des troupes de marine et des VDV, le Ratnik de 2e génération n’est pas encore un véritable système C4I puisqu’il n’inclut pour le moment qu’un sous-système C2I baptisé Strelets. Ce dernier comprend une radio pour les transmissions voix/données, un Blue Force Tracker, un GLONASS (le système GPS russe) NPI-2, et une tablette pour les chefs de groupe, grâce à laquelle ils peuvent localiser chacun de leurs hommes en temps réel, envoyer des ordres, désigner une cible pour un appui aérien et transmettre des photos ou des vidéos. Le Strelets a été testé en Syrie lors de demandes de Close Air Support avec des SU-24M au cours desquelles il a fait ses preuves.
L’innovation du Ratnik se situe au niveau du soutien énergétique avec un exosquelette passif en fibre de carbone permettant de protéger la colonne vertébrale et les articulations du soldat qui le porte. Sur cette génération, le soussystème d’alimentation électrique sert uniquement au Strelets, et il faudra attendre les prochaines générations du Ratnik pour voir apparaître un véritable exosquelette actif alimenté par batterie.
Le Ratnik de première génération est entré en service en 2013 pour une série de tests qui s’est achevée le 23 octobre 2014, à l’issue de laquelle tous
ses composants ont été validés par l’armée. Les premières livraisons sont intervenues à partir de début 2015 et, en novembre 2016, l’intégralité des troupes de marine en était dotée. Le Ratnik a été testé en conditions grand froid en 2017 par des équipes de reconnaissance opérant à des températures oscillant entre − 23 °C le jour et − 35 °C la nuit. En mars 2019, l’ensemble de l’armée de terre ainsi que les unités amphibies de la marine avaient quasi achevé leur dotation, le Ratnik ayant connu son baptême du feu en Syrie. À l’étranger, un certain nombre de pays se sont montrés intéressés par son acquisition, avec des commandes totalisant plus de 30 millions de dollars.
Tous les programmes de soldat du futur se sont fixé des objectifs qui, pour certains, se heurtent encore à des défis technologiques et les font stagner au stade de simple modernisation, à défaut d’un véritable saut générationnel. Le Ratnik ne fait pas exception et certaines idées qui paraissent prometteuses sur le papier résistent à la concrétisation, notamment l’intégration de capteurs physiologiques à la tenue de combat, la connexion permanente aux moyens ISR et le passage du système C2I au niveau C4I pour automatiser le fantassin jusqu’au niveau compagnie.
Le Sotnik, troisième génération de Ratnik
Le programme Ratnik étant en développement continu, l’étude de la troisième génération a débuté en septembre 2018 et le kit sera alors rebaptisé Sotnik («centurion», en russe). Devant entrer en service à l’horizon 2025, le Sotnik ne sera pas implémenté d’un seul tenant comme l’a été le Ratnik. Son introduction au sein des unités devrait plutôt se faire élément par élément, en fonction des sous-systèmes et des compatibilités possibles avec ceux actuellement en service.
Le casque est l’un des piliers du Sotnik, dans le sens où il permettra un saut générationnel concernant la numérisation de l’espace de bataille et l’implémentation de technologies comme l’intelligence artificielle, la réalité augmentée et la fusion de capteurs.
Sous son apparence de casque intégral, il est en réalité constitué de trois éléments : la protection crânienne, le respirateur et la visière. Les efforts d’allègement déjà consentis sur le casque 6B47 ont fait passer le poids de ce dernier sous la barre des 1,2 kg (ce qui permet d’y ajouter des équipements sans surcharger la nuque du combattant) et le casque du Sotnik continuera dans ce sens.
La visière balistique, outre sa fonction protectrice des yeux contre les éclats et les projectiles à faible vélocité, est appelée à constituer un véritable HUD du combattant débarqué en multipliant les données auxquelles ce dernier aura accès en permanence : affichage de l’environnement à travers l’optronique de vision nocturne et thermique, données corporelles (rythme cardiaque et respiratoire, pouls, pression sanguine, état psycho-physiologique), température intérieure et extérieure à la tenue de combat, informations de ciblage et de reconnaissance tactique, et point de visée du désignateur laser.