“Femmes à vélo”
Du 29 février au 13 mars, la mairie du VIIe arrondissement de Paris accueillait une exposition singulière, celle de “Femmes à vélo”. Les portraits de 22 femmes saisis par le photographe Nicola Fioravanti. 22 trajectoires dans le cyclisme, du sport au quotidien. Eva Cordioli, cheffe du projet et membre de l’association Soroptimist International qui l’a organisée, revient sur cette première. Comment avez-vous en l’idée de ce projet “Femmes à vélo”?
Eva Cordioli : Je suis italienne et je vis à Paris depuis sept ans. Mais depuis deux ans, je suis également cycliste dans la capitale. Or, depuis que je roule dans les rides communautaires mixtes, je vois que les femmes sont moins nombreuses que les hommes. Je me suis demandé pourquoi. J’ai découvert que beaucoup roulent en solo et font de la longue distance, des exploits, mais en solitaire, elles n’en parlent pas. Donc “Femmes à vélo” aspire à activer un certain effet booster. Non seulement pour montrer que le vélo est bénéfique physiquement et psychologiquement, mais aussi afin de donner à voir que la ville de Paris, redessinée depuis 2016, offre aujourd’hui de nombreuses rues totalement transfigurées. La ville change selon ces nouvelles nécessités de mobilité.
Pourquoi avoir choisi 22 femmes précisément ?
Ah, ça (rires) ! Au début, j’étais partie sur une base de cinquante portraits, puis en considérant la salle, je me suis dit que 50 photos avec un récit derrière feraient peut-être beaucoup. Alors j’en ai choisi 20… enfin 22, pour cette année, et j’aimerais poursuivre la série, car je vois que les femmes à vélo sont enthousiastes, ça me booste ! Et puis, nous avons encore beaucoup de chemin à faire, en termes de cyclisme, pour les femmes, et aussi dans la ville. Paris commence à se mettre en ordre pour
les Jeux olympiques, donc on devrait voir pas mal de gens à vélo pendant les JO, ça va avoir un effet accélérateur, tout comme les épreuves de route, à l’image du Giro femmes ou du Tour de France féminin. C’est important car, pour moi, le vélo a été très bénéfique. Il m’a rendue beaucoup plus sociable, je vais plus facilement vers les gens et quand je décide un voyage, j’y vais à vélo, comme l’année dernière, où je suis partie à Majorque pour faire tous les cols. J’ai envie de partager ça. Comment avez-vous choisi les femmes que vous avez mises en avant ? Ces 22 cyclistes, on peut les croiser le matin quand on sort du boulot ou quand on rentre chez soi. Je n’ai pas voulu mettre à l’honneur des femmes déjà très connues, des sportives célèbres, mais faire la part belle à nous, ces femmes ordinaires qui font des choses extraordinaires ! Certaines font de la route, du fixie, du chemin. J’en ai rencontré beaucoup durant les rides à vélo, d’autres sur les réseaux sociaux. Par exemple, nous avons fait le portrait d’une femme qui se déplace en Vélib, et c’est aussi ça, être cycliste, aujourd’hui ! Il y avait une nécessité pour moi de mettre en valeur ces femmes. Et vous avez aussi mis en avant des femmes à vélo électrique ?
Ces 22 cyclistes, on peut les croiser le matin quand on sort du boulot ou quand on rentre chez soi.
Oui, notamment Florence, avec son cargo Gaya Bike, et Yifan, qui roule sur un petit vélo qu’elle a fait elle-même ou encore Axelle. Cette présence du vélo électrique, c’était important car il a aussi changé la mobilité pour les femmes… surtout pour Florence, qui ne sort qu’à vélo avec sa fille derrière ! Le vélo, c’est sa base ! Je la suivais, car elle est aussi la créatrice de la marque de vêtements éthiques Flolove Paris et, en tant qu’Italienne, la mode est un domaine que j’aime beaucoup. J’ai vu qu’elle faisait pas mal de choses du quotidien à vélo, c’est une femme forte, qui a beaucoup de choses à dire… et elle a quitté l’Auvergne pour Paris depuis longtemps. On sent son amour pour cette ville et c’est aussi ce qui m’a plu. Yifan, je l’ai connue pendant l’été, à l’occasion d’un événement à Paris pour le lancement d’une marque de maillots pour femmes cyclistes, elle en était la directrice des ventes.
Quelle suite pourrait prendre “Femmes à vélo”?
Des ateliers, des boutiques vélo m’ont demandé si je voulais venir exposer dans leurs lieux. Je vais y réfléchir pour faire tourner l’exposition encore un peu à Paris, dans d’autres mairies, d’autres lieux car c’est un sujet assez sensible, donc c’est bien de sensibiliser dessus. Et pour la suite, on va organiser des rides à vélo, puis poursuivre les photos, les rencontres, la mise en avant des femmes qui ont des choses à nous dire, qui nous offrent leur regard sur le vélo, chacune dans son style, avec son parcours, son récit… Pour continuer à inspirer. Mon rêve serait de sortir un livre un jour à la suite de l’exposition ! Pour que le thème du cyclisme féminin devienne un sujet attractif pour la ville aussi, en fait ! Que ça amène les villes à se poser des questions et que Paris devienne un modèle de ville qui redessine ses rues, ses routes, avec des femmes au guidon.