Le « passe-partout »
Si rouler était un art et le vélo un pinceau, on recommanderait ce Giant Stance E+ 0 à tous les apprentis Picasso! Pas besoin d’être un expert pour en tirer profit, et si votre niveau va au-delà du commun des mortels, on serait tenté de parier que vous prendrez également votre pied.
Reçu à la fin de l’hiver 2020, le Stance E+ 0 Pro s’est fait remarquer d’emblée avec sa peinture noir mat soulignée par des pneus aux flancs beiges apportant une touche oldschool comme on aime. Disponible uniquement en noir, ce Stance 2020 est, en 2021, proposé à 4 850 euros équipé d’une batterie de 625 Wh au lieu des 500 Wh de ce modèle testé durant dix mois. Nous avons effectué 638 km à son guidon, principalement en terrain montagneux. Avec ses 120 mm de débattement contrôlés par un Rockshox Monarch RT, complété par une Rockshox Revelation 35L en 130 mm, on imaginait un bon pédaleur mais un
ensemble limitant dans les situations techniques corsées. L’ensemble est équipé d’un moteur Giant Syncdrive Pro de 80 Nm produit par Yamaha et alimenté par une batterie Giant Energy Pack de 500 Wh, qui peut être remplacée par une 625 Wh moyennant 900 euros de plus. Grâce au Fast Charger de 6 ampères, il est possible d’atteindre les 80 % en seulement 1 h 45, et comptez 2 h 30 pour une 625 Wh. À bord de ce Giant, il fut nécessaire de prendre nos repères. Nous avons tout de suite abaissé la potence au plus près du jeu de direction pour obtenir une position plus agressive dans les ascensions et plaquer la roue avant au sol. La position verticale de l’amortisseur le rend très sensible. C’est agréable, et le confort déjà d’un haut niveau sur ce Giant se voit encore amélioré. En contrepartie, il a été nécessaire de gonfler davantage le Rockshox Monarch RT. La commande du moteur propre à Giant n’offre pas d’écran. Son usage est aisé et plaisant, avec une sorte de revêtement antidérapant qui fait bonne impression sous notre pouce. On ne glisse pas, et cela facilite notamment l’usage du mode marche, même avec les mains humides. Tout est indiqué par Led, sans jeu de couleurs spécifiques, et ça fonctionne très bien même en cas de forte luminosité. Si vous souhaitez davantage d’informations, l’application Giant Ride Control se charge de le faire en nous permettant de paramétrer les modes d’assistance, mais aussi de répertorier les sorties réalisées avec l’intégralité des datas associées (distance, temps, trace GPS). Le poste de pilotage n’est pas encombré, une série de
témoins lumineux indique l’autonomie restante tandis qu’une autre renseigne sur le niveau d’assistance sélectionné. Et sur ce vélo, on en dispose de 7 (Off, Eco, Basic, Active, Sport, Power et Auto).
Facile et fonctionnel
Il est possible de déceler deux facettes pour ce Giant. Il procure énormément de plaisir à produire son propre effort, bien placé sur la machine. On apprécie donc le mode Eco pour explorer un plus grand périmètre qu’en musculaire et compenser le poids du vélo. Cette singulière impression de forcer et d’en obtenir un résultat positif se révèle assez gratifiante. Un bon rythme de roulage, sans que la conscience soit entamée par le spectre du moteur, qui aurait soi-disant fait tout le boulot à notre place. Cette bonne propension au pédalage se montre aussi très utile pour se joindre à un groupe alors que notre niveau ne le permettrait pas forcément. Il a été ainsi possible de réaliser les mêmes sorties que des compagnons en musculaire, plus affûtés, et dont on n’aurait pu suivre le rythme si nous n’avions pas eu le Giant. À l’inverse, nous avons rapidement saisi le potentiel que ce Stance pouvait nous apporter pour aller tenter des excursions et des passages qui nous semblaient bien trop ambitieux. D’autant qu’au moment de rebasculer dans la pente, les 150 mm de la tige de selle nous permettaient de nous placer allègrement parmi les difficultés.
Que ce soit dans les longues traversées de prés défoncés par les passages de troupeaux pour rejoindre les forêts sinueuses, ou les pierriers affûtés et glissants du Hautbugey, le plaisir de rouler aura toujours été de la partie. On se souviendra aussi que le bruit du moteur sera resté modéré, n’entraînant aucune gêne auditive. En mode Power, on a été vraiment bluffé par la constance du moteur. L’efficacité est au rendez-vous et nous permet une hausse de notre puissance jusqu’à 360 %. Le Stance nous a fréquemment accompagnés pour aller repérer des spéciales de l’enduro de La Forestière. Son usage était tant utilitaire que sportif. Certains jours, cela nous permettait de faire plusieurs spéciales sans subir les liaisons qui se faisaient en une trentaine de minutes au lieu d’une heure en musculaire… Et pour autant, lorsqu’il s’agissait de tester les passages les plus techniques, nous savions que le Giant en était capable et jamais nous nous sommes sentis trop lésés. Les compagnons de sortie bougonnant parfois, ils avaient ensuite pris la mauvaise habitude de se faire tracter. Il arrivait alors que le Giant se trouve affublé de deux compères à l’arrière bénéficiant eux aussi de l’assistance électrique via des sangles. Certes ils continuaient de pédaler mais nous étions impressionnés de voir la résistance du mode Power, ainsi que le comportement robuste du Stance. Et si nous ne tractions pas ces énergumènes, l’entretien régulier des pistes et le traçage de celles-ci nécessitaient de monter avec
des outils dans le dos, et il faut avouer qu’avec cet e-bike la tâche s’avérait bien plus aisée. Concernant l’autonomie, nous avons pu atteindre jusqu’à 870 mètres de dénivelé positif sur 32 kilomètres intégralement en mode Power. Un résultat tout à fait honorable pour une batterie de 500 Wh. Enfin, nous n’avons jamais rien eu à redire quant à la réactivité de cette motorisation qui n’engendre ni temps de latence, ni brutalité.
Un tempérament docile
Après l’avoir confronté à un large panel de situations, on peut vous affirmer que le Stance est ultra-polyvalent. Les essais variés et exigeants font ressortir une grande facilité d’usage, quel que soit notre niveau. Son tempérament pardonne les erreurs d’une telle manière qu’on a l’impression d’être bon ou de rapidement retrouver un niveau correct après quelque temps d’arrêt de la pratique. Après des périodes d’utilisation de XC ou d’enduro, nous n’étions jamais déçus de retrouver le Stance. Ces agréables sensations se confirment tant à la montée qu’à la descente. Son poids reste dans la moyenne de ce type d’e-bike, mais se fait parfois un peu lourd dans le maniement. Son moteur de 3,1 kg n’y serait pas étranger. Mais l’assistance motorisée prend immédiatement le relais dans les ascensions. Bien calé à environ 90 tours par minute, rien ne semble l’arrêter. Nous avions nos repères en abaissant notre centre de gravité avec la tige de selle télescopique, sans aller à l’extrême. De la sorte, le train avant filait sans sourciller vers l’objectif et avec une grande maîtrise. Nous ne cabrions pas et l’adhérence était maintenue. Cependant, les Maxxis Ardent nous ont parfois déçus, notamment quand les surfaces étaient mouillées, ou sur les rochers détrempés. Nous avions pris le coup de main, mais nous savions que l’adhérence allait parfois être précaire. En soi, ce n’est pas d’une importance capitale.
En revanche, le montage tubeless n’aura pas tenu longtemps puisqu’une crevaison est rapidement intervenue. Alors que la roue avant n’aura jamais été confrontée à ce contretemps, la roue arrière ne connaîtra aucun pincement mais trois crevaisons espacées sur l’ensemble du test. Pourtant les pneus auront bien vieilli, loin d’être usés à l’issue de notre essai au long cours. Cependant, malgré un bon maintien général, ce qui nous a paru atteindre ses limites en premier est la fourche. Cette Rockshox Revelation et ses 130 mm de débattement font un travail remarquable quand le vélo reste dans son programme, mais il est vrai qu’elle sature rapidement lorsqu’on commence à lui en demander un peu trop. En revanche, la géométrie de ce Stance est suffisamment singulière pour qu’on s’y intéresse. Ses bases affichant pas de moins de 465 mm font figure de valeurs élevées désormais. Et pourtant, nous n’avons jamais ressenti de difficultés à placer notre roue arrière. Et si l’adhérence est si grande et la stabilité aussi, ce n’est finalement pas le fruit du hasard. Mais le dynamisme n’en est pourtant pas altéré. Ceci est peut-être dû à un triangle avant relativement contenu grâce à un tube supérieur de 625 mm, qui ne nous a pas paru instable pour autant. Son angle de direction de 67° apporte quant à lui un
Après l’usage d’autres sortes de vélos, nous n’étions jamais déçus de retrouver le Stance.
satisfaisant compromis entre agilité et maîtrise dans la pente.
Quels enseignements ?
Après tous ces kilomètres et chemins parcourus, il est aisé de livrer un verdict. La qualité de ce vélo est impressionnante, et nous n’avons pas eu d’entretien à réaliser. Les plaquettes n’ont jamais été changées et sont dans un état proche du neuf, tandis que la chaîne arrive à peine à la moitié d’usure. Aucune purge n’a été nécessaire, il faut dire que les freins 4 pistons, malgré leur modeste gamme, ont fait un travail remarquable. Zéro fébrilité et une performance constante qui ne sont pas étrangers à cette nécessité d’entretien si modérée. Le cadre ne souffre d’aucun gros éclat et, lorsqu’on démonte les roulements, les biellettes et toute autre visserie, on prend conscience que cet e-bike a été conçu pour durer. Aucun stigmate d’usage et du temps n’est à répertorier. Les pneus affichent une usure faible, et si les crevaisons n’ont pas raison d’eux, bon nombre de kilomètres restent à parcourir. Lors des entretiens, il est possible de connecter le moteur à un ordinateur renseignant sur la distance parcourue, le nombre de connexions au système ainsi que les pourcentages d’utilisation de chacun des modes. Cela permet de diagnostiquer les éventuelles erreurs de fonctionnement, mais aussi le nombre de décharges complètes et la capacité de vie restante de la batterie. Dans notre cas, le logiciel nous indique qu’il reste 91 %, ce qui semble correct. Les roues n’affichent aucun voile et auront fait preuve d’une belle robustesse et d’un bon maintien de la tension, entraînant une rigidité latérale constante. Malgré un poc prononcé sur la jante avant, cela n’a engendré aucune faiblesse ni de détérioration de l’étanchéité tubeless. L’amortisseur est quant à lui sorti en excellent état. Il semblerait en revanche que la fourche ait un peu plus accusé le coup mais on ne l’a pas ménagé dans nos descentes engagées. Peut-être en avonsnous trop fait, en tout cas elle n’avait plus le même maintien et avait tendance à vraiment plonger dans le débattement, et cela sans augmentation de la contrainte. La regonfler l’a seulement rendue plus dure mais n’a pas modifié ce constat.