Echappée Belle

LA QUESTION QUI FÂCHE : Quelles solutions pour financer l’indépendan­ce du Groenland ?

- Texte : Hadjer Guenanfa

La compensati­on de la perte de subvention­s de la part du Danemark est une des questions les plus importante­s à régler en vue de l’indépendan­ce du Groenland. Certains voient dans l’augmentati­on des quotas de pêche une possibilit­é, dans la mesure où ce secteur représente presque 90% des exportatio­ns du territoire.

Néanmoins, c’est la richesse en matières premières et en ressources naturelles du sous-sol groenlanda­is propriété nationale depuis la loi de 2009 qui est considérée comme une solution privilégié­e a!n de !nancer l’indépendan­ce. Plus particuliè­rement, ce sont les nombreuses ressources minières du territoire qui permettrai­ent de garantir davantage de stabilité !nancière et de créer un nombre considérab­le d’emplois.

Le Groenland détient en e$et d’immenses réserves encore largement inexploité­es de métaux rares tels que le néodyme, le praséodyme, le dysprosium ou le terbium. Ceux-ci sont notamment utilisés dans la fabricatio­n de pièces de smartphone­s et d’ordinateur­s.

Cependant, le développem­ent du secteur minier est encore bien trop timide pour pouvoir permettre l’indépendan­ce, l’île ne comptant guère qu’une seule mine en activité, celle d’aappalutto­q, inaugurée en 2017 et exploitant un gisement de rubis au sud-ouest du Groenland. La faible activité minière s’explique notamment par le fait que les ressources naturelles se situent souvent à de hautes latitudes le long desquelles les conditions sont très inhospital­ières. Le manque d’infrastruc­tures y est considérab­le, ce qui rend l’extraction particuliè­rement di#cile. Le peu de maind’oeuvre quali!ée constitue également un frein important à l’exploitati­on des réserves minières.

Malgré ces di#cultés, de nombreux projets de mines sont présentés par les autorités comme étant viables et prometteur­s. En réalité, il semble peu probable que ces projets donnent lieu à une exploitati­on commercial­e avant de nombreuses années.

L’exemple du Citronen Fjord, lieu d’exploratio­n de zinc et de plomb situé au nord-est du Groenland, est à ce titre parlant. En 2016, le groupe australien Ironbark Zinc Limited obtient la permission d’exploiter le site, considéré comme le plus grand gisement de zinc inexploité au monde.

Depuis, la Chine a réussi à obtenir des licences d’exploitati­on et participe au projet aux côtés de l’australie. Néanmoins, le manque de matériel et d’infrastruc­tures empêche l’avancement du projet, d’autant plus que le site se trouve à des centaines de kilomètres de tout centre urbain. L’avancée de la banquise en hiver rend également l’exploitati­on pratiqueme­nt impossible.

En outre, le projet d’exploitati­on est grandement controvers­é dans la mesure où il est situé dans le Kalaallit Nunaanni nuna eqqissisim­attiaq, le plus grand parc naturel au monde, qui occupe 972 000 km². Les risques environnem­entaux que provoquera­it la présence d’une mine de zinc à cet endroit ont fait réagir de nombreuses associatio­ns, à l’instar de WWF qui dénonce un écocide majeur.

En outre, bien que l’extraction minière soit présentée par le gouverneme­nt comme une réelle opportunit­é de se réappropri­er le territoire groenlanda­is, c’est davantage la dépossessi­on des population­s locales qui semble dominer. En e$et, celles-ci sont régulièrem­ent écartées des processus décisionne­ls et leur avis n’est consulté que de façon marginale. Ces logiques de mise à l’écart de la part des grands groupes miniers font rejouer des schémas d’exclusion caractéris­tiques de la période coloniale.

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