BEAUTÉ PARTOUT
Lâchés chaque semaine par milliers dans le grand port voisin de La Spezia, ils déboulent en car ou en vedette. Une journée, cinq villages ! On les appelle les mordi e fuggi (comme le chien qui «mord et s’enfuit»). Ils se déplacent au pas de charge, engloutissent une assiette de pâtes au pesto, une glace au citron, un ristretto… Et repartent avec leurs cartes mémoire gavées de photos et de selfies. Le lendemain, ils seront devant la tour de Pise ou à Portofino. Une certaine vision du voyage… Il faut dire que la photo est belle.
Creusée à même la roche, en surplomb de la mer, la spectaculaire via dell’amore est romantique à souhait. Mais elle mérite tellement mieux. Il suffit de lever les yeux de son Smartphone. Rarement un paysage a été autant travaillé par l’homme. Sans sa volonté, les terrasses suspendues des Cinque Terre ne seraient que falaises escarpées.
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On y cultive la vigne et, dans les replis moins exposés au soleil, l’olivier. Six mille sept cents kilomètres de murets de pierre sèche, relevés génération après génération, afin de perpétuer le miracle. Au-dessus du port de Manarola se déploie encore un vignoble en amphithéâtre, aujourd’hui truffé de parcelles en friche. Claudio Rollandi, architecte à la retraite et historien dans l’âme, a toujours vécu ici.
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«Quand j’étais gosse, dit-il, dans les années 1950, les coteaux étaient entièrement couverts de vignes. Jusqu’à la mer. Il fallait voir cette beauté ! Eugenio Montale, notre prix Nobel de littérature, qui a passé toutes ses vacances à Monterosso, a même écrit que, dans les Cinque Terre, on récoltait le raisin en bateau.»