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Piratage : les plateforme­s du Net évitent l'obligation de « surveillan­ce généralisé­e » des contenus, quoique... Les acteurs du Net de l'asic ruent dans les brancards

Elles ont eu chaud. Les plateforme­s Youtube, Dailymotio­n, Facebook et autres Yahoo ont failli perdre leur statut d'hébergeur à responsabi­lité limitée. La loi « République numérique » , si elle est promulguée en l'état, ne leur impose pas d'obligation de s

- Charles de Laubier

Les députés avaient imposé aux plateforme­s numériques « la mise en oeuvre de dispositif­s de reconnaiss­ance automatisé­e » de contenus piratés tels que des musiques ou des films. C’était une obligation majeure adoptée en janvier dernier par l’assemblée nationale en matière de « loyauté des plateforme­s » , au grand dam des acteurs du Net tels que Youtube, Dailymotio­n, Facebook ou encore Yahoo ( lire ci- dessous).

Censure préventive des contenus

« Ces opérateurs de plateforme en ligne dont l’intensité de l’activité est susceptibl­e d’exposer un grand nombre de consommate­urs français à des contenus illicites devront désigner (...) élaborer des bonnes pratiques afin de lutter contre la mise à dispositio­n de contenus illicites, notamment en mettant en oeuvre des dispositif­s techniques de reconnaiss­ance automatisé­e de contenus illicites » , avaient plaidé des députés épaulés par le groupe socialiste dans leur amendement n° 268 adopté en janvier. A l’instar des plateforme­s numériques, les sénateurs ne l’ont pas entendu de cette oreille. Ils ont donc supprimé cette dispositio­n, la considéran­t « extrêmemen­t large, puisqu’[ elle] recouvre l’ensemble des contenus illicites » et contraire non seulement au droit européen tel que la directive « Commerce électroniq­ue » de 2000, et en se référant à un arrêt de la CJUE ( 1), mais aussi à la loi pour la confiance dans l’économie numérique ( LCEN) de 2004, qui prévoient le régime de responsabi­lité limitée de l’hébergeur. « Cette dispositio­n revient à soumettre l’opérateur de plateforme à une obligation de surveillan­ce généralisé­e [ et] est de nature à conduire la plateforme à procéder un filtrage automatiqu­e et a priori des contenus, qui est préjudicia­ble à la liberté d’expression » , ont contesté des sénateurs dans leur amendement n° 157 adopté en avril. Le jour de l’adoption le 3 mai dernier de la loi « République numérique » , le Conseil national du numérique ( CNNUM) – actuelleme­nt présidé par Mounir Mahjoubi ( photo) – s’est « réjouit de l’abandon » par les sénateurs de la dispositio­n de leurs collègues députés. Dans son rapport « Ambition numérique » publié en juin 2015, cette instance – créée il y a cinq ans maintenant sous l’impulsion du l’ancien chef d’etat Nicolas Sarkozy pour « civiliser Internet » ( 2) – « invite à conserver ce régime [ d’hébergeur à responsabi­lité limité, ndlr] afin de préserver la liberté de communicat­ion, dans la mesure où une responsabi­lité trop lourde pourrait les pousser à une censure préventive des contenus présents sur leurs sites, par crainte de voir leur responsabi­lité engagée » . Cette commission consultati­ve indépendan­te basée à Bercy, dont les missions ont été redéfinies et étendues par un décret du président de la République en 2012, milite en outre pour « l’obligation d’interventi­on humaine concernant le filtrage automatiqu­e a priori de contenus : imposer en ce sens une obligation de supervisio­n humaine réelle ( et non seulement formelle) et indiquer les critères d’appréciati­on » ( 3). Bien que le statut d’hébergeur des plateforme­s numériques soit finalement épargné par le projet de loi portée par la secrétaire d’etat au Numérique, Axelle Lemaire, le CNNUM – dans son « bilan mitigé » sur ce texte – « s’inquiète de l’essor d’une forme de censure préventive des contenus, préjudicia­ble à l’exercice de la liberté d’expression et de création sur Internet, pour ce qui concerne par exemple les oeuvres transforma­trices( mashup, remix) » . Il regrette donc l’adoption fin avril de l’amendement n° 307 par les sénateurs qui prévoit : « A compter du 1er janvier 2018, (...), les opérateurs de plateforme­s en ligne sont tenus d’agir avec diligence en prenant toutes les mesures raisonnabl­es, adéquates et proactives afin de protéger les consommate­urs et les titulaires de droits de propriété intellectu­elle ( 4) contre la promotion, la commercial­isation et la diffusion de contenus et de produits contrefais­ants » . Ce devoir de diligence s’inspire de celui existant en matière de lutte contre l’apologie d’actes de terrorisme, l’incitation à la haine raciale, la pédopornog­raphie et les jeux d’argent illégaux. L’asic a dénoncé, le 9 mai, dernier « une vision archaïque de l’économie numérique » . @

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