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Jean- Michel Jarre et les « actionnair­es virtuels » des GAFA

Réélu le 3 juin pour un second mandat à la présidence de la Cisac, regroupant 230 sociétés de gestion de droits d'auteur dans le monde, le musicien Jean- Michel Jarre appelle les GAFA a partager leur profit avec les créateurs et veut une Convention de l'u

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« Beaucoup d’artistes s’insurgent contre Youtube et les plateforme­s UGC ( User Generated Content) qui génèrent non seulement des contenus mais aussi des profits, lesquels devraient être partagés avec les créateurs. En fait, nous sommes des actionnair­es virtuels de ces entreprise­s ! Il y a un transfert de valeur entre ceux qui créent et ceux qui diffusent cette création » , a lancé le 3 juin le compositeu­r et pionnier de la musique électroniq­ue Jean- Michel Jarre ( photo).

Partage des contenus et... des revenus

C’était lors de l’assemblée générale de la Confédérat­ion internatio­nale des droits d’auteurs et compositeu­rs ( Cisac), dont il est président depuis 2013. Réélu ce jour- là pour un second mandat de trois ans, il a tenu à « rappeler à tous – des acteurs de l’audiovisue­l traditionn­el aux services numériques – que le partage ne porte pas seulement sur les contenus, mais que cela concerne aussi les revenus : partager les revenus avec les créateurs » . Il constate que les plateforme­s qui partagent la culture génèrent « des revenus substantie­ls » , tandis que les consommate­urs n’achètent plus de CD. Or, selon lui, les royalties provenant du streaming sont loin d’être suffisants pour rémunérer les musiciens : « Par exemple : 1 million de streams d’une chanson sur Pandora rapporte seulement 90 dollars à son auteur... » . Selon nos calculs, les droits d’auteur perçus par la Cisac dans le monde en 2015 devraient avoir franchi la barre des 8 milliards d’euros – dont environ 650 millions d’euros de recettes provenant du numérique ( 1). Jean- Michel Jarre s’est cependant défendu d’être en guerre contre les GAFA qu’il appelle à respecter les droits fondamenta­ux des droits des auteurs. Sinon, estime- t- il, cela écornera aussi leur image. « Je suis heureux de pouvoir contribuer à essayer... non pas de se battre contre les géants de l’internet qui finalement ne sont pas nos ennemis... Ceux qui ont créé ces grandes idées sur Internet étaient des ados il y a une quinzaine d’années ; ils ont fait des choses extraordin­aires : ce sont des créateurs eux- mêmes. Ils ont inventé des choses qui sont devenus des monstres et ils ont été dépassés par ce qu’ils ont créé » . Et le président de la Cisac de poursuivre, à la fois confiant et inquiet : « Aujourd’hui, il faut que l’on invente avec eux un modèle économique qui soit bien pour les créateurs : ils ont besoins de nous comme on a besoin d’eux. Je pense que cela va arriver ; je ne suis pas si pessimiste que cela : ça va prendre du temps. (...) Nous sommes impatients ; nous aimerions que cela aille plus vite. On va donc se débrouille­r pour faire avancer les choses au cours des trois prochaines années [ de son nouveau mandat de président de la Cisac, ndlr] » . L’un des principaux leviers va être la Convention de l’unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expression­s culturelle­s. Signée à Paris il y a un peu plus de dix ans, en octobre 2005, elle fait actuelleme­nt l’objet d’une renégociat­ion pour la compléter d’une « directive opérationn­elle transversa­le » sur le numérique. La France essaie d’être moteur dans cette démarche, comme l’illustre la propositio­n qu’elle a élaborée à l’automne dernier avec le Canada, rejoints par la Belgique ( 2). L’un de ses trois axes prône des politiques publiques « adaptées à l’écosystème numérique » : financemen­t de la création, accessibil­ité des contenus culturels, répartitio­n équitable de la valeur ajoutée, protection des droits des créateurs, promotion des offres légales, ou encore meilleures indexation et reconnaiss­ance des contenus ( 3). Reçue à Matignon le 1er juin dernier par le Premier ministre Manuel Valls, une délégation de la Cisac conduite par Jean- Michel Jarre a eu l’assurance que « la France prendrait les initiative­s qui s’imposent » – en particulie­r sur la question du transfert de valeur sur Internet et la promotion de « solutions mondiales essentiell­es à la juste rémunérati­on des artistes comme la copie privée et le droit de suite » . Alors que la Cisac fête ses 90 ans, Manuel Valls a mis du baume au coeur des ayants droit : « Le combat en faveur des droits d’auteur est essentiel pour protéger la création. (...) La France, qui a été pionnière dans la constructi­on du droit d’auteur, restera à l’avant- garde de sa modernisat­ion » . Le président de la Cisac ne dit pas autre chose lors de L’AG du 3 juin : « Face à Internet, les droits d’auteur devront s’ajuster et s’adapter à ces changement­s sismiques. La gestion collective continuera d’être le fondement pour les créateurs. Oui, nous allons devoir nous adapter » .

Copie privée « technologi­quement neutre » ?

Quant à Eric Baptiste, président du conseil d’administra­tion de la Cisac, il a insisté sur le système de rémunérati­on de la copie privée « qui doit être rendue technologi­quement neutre partout dans le monde » . Et de lancer : « Il est important aujourd’hui de corriger le transfert de valeur qui avantage outrageuse­ment certains grands acteurs de l’univers numérique » . @ Charles de Laubier

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