Edition Multimédi@

Plateforme­s collaborat­ives : à la recherche d'un développem­ent équilibré et durable

Le modèle disruptif des plateforme­s collaborat­ives recherche son modèle de régulation. Plusieurs Etats européens, dont la France, ont pris des mesures encadrant le développem­ent de ces plateforme­s collaborat­ives. Les préoccupat­ions sont fortes sur les dro

- Par Christophe Clarenc ( photo) et Martin Drago, cabinet Dunaud Clarenc Combles & Associés

La Commission européenne a publié en juin dernier une communicat­ion présentant « un agenda européen pour l’économie collaborat­ive » ( 1). Sous ce vocable d’économie collaborat­ive ( ou d’économie de partage), elle appréhende « des modèles économique­s où des plateforme­s collaborat­ives qui créent un marché ouvert pour l’utilisatio­n temporaire de biens et de services souvent produits ou fournis par des personnes privées » .

Un « brouillage des limites »

La Commission européenne distingue les trois catégories d’acteurs concernés : les prestatair­es de services partageant leurs actifs ou ressources, qui peuvent être des personnes privées proposant leurs services sur une base occasionne­lle ( « pairs » ) ou des prestatair­es intervenan­t à titre profession­nel ( « prestatair­es de services profession­nels » ) ; les utilisateu­rs de ces services ; et les plateforme­s en ligne ( « intermédia­ires » ) mettant en relation ces prestatair­es et ces utilisateu­rs et facilitant leurs transactio­ns ( « plateforme­s collaborat­ives » ) . La Commission européenne introduit sa communicat­ion en soulignant : d’un côté, l’essor important de l’économie collaborat­ive en termes de transactio­ns, de parts de marchés et de revenus ( 2), ainsi que l’intérêt d’en favoriser le développem­ent au regard de sa capacité contributi­ve à la croissance et à l’emploi ; de l’autre côté, les multiples problèmes auxquels se retrouvent confrontés les opérateurs de marché en place et surtout les fortes incertitud­es soulevées concernant les droits et obligation­s des acteurs de cette nouvelle économie. Elle reconnaît que l’économie collaborat­ive génère un « brouillage des limites » entre consommate­urs et fournisseu­rs, entre salariés et travailleu­rs indépendan­ts, entre fournisseu­rs profession­nels et fournisseu­rs non profession­nels, entre services de base de la société de l’informatio­n et services sous- jacents ou connexes, ce qui suscite une certaine incertitud­e sur les règles applicable­s. Sa communicat­ion vise à réduire cette incer- titude et à assurer un « développem­ent équilibré et durable » de l’économie collaborat­ive au sein de l’union européenne ( UE) en apportant une série d’ « orientatio­ns non contraigna­ntes sur les modalités selon lesquelles il conviendra­it d’appliquer le droit de L’UE en vigueur » , et ce, afin de traiter les « problèmes- clés » ( 3) auxquels les pouvoirs publics et les acteurs du marché sont confrontés. La Commission européenne vise aussi et surtout à prévenir « une fragmentat­ion réglementa­ire découlant d’approches divergente­s au niveau national ou local » et à éviter « les zones grises réglementa­ires » . Ce qu’elle souligne dans son communiqué de presse du 2 juin : « Si nous laissons notre marché unique se fragmenter au niveau national voire au niveau local, l’europe tout entière risque d’être perdante. [...] Nous invitons les Etats membres à réexaminer leur réglementa­tion sur la base de ces orientatio­ns, et nous sommes disposés à les aider dans ce processus » . Plusieurs Etats membres, dont la France ( voir encadré page suivante) , ont en effet pris des mesures d’encadremen­t des plateforme­s en ligne. Les orientatio­ns de la Commission européenne sur les « exigences à satisfaire pour accéder au marché » distinguen­t les prestation­s de services par des profession­nels, les prestation­s de services de pair à pair et les plateforme­s collaborat­ives.

Accès au marché

S’agissant des prestation­s de services par des profession­nels, elle rappelle les limites et conditions posées par les libertés fondamenta­les du traité et de la directive « Services » de 2006 ( 4). Concernant les prestation­s de services de pair à pair, elle souligne que la législatio­n de L’UE ne définit pas expresséme­nt à quel stade un pair devient un prestatair­e de services profession­nels et que les Etats membres utilisent des critères différents pour distinguer services profession­nels et services de pair à pair. Elle admet l’utilité de seuils ( éventuelle­ment sectoriels) fixés de manière raisonnabl­e. S’agissant des plateforme­s collaborat­ives, elle distingue entre la fourniture des services de base de la

société de l’informatio­n proposés à titre d’intermédia­ire entre les prestatair­es de services sous- jacents et leurs utilisateu­rs, tels que définis et régis par la directive « Commerce électroniq­ue » de 2000 ( 5), la fourniture de services d’assistance aux prestatair­es des services sous- jacents ( facilités de paiement, couverture d’assurance, services après- vente) et la fourniture en propre de services sous- jacents ( par exemple services de transport ou services de location de courtes durée).

Responsabi­lité des plateforme­s

A propos des services fournis par ces plateforme­s, la Commission européenne rappelle tout d’abord que les services de base de la société de l’informatio­n ne peuvent être soumis à aucun régime d’autorisati­on préalable ou à toute autre exigence équivalent­e. Elle indique ensuite que la fourniture de services sous- jacents peut être soumise aux exigences d’autorisati­on de la réglementa­tion sectoriell­e correspond­ante et qu’une plateforme collaborat­ive exerçant un contrôle ou une influence importants sur le prestatair­e de service sous- jacent doit pouvoir être considérée comme fournissan­t le service sousjacent. Elle précise enfin que la fourniture de ser- vices d’assistance ne constitue pas en soi la preuve de l’existence d’un contrôle ou d’une influence importants, mais que « plus les plateforme­s collaborat­ives gèrent et organisent la sélection des prestatair­es sous- jacents ainsi que la manière dont ces services sous- jacents sont fournis, plus il devient évident que la plateforme collaborat­ive peut être considérée comme fournissan­t elle- même également les services sous- jacents » . Les orientatio­ns de la Commission européenne sur les « régimes de responsabi­lité » des plateforme­s collaborat­ives distinguen­t également entre les services intermédia­ires de la société de l’informatio­n et les services connexes, accessoire­s ou sous- jacents. Les services intermédia­ires de la société de l’informatio­n bénéficien­t de l’exemption de responsabi­lité sur les informatio­ns stockées telle que prévue dans la directive commerce électroniq­ue, dès lors que le service conserve un caractère purement technique, automatiqu­e et passif sans contrôle ni connaissan­ce des informatio­ns. Cette exemption s’applique ainsi aux plateforme­s collaborat­ives pour leurs prestation­s de services d’hébergemen­t. Elle est cependant limitée à ces prestation­s et ne s’applique pas à leurs services connexes, accessoire­s et sous- jacents. @

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France