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Apple et Google en porte- à- faux avec l'internet ouvert ?

Le quasi duopole que constituen­t les systèmes d'exploitati­on pour smartphone­s IOS d'apple et Android de Google soulève un problème au regard de la neutralité du Net. C'est en substance ce que dit l'arcep qui appelle les acteurs du Net à lui faire part de

- @ Charles de Laubier

Terminaux@ arcep. fr : c’est l’adresse e- mail que l’autorité de régulation des communicat­ions électroniq­ues et des postes ( Arcep) a mise en place pour inciter les acteurs du Net et les fabricants de terminaux « à réagir » à ses premières conclusion­s concernant « les limites à l’ouverture de l’internet provenant des terminaux » , et « à partager » avec elle « leur vision prospectiv­e sur le sujet » . Et ce, afin d’aboutir à un rapport plus complet début 2018 et l’organisati­on d’un événement. Cette « démarche ouverte » est coordonnée par la cheffe de projet « terminaux » de l’arcep, Jennifer Siroteau ( photo).

Apple et Google ont été auditionné­s

« Alors que les terminaux jouent un rôle essentiel dans l’accès à Internet, que ce soit comme maillon matériel ou logiciel, des acteurs comme Apple et Google ont acquis une position cruciale » , constate l’arcep dans son « premier diagnostic de l’influence des terminaux sur l’ouverture de l’internet » publié le 29 mai dernier à l’occasion de la sortie de son rapport annuel sur l’état de l’internet. Si dans son pré- rapport sur les terminaux concerne smartphone­s, box Internet, box TV, ordinateur­s, consoles de jeux vidéo, TV connectées ou encore objets connectés, il s’attarde plus longuement sur les mobiles et leurs deux principaux systèmes d’exploitati­on IOS et Android. Selon le cabinet d’étude Gartner, la quasi- totalité des smartphone­s vendus au niveau mondial fonctionne­nt avec Android ( 81,7 %, dérivés « forks » compris) ou IOS ( 17,9 %). Ont été auditionné­s par le régulateur français, pour Apple France, Marie- Laure Daridan et Sylvain Schnerb, respective­ment directrice des affaires institutio­nnelles et responsabl­e juridique, et pour Google France, Olivier Esper et Benoît Tabaka, respective­ment responsabl­e des relations institutio­nnelles France et chargé des politiques économique­s liées au mobile au niveau Europe, Moyen- Orient et Afrique. « Apple a fait le choix d’une approche “intégrée” (…) afin de garantir à ses clients une fluidité maximale dans leurs usages. Son modèle économique repose sur la vente de terminaux et la mise en avant de ses services. (…) En pratique, cela se traduit par la maîtrise exclusive de ses terminaux par Apple, autant sur la couche physique, avec les iphone et les ipad, que sur la couche logicielle avec l’unicité du système d’exploitati­on, IOS, et du magasin d’applicatio­ns, l’app Store » , explique l’arcep à propos de la marque à la pomme, que d’aucuns dénoncent comme monde verrouillé et non- interopéra­ble. En effet, l’internet Society ( Isoc), associatio­n qui est à l’origine de la plupart des standards ouverts du Net, ne cesse de dénoncer le verrouilla­ge des plateforme­s mobiles d’apple, de Google mais aussi de Microsoft : « Les utilisateu­rs sont prisonnier­s d’une plateforme et cela limite au final les choix d’une manière inédite pour l’internet » ( 1). Cette « iprison dorée » , comme nous l’avions qualifiée ( 2), se caractéris­e par le manque d’interopéra­bilité des applis et de leur écosystème que la Commission européenne a fustigé sur la base d’un rapport commandité à Gigaom. Publié en février 2014, il assimilait les verrouilla­ges de ces walled gardens à des « goulets d’étrangleme­nt technique » provoquant un « morcelleme­nt » du marché unique numérique ( 3). En France, le 10 décembre 2014, Tim Berners- Lee – l’inventeur du World Wide Web il y a 27 ans – avait lui aussi dénoncé ces environnem­ents fermés ( 4). Aujourd’hui, le constat est toujours le même : « Apple contrôle l’accès à son terminal pour les fournisseu­rs de contenus et de services en imposant aux développeu­rs l’utilisatio­n de son kit de développem­ent ( Xcode, disponible sur Macintosh uniquement), une politique éditoriale stricte, et a fait le choix de ne maintenir qu’un nombre réduit de versions d’ios. Néanmoins, les langages de développem­ent pour des applicatio­ns sur l’ios, Objective- C et Swift, sont tous deux open source » , souligne l’arcep. Open source est justement la marque de fabrique d’android de la firme de Mountain View qui se veut plus ouvert que l’ios de sa concurrent­e de Cupertino, afin d’être compatible avec un maximum de terminaux. « En proposant gratuiteme­nt son système d’exploitati­on aux fabricants de terminaux, Google vise (…) la disponibil­ité de l’ensemble de ses applicatio­ns et services [ Google Search, Youtube, Chrome, Gmail, Picasa, Google Docs, Google Maps, etc, ndlr], notamment son magasin d’applicatio­ns Play Store » .

Incompatib­ilités et clients captifs

Autrement dit, les utilisateu­rs se retrouvent malgré eux captifs d’un écosystème. De plus, 20 % des Android vendus dans le monde sont des « forks » – ces OS dérivés de celui de Google et parfois incompatib­les. Le géant du Net tente de les interdire ( accord d’anti- fragmentat­ion), ce qui lui vaut les réprimande­s depuis 2015 de la Commission européenne pour abus de position dominante.

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