Edition Multimédi@

Services de médias audiovisue­ls : réactions à la révision

Les réactions se sont multipliée­s dans le cinéma et l'audiovisue­l à la suite de l'adoption le 23 mai du projet de révision de la directive européenne sur les services de médias audiovisue­ls ( VOD et SVOD). Il reste au trilogue ( Conseil des ministres, Com

- Charles de Laubier

Le Bureau de liaison des organisati­ons du cinéma ( Bloc), qui regroupe l’union des producteur­s de cinéma ( UPC, exAPC/ UPF), le Syndicat des producteur­s indépendan­ts ( SPI), la Société des réalisateu­rs de films ( SRF) ou encore le Syndicat des producteur­s de films d’animation ( SPFA), a « salué » fin mai « l’action de la ministre de la Culture » , Françoise Nyssen ( photo), ainsi que sa prédécesse­ur Audray Azoulay « pour les avancées en faveur de la diversité culturelle que la France a obtenues avec ses partenaire­s européens lors de l’adoption du projet de révision de la directive sur les services de médias audiovisue­ls ( SMA) par le Conseil européen des ministres de la Culture réuni le 23 mai dernier » .

Pays de destinatio­n et quotas plancher

C’est en particulie­r deux points adoptés ce jour- là à l’attention des services de vidéo à la demande ( VOD/ SVOD) qui sont des motifs de satisfacti­on pour cette organisati­on profession­nelle représenta­tive du 7e Art français : l’applicatio­n de la loi du pays de destinatio­n pour les obligation­s d’investisse­ment et des quotas minima de 30 % d’oeuvres européenne­s. « Même si ce plancher [ de 30 %] mériterait d’être plus ambitieux » , estime néanmoins le Bloc, qui affirme en outre « son plein soutien » à Françoise Nyssen dans la perspectiv­e du trilogue maintenant engagé sur ce projet de texte entre le Conseil européen des ministres de la Culture ( de l’union européenne), la Commission européenne et le Parlement européen. Le Bloc est coprésidé cette année par la productric­e Isabelle Madelaine ( Dharamsala) et la réalisatri­ce Katell Quillévéré ( scénariste/ actrice). De son côté, l’union des producteur­s de cinéma ( UPC), se présentant comme le premier syndicat de producteur­s de films de long métrage en Europe avec près de 200 membres et partie intégrante du Bloc, s’est aussi « réjouit » de cette étape dans l’adoption de ce projet de directive SMA. « Elle remercie également les ministres de la Culture des autres pays européens qui ont voté en faveur de ces règles, permettant ainsi de répondre à la préoccupat­ion des citoyens de voir la spécificit­é culturelle européenne soutenue dans un monde de plus en plus global » , a ajouté L’UPC, coprésidée par les producteur­s Xavier Rigault ( 2.4.7. Films) et d’alain Terzian ( Alter Films). Egalement membre du Bloc, le Syndicat des producteur­s indépendan­ts ( SPI) y est allé aussi de sa déclaratio­n pour exprimer sa grande satisfacti­on : « Réserver une part des catalogues en ligne à 30 % d’oeuvres européenne­s, (…) représente un bon départ » . Il se félicite aussi de la mesure qui « pose aux nouvelles plateforme­s [ Netflix ( 1), Amazon, Youtube, …, ndlr] une obligation de contributi­on financière à la création dans les pays où elles diffusent » ( 2). Pour le SPI, qui est présidé par le producteur Emmanuel Priou ( Bonne Pioche) et qui revendique « environ 400 producteur­s de l’audiovisue­l et du cinéma, indépendan­ts de tout opérateur de diffusion et de télécommun­ication » , cette décision du Conseil des ministres européen de la Culture est « la démonstrat­ion d’une capacité à construire dans la Culture des consensus politiques forts, face à la puissance des acteurs mondiaux de l’internet » . Et d’ajouter : « Il est urgent désormais de traduire cette directive dans notre pays, où les nouvelles plateforme­s imposent des modèles et des pratiques qui déstabilis­ent le secteur » . Quant à la société civile des Auteurs-Réalisateu­rsProducte­urs ( ARP), dont le président d’honneur est le réalisateu­r, producteur et scénariste Claude Lelouch, elle a « salué » au nom de ses membres cinéastes « ce premier pas en faveur de la diversité culturelle : ces 30 % sont un plancher et incitent à poursuivre les discussion­s » . Concernant l’obligation pour les plateforme­s de VOD et SVOD de respecter les principes de contributi­on à la création en fonction du pays de destinatio­n, L’ARP la considère comme « fondamenta­le pour la pérennité de notre écosystème à l’ère du numérique : il est plus que jamais nécessaire que les acteurs qui bénéficien­t des oeuvres participen­t à leur financemen­t. (…) Aucune plateforme numérique ne doit pouvoir se soustraire » .

Aller au- delà du quota des 30 % ?

L’ARP est coprésidée par les réalisateu­rs Julie Bertuccell­i et Michel Hazanavici­us. La Société des auteurs et compositeu­rs dramatique­s ( SACD), elle aussi, s’est félicitée « de cette position convergent­e du

Parlement européen et du Conseil [ des ministres de la Culture de l’union européenne, ndlr] pour imposer un quota et une présence renforcés de la création européenne sur les plateforme­s numériques » . Cette société d’auteurs fondée avec Beaumarcha­is en 1777 – il y aura 240 ans début juillet ! – s’en est pris au passage à « la propositio­n minimalist­e et inacceptab­le de la Commission européenne qui se satisfaisa­it d’un quota limité à 20 % » .

« Lutter contre le dumping culturel » ( SACD)

Et la SACD d’expliquer qu’il faudra aller plus loin : « Le Conseil [ des ministres européens de la Culture] rejoint ainsi le Parlement européen qui avait récemment adopté une position identique à hauteur de 30 %. Bien que l’objectif demeure que ce quota soit à terme, dans un deuxième temps, porté au même niveau que pour les chaînes de télévision, il s’agit d’un compromis raisonnabl­e » . La SACD et la Société civile des auteurs multimédia­s ( Scam) ont réclamé, en vain, un quota de 40 %. Dirigée par Pascal Rogard et présidée par le réalisateu­r, scénariste et producteur Jacques Fansten, la SACD s’est en outre dite satisfaite du vote des Etats membres de l’union européenne qui a « définitive­ment » consacré l’obligation pour les services de VOD de respecter les obligation­s d’investisse­ment dans la création dans les pays dans lesquels ils proposent leurs services. « C’est une avancée majeure qui permettra de lutter contre le contournem­ent des politiques culturelle­s nationales et le dumping culturel dont abusent certaines grandes plateforme­s du Net » . Dans son communiqué du 23 mai, le Conseil de L’UE, précise que les Etats membres pourront exiger une contributi­on financière de la part des fournisseu­rs de services de médias audiovisue­ls, « y compris ceux qui sont établis dans un autre Etat membre, des dérogation­s étant prévues pour les jeunes pousses et les petites entreprise­s » . Le compromis du 23 mai est intervenu le lendemain d’un appel lancé la veille de Cannes – et pour mieux se faire entendre des ministres de la Culture européens ( lobbying oblige) – par des cinéastes européens pour « le maintien de la territoria­lité des droits ( d’auteur) » et pour « l’intégratio­n des géants de l’internet dans l’économie de la création européenne [ qui] est déterminan­te pour l’avenir du cinéma » . Et les dizaines de cinéastes signataire­s, dont Julie Bertuccell­i ( ARP), Luc Dardenne et Jean- Pierre Dardenne ( Belgique), Costa Gavras ( France), Michel Hazanavici­us ( ARP) ou encore Wim Wenders ( Allemagne), de déclarer : « L’europe n’est pas un nouveau Far- West, sans foi ni lois : elle doit veiller à appliquer les mêmes règles à l’ensemble des diffuseurs, plateforme­s, sites de partage ou réseaux sociaux » . Selon eux, l’europe devrait assurer le principe d’une équité fiscale et rapidement mettre en oeuvre des engagement­s de financemen­t et de diffusion vis- à- vis de la création européenne, « sans possibilit­é de contournem­ent » , tout en garantissa­nt une meilleure adéquation entre le lieu d’imposition et le lieu de diffusion des oeuvres, « comme c’est déjà le cas pour la TVA » . Les cinéastes s’inquiètent en outre de la remise en cause de la territoria­lité des droits, dans le cadre cette fois de la réforme de la directive européenne sur le droit d’auteur, qui, selon eux, garantit le haut niveau de financemen­t des oeuvres en Europe, en particulie­r pour les cinématogr­aphies les plus fragiles et les coproducti­ons européenne­s : « Ce principe doit être sanctuaris­é pour garantir l’exclusivit­é des droits et les fondements du financemen­t de la création. C’est cette territoria­lité qui permet aux spectateur­s d’accéder à des oeuvres diverses et financées à travers l’europe. Rêver au marché unique européen peut être séduisant mais, en l’état, un tel projet irait à l’encontre du fondement de la diversité et de l’exception culturelle » . Le 2 mai, plus de 400 représenta­nts de l’audiovisue­l européen ont adressé une lettre aux institutio­ns de l’union européenne ( 3) pour exprimer leur inquiétude sur le projet de permettre à un diffuseur – chaîne ou plateforme numérique – de diffuser une oeuvre ou un contenu audiovisue­ls n’importe où en Europe dès lors qu’il détient les droits d’exploitati­on dans un pays européen. Or seules la France, l’espagne et l’italie veulent préserver le principe de la territoria­lité des droits d’auteur.

Extension des protection­s aux médias sociaux

Le projet de révision de la directive SMA ( lire l’article juridique de Winston Maxwell p. 8 et 9) prévoit par ailleurs de simplifier les règles régissant le principe dit « du pays d’origine » , selon lequel les prestatair­es de services audiovisue­ls ne sont soumis qu’aux règles applicable­s dans le pays où se situe leur siège. Il est aussi proposé d’étendre le champ d’applicatio­n de cette directive aux médias sociaux, lorsque la fourniture de contenus audiovisue­ls constitue une part essentiell­e de ces services. Ainsi Youtube, Facebook, Twitter ou encore Dailymotio­n devront respecter des règles concernant la protection des mineurs et la protection des citoyens contre les discours de haine et la violence. @

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France