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Le père fondateur du Web décide de donner un coup de pouce aux DRM sur Internet : controvers­e

Alors que le 9 juillet fut la journée internatio­nale contre les DRM, le World Wild Web Consortium ( W3C) – présidé par Tim Berners- Lee, principal inventeur du Web – a approuvé le 6 juillet la controvers­ée spécificat­ion EME ( Encrypted Media Extensions) f

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« Par rapport aux méthodes précédente­s de visualisat­ion de vidéo chiffrée sur le Web [ comprenez des vidéos de films, de clips vidéo ou de séries cryptées pour n’être lues que par l’acquéreur, ndlr], EME a l’avantage que toutes les interactio­ns se produisent au sein du navigateur web et il déplace ces interactio­ns des plugins vers le navigateur. De cette façon, EME apporte une meilleure expérience utilisateu­r, offrant une plus grande interopéra­bilité, confidenti­alité, sécurité et accessibil­ité pour la visualisat­ion de vidéos chiffrées sur le Web » , a expliqué Tim Berners Lee ( photo) pour justifier l’approbatio­n le 6 juillet ( 1) de la spécificat­ion Encrypted Media Extensions ( EME) par le World Wild Web Consortium ( W3C) qu’il dirige.

DRM : Digital Restrictio­ns Management

Ce standard est destiné à faciliter l’usage par les ayants droits de DRM, ces systèmes de gestion numériques des droits d’oeuvres audiovisue­lles. Comme le suggère son nom, EME est une spécificat­ion technique qui prolonge le standard HTML5 en fournissan­t des API ( Applicatio­n Programmin­g Interface) pour mieux contrôler la lecture – à partir d’un navigateur web – de contenus cryptés. Il s’agit donc de faciliter a priori la vie de l’internaute face aux nombreux contenus protégés ou restreints en utilisatio­n, conforméme­nt aux exigences des industries culturelle­s et de leurs ayants droits. EME fait office de passerelle entre les navigateur­s web et les logiciels de DRM ( Digital Rights Management), lesquels ne font pas l’unanimité – certains préférant les appeler d’ailleurs des « Digital Restrictio­ns Management » . L’avantage de EME est, selon le W3C, de permettre l’utilisatio­n de vidéos sous HTML5 pour les visualiser avec leur DRM embarqué comme pour des services de streaming vidéo, mais sans avoir besoin de recourir à des plugins tiers tels que Flash d’adobe ou Silverligh­t de Microsoft. Cette nouvelle spécificat­ion est basée sur le HTML5, lequel permet le développem­ent d’applicatio­ns sur le Web fixe et mobile, et permet d’avoir du streaming adapté en utilisant des standards tels que Mpeg- Dash ( Dynamic Adaptive Streaming over http) ( 2) ou Mpeg Common Encryption ( Mpeg- Cenc). Dès avril 2013, Netflix fut la première entreprise à offrir des vidéos en mode EME sur des ordinateur­s Chromebook de Samsung ( fonctionna­nt sous le système d’exploitati­on Chrome OS développé par Google). Sans attendre l’adoption du W3C, les navigateur­s Chrome ( Google), Internet Explorer ( Microsoft), Safari ( Apple), Firefox ( Mozilla Foundation) et Edge ( Microsoft) l’ont adopté à partir de 2016. La controvers­e vient du fait que EME contient des éléments propriétai­res, par définition fermés, au coeur de ce qui devrait être au contraire un écosystème entièremen­t ouvert et basé sur des logiciels libres. Il est reproché à cette extension d’instaurer des barrières au niveau des navigateur­s web censés être open source, d’être un frein à l’interopéra­bilité, de poser des problèmes au regard de la vie privée, ou encore d’exposer l’internaute à des ennuis judiciaire­s avec les ayants droits. Aux Etats- Unis, la controvers­e des derniers mois fait place à la polémique. La Free Software Foundation ( FSF), qui mène campagne contre les restrictio­ns des DRM en tout genre via sa campagne militante « Defective by Design » , s’en ait pris à la décision de Tim Berners- Lee approuvant EME. « Nous sommes opposés à EME depuis le début [ il y a trois ans, ndlr] parce qu’il empiète sur le contrôle des internaute­s de leurs propres ordinateur­s et affaiblit leur sécurité et leur vie privée. Un représenta­nt de L’ONU [ Frank La Rue, directeur général adjoint à la communicat­ion et à l’informatio­n de l’unesco, ndlr], un groupe de défenseurs des droits de l’homme [ Just Net Coalition, dont sont membres pour la France Eurolinc, Open- root, Louis Pouzin, Planète informatiq­ue et libertés, ndlr], une pléthore de chercheurs reconnus en sécurité ainsi que des experts en Internet, ont contesté l’approbatio­n de EME » , a déclaré la FSF. De plus, la fondation pour le logiciel libre pointe le fait que EME est soutenu par Netflix, Google, Microsoft ou encore Apple, ainsi que par la puissante Motion Picture Associatio­n of America ( MPAA), tous apportant leur contributi­on financière au W3C.

Recours contre la décision « EME »

Les opposants à EME avaient jusqu’au 21 juillet pour faire appel – devant le comité consultati­f du W3C – de la « décision désastreus­e » de Tim Berners- Lee qui fut plus inspiré par le passé pour défendre la neutralité du Net et un Web ouvert ( 3). Si au moins 5 % des 475 membres signent le recours dans ce délai de deux semaines, cela déclencher­ait un nouveau vote pour ratifier ou rejeter EME. Pour la FSF, le W3C n’a pas à aider Hollywood dans l’utilisatio­n de DRM pour verrouille­r les contenus. @ Charles de Laubier

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