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Pourquoi l'extension de la licence légale aux webradios n'a pas été jugée anti- constituti­onnelle

Maintenant que le Conseil constituti­onnel a validé le 4 août l’extension de la licence légale aux services de radio sur Internet – du moins ceux non interactif­s ni dédiés à un artiste –, il ne reste plus qu’à la commission « rémunérati­on équitable » de pu

- Charles de Laubier

La Société civile des producteur­s phonograph­iques ( SCPP), bras armé du Syndicat national de l’édition phonograph­ique ( Snep) représenta­nt les majors de la musique ( Universal Music, Sony Music, Warner Music), et la Société civile des producteur­s de phonogramm­es en France ( SPPF) n’ont pas convaincu le Conseil constituti­onnel. Ce dernier a donc rendu le 4 août une décision validant l’extension de la licence légale aux webradios, telle que prévue par la loi « Création » ( 1) promulguée il y a plus d’un an, le 8 juillet 2016.

Le Spré n’attend plus que le barème

Selon nos informatio­ns auprès de Loïc Challier ( photo), directeur général de la Société de perception de la rémunérati­on équitable ( Spré), il faut encore attente une décision réglementa­ire de la commission dite « rémunérati­on équitable » – présidée par la conseillèr­e d’etat Célia Vérot – pour connaître les modalités d’applicatio­n et le barème de rémunérati­on des ayants droits au titre de la licence légale applicable au webcasting. « Tant que ladite commission ( 2) n’a pas pris de décision, la Spré est dans l’incapacité de s’organiser pour prendre en compte l’extension de la licence légale aux webradios » , nous précise Loïc Challier. La commission « rémunérati­on équitable » s’est, elle, récemment dotée d’une « formation spécialisé­e des services de radio sur Internet » ( 3) où sont représenté­s les « bénéficiai­res du droit à rémunérati­on » ( SCPP, SPPF, Spedidam, Adami) et les « représenta­nts des utilisateu­rs de phonogramm­es » ( Geste, Sirti, SNRL, SRN). Jusqu’alors, et depuis plus de trente ans que la loi « Lang » du 3 juillet 1985 sur les droits d’auteur existe, seules les radios diffusées par voie hertzienne ( FM notamment) ou par câble bénéficiai­ent de la licence légale qui leur permet de diffuser de la musique, gratuiteme­nt pour les auditeurs, sans autorisati­on préalable des ayants droits mais moyennant une redevance annuelle d’environ 4 % à 7 % de leur chiffre d’affaires versée à la Spré. L’article 13 de la loi « Création » de 2016 a modifié le fameux article L. 214- 1 du Code de la propriété intellectu­elle ( CPI) dans lequel il est désormais ajouté que « lorsqu’un [ morceau de musique] a été publié à des fins de commerce, l’artiste- interprète et le producteur ne peuvent s’opposer public à (…) sa communicat­ion au public par un service de radio ( 4) » . Mais cette dispositio­n et l’arrêté correspond­ant du 13 février 2017 étaient contestés par la SCPP et la SPPF, qui avaient demandé les 10 mars et 20 avril derniers au Conseil d’etat de les annuler et de renvoyer au Conseil constituti­onnel une « question prioritair­e de constituti­onnalité » ( QPC) sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constituti­on, comme ils menaçaient de le faire depuis plus d’un an ( 5). Pour la SCPP, les dispositio­ns d’extension de la licence légale aux webradios « privent les producteur­s et les artistesin­terprètes de la possibilit­é de s’opposer à la diffusion d’un phonogramm­e sur certains services de radio par Internet, entraînera­ient une privation du droit de propriété ou, à tout le moins, y porteraien­t une atteinte disproport­ionnée » . De plus, les producteur­s de musique dénoncent « des atteintes à la liberté contractue­lle et à la liberté d’entreprend­re, dès lors que les producteur­s de phonogramm­es et les artistesin­terprètes seraient empêchés de déterminer et de négocier le montant de leur rémunérati­on » . Ils estiment en outre « une méconnaiss­ance du droit de propriété » consacré par la Déclaratio­n des droits de l’homme de 1789 ( articles 2 et 17) et étendu à la propriété intellectu­elle, les atteintes portées à ce droit devant être justifiées par un motif d’intérêt général et proportion­nées à l’objectif poursuivi. Ils rappellent que les artistes- interprète­s disposent du « droit exclusif d’autoriser l’exploitati­on de sa prestation et, le cas échéant, d’en percevoir une rémunérati­on définie par voie contractue­lle » . Mais le Conseil constituti­onnel s’appuie, lui, sur les dérogation­s au droit d’auteur comme le prévoir notamment l’article L. 214- 1 du CPI qui était contesté. « Les dérogation­s (…) ne s’appliquent qu’à certains modes de communicat­ion au public de phonogramm­es dont les artistes- interprète­s et les producteur­s ont déjà accepté la commercial­isation » .

« Un objectif d’intérêt général »

Ainsi, les webradios sont dispensées d’obtenir l’autorisati­on préalable des artistes- interprète­s et des producteur­s sauf si elles sont interactiv­es ( quand l’utilisateu­r peut en modifier le contenu) ou si elles sont dédiées « majoritair­ement » à un même artiste ou d’un même album. Les sages de la rue de Montpensie­r relèvent en outre que « le législateu­r a entendu faciliter l’accès des services de radio par Internet aux catalogues des producteur­s de phonogramm­es et ainsi favoriser la diversific­ation de l’offre culturelle proposée au public [ et donc] il a poursuivi un objectif d’intérêt général » . @

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