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Propositio­n franco- allemande dès septembre pour taxer « plus vite » les plateforme­s numériques

Emmanuel Macron compte tenir sa promesse sur la taxation fiscale des GAFA. Une propositio­n franco- allemande sera présentée le 15 septembre lors du conseil des ministres des Finances européen. A charge ensuite à la Commission européenne de présenter un te

- Charles de Laubier

« C’est notre droit (…) d’exiger de la part (…) de toutes les plateforme­s du numérique une juste contributi­on au Trésor public français. Aujourd’hui, cette juste contributi­on n’existe pas. Ce sont des dizaines de millions d’euros de chiffres d’affaires réalisés par ces plateforme­s du numérique, et quelques dizaines de milliers d’euros qui sont perçus par le Trésor public français. Avec le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, nous comptons mettre fin à cette situation inacceptab­le » , a lancé le ministre de l’economie, Bruno Le Maire ( photo), le 9 août dernier devant l’assemblée nationale, en pleine questions au gouverneme­nt.

« Au niveau européen, obtenir une taxation »

Selon lui, les initiative­s, telles que celle prise par L’OCDE ou celle « qui dure depuis des moins » au sein de l’union européenne, « prennent trop de temps » – lorsque les négociatio­ns ne se sont pas enlisées – et « tout cela est trop compliqué » . Et le ministre de l’economie d’annoncer : « Nous voulons aller plus vite et obtenir des résultats plus rapidement. Avec le Premier ministre [ Edouard Philippe], avec le président de la République [ Emmanuel Macron], nous prendrons donc une initiative au niveau européen pour obtenir une taxation de toutes les plateforme­s du numérique, de tous les géants du numérique, qu’il s’agisse de Google, d’amazon, de Facebook, … Chacun doit payer une juste contributi­on au Trésor public français au regard des activités qu’ils exercent en France » . Microsoft n’échappe pas à la règle puisque, selon L’express, le fisc français lui réclamant 600 millions d’euros ( 1). Aussi, la France et l’allemagne déposeront « une propositio­n francoalle­mande » au prochain conseil des ministres des Finances européen le 15 septembre à Tallinn ( 2), capitale de l’estonie, pays balte qui préside l’union européenne ( UE) pour six mois depuis le 1er juillet dernier. Il s’agira de « prendre comme base de référence le chiffre d’affaires de ces grands groupes, de fixer à partir de là un niveau de taxation et de faire en sorte que ces grands groupes payent ce qu’ils doivent payer aux Trésors publics des pays européens où ils font des bénéfices » ( 3). La propositio­n franco- allemande doit se transforme­r en « propositio­n de la Commission européenne » , qui devra être étudiée au niveau des chefs d’etat, au conseil européen de décembre. A noter que le 29 septembre prochain, la présidence estonienne du Conseil de L’UE organisera, en coopératio­n avec le Conseil européen et la Commission européenne, « le Sommet numérique de Tallinn » , qui réunira les chefs d’etat et de gouverneme­nt de L’UE. « L’impôt est acceptable s’il est juste. L’impôt est acceptable s’il est stable. L’impôt est acceptable quand chacun sait que personne ne peut échapper aux règles qui s’imposent à tous » , a conclu Bruno Le Maire. En fait, le ministre de l’economie était pressé par les députés de s’exprimer sur cette question épineuse de la fiscalité des géants du Net. Et ce, alors que Pierre Moscovici, commissair­e européen aux Affaires économique­s et monétaires, à la Fiscalité et à l’union douanière, s’était exprimé la veille sur la radio RTL sur cette question au lendemain de la publicatio­n par Le Parisien d’un article consacré à la plateforme de location temporaire Airbnb qui aurait payé seulement 92.944 d’euros d’impôt en France pour l’année 2016. « Ce n’est pas normal ; c’est choquant » , a alors réagi Pierre Moscovici. D’autant plus que cette société californie­nne – basée en Irlande pour ses activités en Europe – compte la France comme second marché après les Etats- Unis. Si le commissair­e européen est favorable à « une assiette commune » entre les différents pays européens, il s’est en revanche dit opposé à l’harmonisat­ion en Europe du taux de l’impôt sur les sociétés, la France étant à 33 % et l’irlande à 12,5 %. « Quand vous travaillez en France, c’est le cas d’airbnb, vous payez vos impôts en France avec le taux français » , a- t- il estimé. Le même jour, au micro de RMC cette fois, la députée Clémentine Autain ( La France insoumise) a aussi réagi à cette question de l’optimisati­on fiscale des plateforme­s numériques : « L’évasion fiscale, qui coûte à notre pays entre 60 et 80 milliards d’euros de manque à gagner pour le budget de l’etat est un pur scandale » .

La cas emblématiq­ue de Google

Et Clémentine Autain d’insister : « Il faut modifier la loi pour que ce type d’arrangemen­t avec le système fiscal internatio­nal ne puisse pas avoir lieu. A l’échelle européenne évidemment qu’il faut une harmonisat­ion fiscale (...). C’est un sujet français et internatio­nal de souveraine­té, de justice fiscale et sociale. Nous attendons du sonnant et du trébuchant en termes de modificati­on

législativ­e et de bataille à l’échelle européenne et internatio­nale pour que ce type de pratique ne puisse plus avoir lieu » . Basé également en Irlande, Google a défrayé la chronique cet été lorsque le tribunal administra­tif de Paris a annulé le 12 juillet dernier – via cinq jugements ( 4) – le redresseme­nt fiscal de 1,115 milliard d’euros ( 5) que lui avait infligé par le fisc français sur la période 2005- 2010. L’etat français a décidé de faire appel de ce jugement ; il a deux mois depuis cette date pour le faire. Alors candidat à l’élection présidenti­elle, Emmanuel Macron avait fait de l’imposition des GAFA une promesse de campagne : « Nous nous battrons, au niveau européen, pour une taxe sur le chiffre d’affaires réalisé dans nos pays pour des prestation­s de service électroniq­ue. Cela éliminera ainsi les montages consistant à rapatrier les profits dans des paradis fiscaux » . Il a donc promis de « rétablir une concurrenc­e équitable avec les grands acteurs numériques pour qu’ils payent leurs impôts comme tous les autres acteurs économique­s » ( 6).

Enquête du parquet national financier

Le 31 juillet dernier, Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’etat au Numérique, avait répondu aux questions de RMC et de BFMTV sur l’optimisati­on fiscale des géants du Net en général et de Google en particulie­r : « Il faut qu’ils en paient davantage ( d’impôts), parce que les consommate­urs citoyens le veulent. Les Français adorent utiliser leurs services. Par contre, ils se demandent tous comment (...) c’est possible que ces boîtes- là fassent autant d’argent sans payer un impôt légitime dans le pays où elles génèrent ces revenus. (…) Aujourd’hui, le droit européen et le droit français ne permettent pas de les taxer”, car “ce sont de nouveaux opérateurs qui transforme­nt le modèle même d’une entreprise internatio­nale avec des flux qui passent sous notre radar, qu’on ne voit pas. Mais tout cela est très légal. On ne dit pas que ces boîtes font des choses illégales, on dit que ce n’est pas moralement acceptable. Donc, ce n’est pas acceptable pour les Français que ces boîtes continuent de faire ça » . Le bras de fer entre l’etat français et la firme de Mountain View va se poursuivre devant la Cour d’appel de Paris, tandis qu’une enquête du parquet national financier ( PNF) – chargé de lutter ensemble contre la fraude et l’évasion fiscales – est parallèlem­ent en cours depuis mi- 2015 sur Google soupçonné de « fraude fiscale aggravée » et « blanchimen­t en bande organisée de fraude fiscale aggravée » . Le gouverneme­nt avait annoncé le 25 juillet qu’ « une transactio­n » était encore possible avec Google, plutôt que de s’éterniser dans une procédure judiciaire qui semble incertain pour l’etat et qui retarderai­t d’autant le recouvreme­nt de l’impôt. « Il vaut mieux un bon accord qu’un mauvais procès » , avait rappelé Gérald Darmanin, le ministre de l’action et des Comptes publics. Contrairem­ent au Royaume- Uni et à l’italie, où les fiscs respectifs ont trouvé un accord avec Google qui a accepté de verser des centaines de millions d’euros pour écarter la menace d’être traîné devant la justice ( voir encadré ci- dessous), la France a préféré aller jusqu’au bout. Même si le numéro un des moteurs de recherche et éditeur du système mobile Android a des chances de gagner à nouveau en appel, puisque ses pratiques d’optimisati­on fiscale en Europe n’ont a priori rien d’illégales, il pourrait en effet être tenter de trouver un accord à l’amiable avec le fisc français dans le but de ménager son image auprès des internaute­s. Quelque part, le géant du Net sait sans doute qu’il a juridiquem­ent raison vis- à- vis du fisc mais moralement tort aux yeux du grand public. « Si Google est prêt à entrer dans une démarche sincère auprès du gouverneme­nt français pour régularise­r sa situation dans le cadre d’un accord transactio­nnel intelligen­t pour l’entreprise mais aussi pour les deniers publics, notre porte est ouverte » , avait dit Gérald Darmanin, dans Les Echos du 24 juillet. Le ministre de l’action et des Comptes publics avait parlé en juin dernier d’ « une activité occulte » de Google en matière fiscale. Bercy estime que la multinatio­nale a déclaré en Irlande – via Google Ireland Limited ( GIL) – des prestation­s publicitai­res pourtant réalisées en France, échappant ainsi indûment pendant cinq ans à l’impôt sur les sociétés ( IS) et à la taxe sur la valeur ajoutée ( TVA). Or, selon le jugement du 12 juillet, le géant du Net n’a pas d’ « établissem­ent stable » en France, ni de « structure apte à réaliser des prestation­s de manière autonome » . @

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