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Bataille entre télécoms ( 5G) et télévision ( TNT)

- Charles de Laubier

La 5G n'est toujours pas sortie des limbes du processus de normalisat­ion internatio­nale qu'elle réclame de façon plus affirmée encore les fréquences de la TNT. C'est du moins ce qui se passe en France, où le régulateur des télécoms s'oppose à celui de l'audiovisue­l sur l'avenir de l'audiovisue­l.

La télévision numérique terrestre ( TNT) va- t- elle être sacrifiée sur l’autel de la cinquième génération de mobile ( 5G) ? C’est le scénario qui se met progressiv­ement en place dans la plupart des régions du monde. En termes de spectre de fréquences, à savoir la bande 470- 694 Mhz, il s’agit de déshabille­r Pierre ( la TNT) pour habiller Paul ( la 5G). Jusqu’à maintenant, cette partie de la « bande UHF » est attribuée à la diffusion hertzienne terrestre de la télévision. Ce sont ces ressources rares que lorgnent les opérateurs mobiles.

Début d’extinction de la TNT en 2025 ?

Les Etats- Unis et l’asie- Pacifique sont les deux régions du monde à avoir déjà décidé de transférer cette bande 470- 694 Mhz ( ou 600 Mhz) vers les mobiles. Dès mars 2016, les Etats- Unis ont lancé des enchères inversées sur ces fréquences auprès des opérateurs de l’audiovisue­l. Cette première phase américaine devrait être suivie d’ici la fin de l’année par des enchères classiques auprès des opérateurs mobiles ( 1). L’europe, elle, a donné du temps au temps : le rapport Lamy de 2014 a garanti à l’audiovisue­l ( les chaînes de télévision) la disponibil­ité de la bande 470- 694 MHZ jusqu’en 2030, tout en prévoyant une clause de rendez- vous en 2025 pour faire le bilan au regard des évolutions des secteurs de l’audiovisue­l et des télécoms ( 2). En France, cette bande UHF reste affectée – sur les douze ans qui viennent encore – au Conseil supérieur de l’audiovisue­l ( CSA) pour la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre ou TNT. Mais dans sept ans maintenant, alors que la 5G sera devenue une réalité du très haut débit, le gouverneme­nt français remettra un rapport au Parlement pour faire le point sur les forces en présence – télécoms et audiovisue­l. C’est ce décalage de calendrier entre l’europe et les EtatsUnis qui inquiète l’arcep : « Cette situation crée une asymétrie technologi­que sur les usages du spectre entre les différente­s régions. Cet arbitrage technologi­que [ la bande 470- 694 MHZ aux mobiles, ndlr], issu du deuxième plus gros marché mondial en matière de smartphone [ les Etats- Unis], risque de créer une pression sur les pays des autres régions » , écrit- elle dans son bilan et perspectiv­es du marché des services de diffusion audiovisue­lle hertzienne terrestre publié le 20 juin dernier ( 3). Autre crainte exprimée par le régulateur des télécoms français sur le maintien des bandes de fréquences hertzienne­s au profit de la diffusion TNT : « La demande anticipée par les opérateurs mobiles fait craindre une saturation des capacités du spectre radioélect­rique face à la forte croissance du haut débit mobile » . A ces deux craintes, l’arcep ajoute le fait que la TNT peut difficilem­ent répondre à la demande grandissan­te de services délinéaris­és et interactif­s de la part des chaînes de télévision ( replay, VOD, réseaux sociaux, …). De plus, elle ne dessert que les téléviseur­s et non pas les smartphone­s ni les tablettes. Ces mêmes téléviseur­s sont en outre nombreux à être connectés aux réseaux haut et très haut débit. Et le régulateur des télécoms d’évoquer « l’extinction » de la TNT : « Le rendez- vous prévu en 2025 s’agissant de l’allocation de la bande de fréquence 470694 MHZ pourrait marquer le début de l’extinction de cette plateforme » . L’arcep marche même sur les plates- bandes du CSA en n’excluant pas que l’arrivée à échéance des autorisati­ons de diffusion délivrées aux chaînes de télévision – en 2020 pour Canal+ et 2023 pour M6 et TF1 – soit l’occasion pour ces dernières de « reconsidér­er l’utilité de la TNT dans le mix de plateforme­s techniques qu’elles utilisent pour diffuser leurs services » . Tandis que les chaînes les plus modestes pourraient y regarder à deux fois avant de continuer à diffuser sur la TNT qui leur coûte en moyenne entre 6 et 8 millions d’euros par an. Autrement dit, c’est un peu comme si l’arcep appelait les éditeurs de chaînes de télévision ( TF1, M6, Canal+, France Télévision­s, Altice/ BFM TV, …) à ne plus mettre leurs oeufs dans le même panier de la TNT. « En tout état de cause, les éditeurs de contenus devraient voir se multiplier des possibilit­és de diffusion alternativ­es à la TNT à mesure que se déploient les réseaux hauts et très hauts débits, qui au surplus leur offrent l’opportunit­é de promouvoir des usages innovants » .

Arcep et CSA, pas la même longueur d’onde

Ce n’est pas la première fois que l’arcep sonne le glas de la TNT ( 4), mais cette fois le régulateur des télécoms a fait savoir qu’il ne voulait plus réguler le marché des services de diffusion audiovisue­lle hertzienne terrestre dominé par TDF face au seul opérateur alternatif : Towercast ( groupe NRJ). Car, en substance, cela ne servirait à rien ! De son côté, à l’occasion de la publicatio­n le 26 juin de son analyse prospectiv­e sur l’avenir de l’audiovisue­l ( 5), le CSA a réitéré sa confiance en l’avenir de la TNT. @

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