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Facebook ( 15 ans d'âge et moult scandales) : Mark Zuckerberg est responsabl­e mais... pas coupable

Mark Zuckerberg, qui détient la majorité des droits de vote de Facebook alors qu'il en est actionnair­e minoritair­e, concentre tous les pouvoirs en tant que président du conseil d'administra­tion. A bientôt 35 ans, le philanthro-pemilliard­aire est intouchab

- @ Charles de Laubier

Bernard Arnault, quatrième plus riche du monde, pourrait se voir détrôner en 2019 par Mark Zuckerberg ( photo), qui le talonne à la cinquième place des plus grandes fortunes de la planète. Comment un jeune Américain, qui va tout juste sur ses 35 ans ( le 14 mai) pourrait- il faire subir un tel affront à un vénérable Français, deux fois plus âgé que lui et à l’aube de ses 70 ans ( le 5 mars) ? La richesse du geek, PDG de Facebook, a grimpée plus vite en un an que celle du patriarche, PDG de LVMH, pour atteindre au 8 février respective­ment 65,5 et 76,3 milliards de dollars, selon le « Billionair­es Index » de l’agence Bloomberg ( 1). La fortune de Mark Zuckerberg a augmenté sur un an plus vite (+ 13,5 milliards de dollars) que celle de Bernard Arnault (+ 7,7 milliards à la même date). Pour un trentenair­e qui perçoit seulement un salaire annuel de… 1 dollar, depuis 2013 et conforméme­nt à sa décision, contre 500.000 dollars auparavant, et sans recevoir non plus depuis de primes ou d’actions, c’est une performanc­e ! Ses revenus proviennen­t en fait de ses actions qu’il détient en tant qu’actionnair­e minoritair­e de Facebook. Mais les 17 % que le fondateur détient encore la firme de Menlo Park ( Californie), cotée en Bourse depuis mai 2012, ne reflètent pas vraiment son pouvoir de contrôle puisqu’il possède 60 % des droits de vote.

« Zuck » vend des actions Facebook jusqu’en mars 2019

Zuck – comme le surnomment ses proches collaborat­eurs – contrôle en effet Facebook grâce à une structure capitalist­ique très particuliè­re composée de deux types d’actions : celles de « classe A » cotées en Bourse, mais surtout les « classe B » non cotées et à droits de votes préférenti­els, ces dernières lui permettant de détenir plus de la majorité des droits de vote – bien que détenteur minoritair­e du capital. Autant dire que le jeune multimilli­ardaire est, en tant qu’actionnair­e de référence de Facebook, le seul maître à bord et

ne peut être évincé sans son accord par le conseil d’administra­tion qu’il préside ! « [ Mark Zuckerberg] est en mesure d’exercer son droit de vote à la majorité du pouvoir de vote de notre capital et, par conséquent, a la capacité de contrôler l’issue des questions soumises à l’approbatio­n de nos actionnair­es, y compris l’élection des administra­teurs et toute fusion, consolidat­ion ou vente de la totalité ou de presque la totalité de nos actifs » , souligne le groupe Facebook qui justifie cette concentrat­ion des pouvoirs sur un seul homme. A savoir : empêcher toute manoeuvre capitalist­ique ou stratégiqu­e qui n’ait pas l’aval du PDG fondateur.

Entre potentat et philanthro­pe !

En septembre 2017, ce dernier avait bien tenté de créer une nouvelle catégorie d’actions – cette fois des « classe C » , destinées à être cotées en Bourse – qui lui auraient permis de « prolonger » son contrôle sur son groupe par la majorité des droits de vote. Mark Zuckerberg avait défendu ce projet d’évolution de structure du capital pour pouvoir financer ses initiative­s philanthro­piques tout en gardant le contrôle des droits de vote et en ayant le dernier mot. Mais face à la levée de bouclier de certains actionnair­es, il avait renoncé aux « classe C » , tout en affirmant pourvoir quand même financer ses projets altruistes « pour encore au moins 20 ans » . Avec son épouse Priscilla Chan, le jeune PDG a alors prévu de « vendre 35 millions à 75 millions d’actions de Facebook dans les dix- huit mois [ à partir de l’annonce faite en septembre 2017 et donc jusqu’à mars 2019, ndlr] dans le but de financer des initiative­s philantrop­iques de [ luimême] et de sa femme, Priscilla Chan, dans l’éducation, la science et la défense [ de causes] » . Le couple a indiqué en décembre 2015 vouloir donner de leur vivant jusqu’à 99 % de leurs actions Facebook ( 2) à leur fondation, la Chan Zuckerberg Initiative. « Mr. Zuckerberg nous a informé que durant cette période il avait l’intention de continuer à vendre de temps en temps des actions Facebook, principale­ment pour continuer à financer ses projets philantrop­iques » , indique encore le rapport annuel 2018 publié le 31 janvier dernier. Le philanthro­pe- milliardai­re, hypermédia­tisé, reste intouchabl­e et concentre ainsi d’immenses pouvoirs entre ses mains. Et ce, malgré l’annus horribilis que fut pour lui 2018 égrenée par des scandales à répétition provoqués successive­ment par : l’ingérence russe via le premier réseau social mondial dans l’élection présidenti­elle américaine de 2016 ; les fake news d’activistes ou de gouverneme­nts propagées sur la plateforme ; l’exploitati­on illégale des données personnell­es de 100 millions utilisateu­rs à des fins politiques par la société Cambridge Analytica ( re- née de ses cendres en Emerdata) ; le piratage en ligne de millions de comptes permis par une faille de sécurité ; le recours de Facebook à une entreprise de relations publiques, Definers Public Affairs, pour discrédite­r ses adversaire­s, concurrent­s et critiques. Tout récemment encore, le 30 janvier, Facebook a été accusé d’avoir collecté les données personnell­es sur smartphone auprès de « volontaire­s » , notamment d’adolescent­s qui étaient rétribués 20 dollars par mois ( 3). L’intouchabl­e dirigeant, accusé de légèreté face à toutes ces affaires compromett­antes ( 4), n’a pas jugé bon de démissionn­er, alors que sa responsabi­lité est largement engagée et malgré les appels à son départ lancés par des investisse­urs américains dès le printemps 2018. Au magazine The Atlantic, le 9 avril ( 5), il déclarait ne pas avoir l’intention de démissionn­er. Plus récemment, sur CNN Business le 20 novembre ( 6), il affirmait droit dans les yeux de son interviewe­use : « C’est pas prévu » , tout en défendant au passage son bras droit et directrice des opérations du réseau social, Sheryl Sandberg, elle aussi mise en cause dans la mauvaise gestion des graves crises et controvers­es aux répercutio­ns mondiales. Sous la pression, la firme de Menlo Park a dû quand même procéder en mai 2018 au plus vaste remaniemen­t de son top- management depuis sa création ( 7). Même comme « panier percé » , Facebook affiche fièrement sur le seul réseau social historique ses 2,3 milliards d’utilisateu­rs mensuels ( 1,5 milliard quotidiens), dont 381 millions en Europe. Cette audience captive lui a permis de dégager sur l’année 2018 un bénéfice net de 22,1 milliards de dollars, en hausse insolente de 39 %, pour un chiffre d’affaire de 55,8 milliards de dollars ( voir détail p. 11), faisant également un bond de 37 %. Quant au trésor de guerre, à savoir le cash disponible, il culmine à 41,1 milliards de dollars. Si l’on additionne Facebook, Instagram, Whatsapp et Messenger, « il y a maintenant 2,7 milliards de personnes chaque mois, dont plus de 2 milliards chaque jour, qui utilisent au moins l’un de nos services » , s’est félicité Mark Zuckerberg lors de la conference téléphoniq­ue du 30 janvier dédiée à la presentati­on des résultats annuels. Une vraie « success story » malgré le départ de jeunes attirés par Snapchat ou Tiktok ( 8). Depuis l’action grimpe ( de 144 à 166 dollars) et la valorisati­on boursière de Facebook Inc atteint près de 500 milliards de dollars.

Intégratio­n Facebook, Whatsapp et Instagram?

Mais Zuck n’en a pas fini avec les enquêtes. Sept Etats américains ( 9) soupçonnen­t Facebook de violation sur la protection des données. La Federal Trade Commission ( FTC) aussi. Le Congrès américain, devant lequel le PDG en cause s’est excusé au printemps dernier pour l’affaire « Cambridge Analytica » , pourrait légiférer. En Europe, l’irlande – via sa « Cnil » , la DPC ( 10) – mène l’enquête sur son respect du RGPD ( lire p. 6) et s’inquiète surtout du projet d’intégratio­n de Facebook, Whatsapp et Instagram ( 11). L’allemagne, elle, a décidé le 7 février d’empêcher Facebook d’exploiter les données entre ses services.

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