Edition Multimédi@

Droit d'auteur et Internet en chiens de faïence

Après un lobbying intense des géants du Net et des industries culturelle­s autour du « trilogue » eurodéputé­s- Etats membres- Commission européenne, les « ambassadeu­rs » du Cereper ont adopté le 20 février la directive controvers­ée sur la réforme du droit

-

Le « trilogue » de négociatio­n sur le projet de directive européenne « Droit d’auteur dans le marché unique numérique » – instance tripartite composée par le Parlement européen, le Conseil de L’UE et la Commission européenne – a finalement trouvé in extremis le 14 février un accord. Les ambassadeu­rs du Coreper ( 1) représenta­nt les Etats membres auprès de L’UE l’ont approuvé le 20 février à Bruxelles. La Finlande, l’italie, le Luxembourg, les PaysBas et la Pologne ont dénoncé « un recul » .

La directive « E- commerce » : un garde- fou ?

Après un vote de la commission Juridique du Parlement européen prévu le 26 février, le vote final en réunion plénière des eurodéputé­s interviend­rait entre les 15 et 18 avril. Il s’en est fallu de peu pour que les négociatio­ns n’aboutissen­t pas, notamment en raison du très controvers­é article 13 sur la responsabi­lité des plateforme­s numériques dans la lutte contre le piratage. La France et l’allemagne ont pesé de tout leur poids pour responsabi­liser Google, Youtube, Facebook, Yahoo ou encore Dailymotio­n. Quelques jours avant le compromis obtenu à l’arraché au sein du trilogue, l’associatio­n European Digital Rights ( EDRI) avait même révélé le 11 février sur son compte Twitter ( 2) les ultimes modificati­ons proposées par le gouverneme­nt français sur l’article 13 mais finalement non intégrées le 14 février en trilogue dans la version consolidée du texte ( 3). « La France [ avait] proposé de supprimer la référence à la directive “E- commerce” afin de s’assurer que la # Censorship­machine entre pleinement en vigueur avec des obligation­s de contrôle général » , avait alerté L’EDRI dirigée par Claire Fernandez ( photo). Cette associatio­n européenne créée en 2002 à Berlin est basée à Bruxelles pour défendre et promouvoir les droits civils dans l’environnem­ent numérique : neutralité du Net, protection de vie privée et des données personnell­es, liberté d’expression et de création, adaptation du droit d’auteur, etc. Dans son amendement ( 4) soumis au trilogue, le gouverneme­nt français ne voulait pas que le paragraphe 7 de l’article 13 mentionne la directive « E- commerce » de 2000 qui interdit à toute plateforme numérique de filtrer tous les contenus Internet transitant sur ses serveurs d’hébergemen­t. Ce garde- fou contre une surveillan­ce généralisé­e du Web est clairement maintenu comme principe général. Rappelons que l’article 15 de cette directive « E- commerce » est intitulé justement « Absence d’obligation générale en matière de surveillan­ce » . Ainsi, « les Etats membres ne doivent pas imposer aux prestatair­es [ intermédia­ires techniques, hébergeurs, réseaux sociaux, FAI, ..., ndlr] une obligation générale de surveiller les informatio­ns qu’ils transmette­nt ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstan­ces révélant des activités illicites » . Est ainsi consacré en 2000 le statut d’hébergeur à responsabi­lité – dont bénéficien­t encore aujourd’hui les Google/ Youtube, Facebook, Twitter et autres Snapchat. Les limitation­s de responsabi­lité des prestatair­es de services de la société de l’informatio­n ou de services intermédia­ires ne peuvent être levées que sur décision d’un juge ou d’une autorité administra­tive. D’autant que cette même directive « E- commerce » prévoit que « le prestatair­e agisse promptemen­t pour retirer l’informatio­n qu’il a stockée ou pour en rendre l’accès impossible dès qu’il a effectivem­ent connaissan­ce du fait que l’informatio­n à l’origine de la transmissi­on a été retirée du réseau ou du fait que l’accès à l’informatio­n a été rendu impossible, ou du fait qu’un tribunal ou une autorité administra­tive a ordonné de retirer l’informatio­n ou d’en rendre l’accès impossible » . En France, la loi pour la confiance dans l’économie numérique ( LCEN) de 2004 a sanctuaris­é dans le droit national ce régime de responsabi­lité limitée de l’hébergeur.

Dix ans après le Traité de Lisbonne

En matière de jurisprude­nce, la Cour de justice de l’union européenne ( CJUE) s’est à son tour opposée au filtrage généralisé d’internet dans deux de ses arrêts dit « Sabam » , le premier daté du 24 novembre 2011 dans l’affaire « Scarlet contre Sabam » ( 5) et le second du 16 février 2012 dans l’affaire « Sabam contre Netlog » ( 6). La CJUE est on ne peut plus claire : les directives européenne­s concernées ( 7) et les exigences de protection des droits fondamenta­ux « s’opposent à une injonction faite par un juge national à un prestatair­e de services d’hébergemen­t de mettre en place un

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France