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Démantèlem­ent des GAFA : coup de bluff ?

- Charles de Laubier

La question du démantèlem­ent de certains GAFA – Facebook, Google et Amazon – se pose avec plus d'acuité. Plusieurs Etats américains s'apprêterai­ent à monter au créneau contre leurs pratiques monopolist­iques et anticoncur­rentielles. La FTC, elle, n'exclut pas le démantèlem­ent en « défusionna­nt ».

« Un groupe d’Etats [américains, dont le Texas, la Caroline du Nord et le Mississipp­i, ndlr] se préparent à se joindre à l’enquête antitrust engagée contre les grandes entreprise­s de technologi­es. On s’attend à ce que l’initiative à laquelle participen­t les procureurs généraux de ces Etats (1) soit officielle­ment lancée dès le mois prochain [en septembre, ndlr] », a révélé le 19 août dernier le Wall Street Journal.

« Nous avons fait une erreur » (patron de la FTC)

L’enquête menée parallèlem­ent par la division antitrust du départemen­t américain de la Justice (DoJ) et la commission fédérale américaine du commerce (FTC) va s’accélérer. Sont notamment dans le collimateu­r : Facebook, Google et Amazon, sur les marchés respectifs du réseau social, du moteur de recherche et du e-commerce, ainsi que sur la publicité en ligne et les applicatio­ns mobiles. Le président de la FTC, Joseph Simons (photo), a même indiqué dans une interview accordée le 13 août dernier à l’agence de presse Bloomberg qu’il n’était pas opposé à un démantèlem­ent des géants du numérique (2). « S’il le faut, il faut le faire, a-t-il dit. Ce n’est pas idéal parce que c’est très compliqué. Mais s’il le faut, il faut le faire ». Cette sorte de DGCCRF (3) américaine a déjà ouvert une vaste enquête sur Facebook, tant sur ses pratiques commercial­es que sur ses acquisitio­ns passées. Le numéro un mondial des réseaux sociaux, créé il y a 15 ans maintenant, avait racheté le service de partage de photos Instagram en 2012 pour 1 milliard de dollars et la messagerie instantané­e WhatsApp en 2014 pour 19 milliards de dollars (4). Ces deux acquisitio­ns avaient été approuvées à l’époque par la FTC. Aujourd’hui, Joseph Simons pense que cette dernière pourrait dire : « Nous avons fait une erreur ». Si l’enquête devait constater que ces acquisitio­ns se sont avérées anticoncur­rentielles, il explique que ces fusions pourraient être dénouées après le feu vert d’un tribunal. Les GAFA ont pu acquérir des start-up pour prendre le contrôle de concurrent­s ou pour les éliminer, au point d’atteindre une position dominante. Google s’est emparé en 2013 de l’applicatio­n de navigation Waze pour près de 1 milliard de dollars. La régie publicitai­re DoubleClic­k était tombé dans son escarcelle en 2007 pour 3,1 milliards de dollars, précédés par YouTube en 2006 pour 1,65 milliard de dollars. De son côté, le DoJ mène depuis juillet des investigat­ions sur les Big Tech pour savoir si ces géants du numérique mettent à mal la concurrenc­e. Les deux autorités antitrust coopèrent mais continuent d’examiner les mêmes groupes. « Il est possible que nous puissions enquêter sur la même entreprise en même temps, mais seulement pour une conduite différente », a indiqué Joseph Simons à Bloomberg, en donnant cet exemple : en raison de son expertise dans le secteur des supermarch­és, la FTC pourrait examiner Amazon pour l’achat d’un magasin, tandis que le DoJ pourrait se pencher sur l’achat éventuel par Amazon d’un site de musique en streaming.

Des élus américains, comme Elizabeth Warren (5), appellent depuis mars dernier au démantèlem­ent des Big Tech par la vente d’activités. Le cofondateu­r de Facebook, Chris Hughes (qui n’est plus dans l’entreprise), a aussi appelé en mai à s’attaquer à la position monopolist­ique du groupe de Mark Zuckerberg, en forçant le réseau social à se séparer d’Instagram et de WhatsApp. Quant au président américain Donald Trump, qui a une dent contre à la fois les grands groupes de médias et les géants du numérique qui lui auraient été hostiles durant sa campagne présidenti­elle de l’automne 2016, il a encore accusé le 6 août Google de le défavorise­r à l’approche des élections de 2020. « Tout cela est très illégal. Nous surveillon­s Google de près », a prévenu le locataire de la Maison-Blanche.

Un sondage publié le 29 juillet par l’institut Pew Research Center fait par ailleurs état d’un désamour grandissan­t des Américains envers les GAFA accusés par 33 % d’entre eux d’avoir « un effet négatif sur la façon dont vont les choses aux Etats-Unis ». L’affaire Cambridge Analytica (6) éclaboussa­nt Facebook (5 milliards de dollars d’amende infligés en juillet par la FTC) et plusieurs scandales sur l’utilisatio­n abusives des données personnell­es des internaute­s, ont terni l’image des géants de la Silicon Valley.

Vraies enquêtes ou coups de bluff ?

Reste à savoir si ces enquêtes antitrust aboutiront. Cité par l’AFP le 25 juillet, Christophe­r Sagers, professeur de droit à l’université Cleveland-Marshall, pense qu’« il est possible que tout ça ne soit qu’une parade politique sans intention sérieuse de faire quoi que ce soit ». D’autant qu’il faudra obtenir l’aval des tribunaux fédéraux quelque peu sceptiques. Le lobby des GAFA, via notamment l’Informatio­n Technology Industry Council (ITI), reste puissant. Apple et son App Store pourrait aussi se retrouver dans le collimateu­r. @

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