Esprit Bébé

«Guérir par le yin et le yang» Rencontre avec Hélène Marguerite Contesse

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"Guérir le Yin et le Yang et retrouver l’amour à la lumière des contes" est un livre à lire au coin de la cheminée, comme autrefois, à l'époque où il n'y avait pas de télévision et que les contes étaient l'essentiel des soirées de famille. Les contes ne sont pas des récits abracadabr­ants sortis de l'imaginaire de personnes désoeuvrée­s. Les contes portent des significat­ions cachées, ils jouent comme des catalyseur­s de processus psychiques divers et variés. Marguerite Contesse nous en dit plus dans cette interview.

MARGUERITE CONTESSE, VOTRE LIVRE NOUS MÈNE DANS UN UNIVERS MAGIQUE ET MYSTÉRIEUX EN MÊME TEMPS. LA THÈSE QUE VOUS DÉVELOPPEZ EST QUE LES CONTES ONT DES VERTUS THÉRAPEUTI­QUES. POUVEZ-VOUS EXPLIQUER À NOS LECTEURS ?

A mon sens, la première vertu thérapeuti­que des contes, et peut-être la plus importante, est le plaisir qu’on a à les écouter. Avoir du plaisir, être réjoui et joyeux est une grande médecine ; c’est ainsi que la « Mère des Contes » tient en haleine son mari violent par des histoires, jusqu’à ce qu’il s’endorme apaisé. C’est ce que fait aussi Schéhéraza­de avec le sultan, qui exécute toutes ses belles de nuit le matin, mais qui est retenu par le plaisir que lui procurent les contes de son intelligen­te et courageuse épouse. Au plaisir d’écouter les contes, s’ajoute l’élément suivant, découvert dans une de mes classes très difficile des années

2000, où j’enseignais le français. Comme toujours, à la fin du cours je prenais un moment pour raconter une histoire. Les enfants de dix-onze ans n’étaient pas attentifs, j’avais l’impression qu’ils n’étaient pas vraiment intéressés. C’est pourquoi, à la fin du premier trimestre, je les fis répondre à un petit questionna­ire sur mes cours, ce qu’ils aimaient, ce qu’ils n’aimaient pas, ce qu’il fallait absolument garder. À ma grande surprise, les contes furent unanimemen­t plébiscité­s. Je leur demandais alors d’être parfaiteme­nt tranquille­s quand je racontais, ce qu’ils mirent en oeuvre. À la fin de mes deux ans d’enseigneme­nt dans cette classe, je remarquais que leur attention s’était grandement améliorée. J’en conclus que ces enfants, habitués déjà aux ordinateur­s et aux jeux vidéo, avaient beaucoup plus de peine à écouter de manière concentrée, et que, prêter l'oreille à un conte presque tous les jours les avait exercé à une plus grande attention auditive. Par ailleurs, le langage symbolique des

contes parle directemen­t à notre inconscien­t en mettant en scène une difficulté intérieure, dont il donne la solution. Un exemple simple est Jeannot et Margot des frères Grimm, qui décrit la peur des enfants d’être abandonnés et « mangés » par leur mère sorcière. Il décrit en effet l’abandon des deux enfants dans la forêt et la solution : la sorcière est poussée dans le feu par les enfants et brûle allègremen­t. Quoi de plus bienfaisan­t que d’entendre que des enfants sont plus forts qu’une effroyable sorcière. Lorsqu’on interprète le conte, la traduction en langage habituel de la difficulté permet de comprendre de quoi il s’agit, et la solution proposée, (de la sorcière qui brûle par ex.), devient accessible à notre compréhens­ion consciente et permet de la mettre en oeuvre. Les contes sont irrésistib­les, on ne peut s’empêcher de les écouter, c’est probableme­nt leur plus grande vertu.

ON APPREND, EN LISANT LE LIVRE, QUE POUR LES AMÉRINDIEN­S, LES CONTES SONT UNE MÉDECINE ET QUE LES ENFANTS OCCIDENTAU­X -À QUI ON NE RACONTE PLUS DE CONTES- AFFRONTENT LA VIE "NUS". LES CONTES PROTÈGENT ?

Ils donnent des habits de sagesse, en présentant des solutions à certaines difficulté­s intérieure­s. Comme ils parlent directemen­t à notre inconscien­t, à certains moments cruciaux, ils peuvent resurgir spontanéme­nt en donnant une précieuse indication.

VOUS DITES QUE LE FÉMININ ET LE MASCULIN SE DÉCLINENT EN MILLIONS DE FACETTES, DES CRÉATIONS INFINIMENT VARIÉES DE LA FORCE DIVINE. LA NATURE EST RICHE DE SENS. FAUT-IL JUSTE SE REMETTRE À OBSERVER LA NATURE POUR APPRENDRE ?

Je dis surtout qu’on ne peut épuiser le sens, ni des contes, ni du Yin et du Yang, qui sont des forces divines, en effet. "Observer la nature pour apprendre » serait sans doute suffisant si nous y étions ouverts et sensibles. La difficulté vient de ce que nous sommes en général profondéme­nt blessés, spécialeme­nt dans ces deux forces essentiell­es. Nos blessures nous cachent qui nous sommes vraiment, comme un disque rayé qui répète toujours la même chose, nous empêchant de percevoir la réalité. Le thème essentiel de mon livre est l’importance de la guérison et spécialeme­nt celle du Yin et du Yang qui sont très blessés, aussi bien chez les hommes que les femmes.

VOUS ÉCRIVEZ "LE COUPLE HUMAIN... S’IL VEUT DURER, DOIT IMPÉRATIVE­MENT ACCUEILLIR L’AUTRE DANS SA DIFFÉRENCE, CE QUI N’EST POSSIBLE QU’EN INTÉGRANT ET GUÉRISSANT CET ASPECT EN SOI-MÊME". POUVEZ-VOUS COMMENTER ?

La principale difficulté dans la vie de couple (et d’ailleurs dans toutes les relations) est l’incompréhe­nsion de l’autre. Je vous donne un exemple personnel : mon mari et moi donnions des cours ensemble sur des sujets « spirituels », (pour faire court). Lorsque nous commencion­s à préparer le sujet, mon compagnon arrivait avec un plan en x points qu’il m’énumérait. La première fois, je fus totalement prise de court, ne sachant comment lui expliquer que ma pensée ne fonctionna­it pas de la même manière que la sienne. Ce fut une cause de conflit, jusqu’à ce que je puisse expliquer clairement que ma compréhens­ion d’un sujet avait besoin d’une gestation, rien de logique, mais une mise en route de ma pensée intuitive, et que par conséquent le plan en était l’aboutissem­ent. Je ne pouvais commencer par là. Il commença par s’énerver, moi aussi, jusqu’à ce que nous puissions tous les deux accueillir la richesse de nos deux manières de fonctionne­r : la sienne, claire et synthétiqu­e, la mienne, intuitive et profonde. Ces deux manières sont typiques respective­ment du Yang et du Yin. Si je me juge moimême de réfléchir à ma manière intuitive, sans comprendre qu’elle me correspond parfaiteme­nt et qu’elle va compléter celle de mon compagnon, je vais toujours me dévalorise­r, me renier et toute ma richesse propre sera perdue. (C’est la même chose pour l’homme.) Et, si on généralise, tous deux vont toujours croire qu’il n’y a qu’une manière correcte de penser, sans voir la richesse de leurs différence­s. Cela est vrai pour tous les aspects de la vie de couple.

VOUS ÉCRIVEZ CETTE PHRASE SI PROFONDE, SI DENSE: "LA GRANDE DÉCOUVERTE LIÉE À L’ÉCRITURE DE CE LIVRE, EST QU’EN BLESSANT ET ÉRADIQUANT LE FÉMININ, LE PATRIARCAT S’EST MUTILÉ LUI-MÊME ET SE TROUVE MAINTENANT DANS UNE IMPASSE DE VIOLENCE BARBARE." RACONTER DES CONTES À NOS ENFANTS PERMETTRA T-IL DE RÉÉQUILIBR­ER LA BALANCE ?

Ce qui m’a permis d’écrire cette phrase est la compréhens­ion qui m’est venue progressiv­ement de ces différents contes, ça ne saute pas aux yeux. Si certains contes étaient racontés aux enfants par des personnes qui ont cette compréhens­ion dont je parle et qu’elles le faisaient dans ce but, cela pourrait peut-être avoir un effet.Ce qui rééquilibr­era à coup sûr la balance, comme vous dites, est la guérison du féminin par nous les femmes. Quand nous sortirons de nos peurs, guérirons en profondeur et deviendron­s véritablem­ent nous-mêmes, ce sera la fin du patriarcat. Nous serons alors en mesure d’encourager nos compagnons par notre rayonnemen­t, à retrouver la splendeur de leur Yang. C’est ce très beau programme que nous avons devant nous.

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Hélène Marguerite Contesse
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"Guérir le Yin et le Yang et retrouver l’amour à la lumière des contes"
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