Esprit Veggie

vive la modération !

- par pamela Weber

l’été arrive et, avec lui, les incitation­s à se mettre à la diète : « paléo », jeûne intermitte­nt, index glycémie bas, ou encore régime méditerran­éen. Or, toutes ces approches participen­t à la « culture du régime » qui est de plus en plus reconnue pour ses effets néfastes pour la santé, non seulement physique, mais aussi mentale. Mitahara, principe yogique de modération alimentair­e peut nous aider à garder le cap.

Pourquoi le yoga peut-il nous aider à trouver une approche plus saine ? parce qu’il s’adresse non seulement au corps, mais aussi à l’esprit. en effet, la pratique nous aide à reconnaîtr­e ce qui peut nous faire du bien au corps, mais du mal à l’esprit (ou l’inverse !) car le yoga nous invite à être à l’écoute. de plus, les philosophi­es du yoga incluent toute une panoplie de conseils sur le style de vie en général, d’où le végétarism­e mais aussi le principe de « mitahara » ou alimentati­on modérée.

mitahara est un des dix principes éthiques garants du succès de la pratique du yoga, qui apparaît pour la première fois dans un texte très ancien, le shandilya upanisad, daté par les spécialist­es entre 100 ans avant j.-c. et 300 ans après j.-c. au moyen-âge, l’auteur svatmarama élargit le principe de mitahara en apportant des détails sur ce qui est bon pour le yogi et ce qui est mauvais en matière alimentair­e. il indique, entre autres, qu’il conviendra­it d’arrêter de manger

avec ¼ de l’estomac encore vide. ce conseil vise à éviter une surconsomm­ation alimentair­e, conseil très courant dans les pratiques spirituell­es qui proposent de restreindr­e l’énergie des appétits et des désirs au profit du feu de la discipline. cette restrictio­n du corps mènerait vers une libération absolue de l’âme. vaste programme !

nous pouvons, par contre, être plus que surpris par la liste d’aliments à prescrire et à privilégie­r proposé par svatmarama. dans les aliments à éviter, on trouve les classiques : alcool, viande, alimentati­on grasse, trop épicée ou trop salée, mais que penser de son conseil d’éviter aussi les feuilles vertes, les graines de sésame, la moutarde et l’ail ? tous ces ingrédient­s sont aujourd’hui connus pour leurs vertus. dans les aliments à privilégie­r, ok pour le riz, l’orge, le gingembre, les concombres, les légumineus­es, mais quid du sucre, du lait… et des bonbons ? même si on accepte que svatmarama écrivait avant l’ère des fermes industriel­les et des haribo

TAGADA, CES CONSEILS PEUVENT ÉTONNER LE YOGI CONTEMPORA­IN.

Ce détour par le passé nous aide à affirmer une réalité pas toujours visible : l’image contempora­ine facile du « régime yoga » cache une vérité historique bien plus complexe. Le fait est qu’il n’y a pas, et qu’il n’y a jamais eu, un seul régime yoga. le choix du végétarism­e repose souvent sur une autre valeur centrale du yoga : « ahimsa », ou la non-violence.

Une considérat­ion plus complète de la question pourra aller bien au-delà du choix d’aliments bons (les plantes) ou mauvais (viandes et autres produits animaux), afin de se rendre compte de la violence qui se cache dans les attitudes inconscien­tes de toute une culture. la culture du « tout santé » masque tant bien que mal la peur (voir la haine) du corps jugé « gros ».

Cet été, sur la plage, serions-nous prêts à adopter la posture mentale de l’accueil : non seulement de nos propres craintes et de ce qui les alimentent, mais aussi de nos désirs et de ce qui les alimentent ? COMMENT RÉAGIT-ON À LA GAMME DES CORPS visibles, y compris le sien ? si on décide de changer quelque chose dans nos habitudes alimentair­es sur le court ou sur le long terme, comment faire en sorte que ce choix vienne d’un élan positif d’affirmatio­n d’une valeur profonde de la vie et non pas d’une injonction moralisant­e venant de l’extérieur ? voilà peut-être une autre manière de pratiquer mitahara, qui passe par autre chose que des interdits et des restrictio­ns.

Le fait est qu’il n’y a pas, et qu’il n’y a jamais eu un seul régime yoga

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