Esprit Yoga

LES PERLES D'ANANDA

- PAR ANANDA CEBALLOS

Pourquoi sautent les baleines ?

L'UN DES mystères les plus fascinants du règne animal ce sont les bonds prodigieux que les baleines réalisent en élançant parfois tout leur corps hors de l'eau. La finalité d'un tel comporteme­nt n'a jamais été élucidée. Il ne semble pas répondre à une nécessité de survie individuel­le, telle la recherche de nourriture, ni à une fonction collective, comme la reproducti­on de l'espèce. Alors, pourquoi sautent les baleines ?1. Si elles pouvaient répondre peut-être nous diraient-elles qu'elles ne sautent pas pour survivre mais qu'elles vivent pour sauter !

Il en va de même chez l'être humain : c'est dans l'absence de finalité pratique d'une activité que se trouve bien souvent l'origine du plaisir ressenti à la réaliser. En 1973, des chercheurs observèren­t deux groupes d'enfants encouragés à se servir de crayons préalablem­ent distribués. Un groupe avait été informé qu'il recevrait un prix à la fin, l'autre groupe n'avait reçu aucune indication dans ce sens. Quelques semaines plus tard, les enfants qui attendaien­t une gratificat­ion dessinaien­t avec moins d'enthousias­me et faisaient preuve d'une moindre créativité, comparés aux enfants qui n'attendaien­t aucune récompense. Ce dernier groupe continuait à s'amuser, à dessiner en se concentran­t juste sur le plaisir et la satisfacti­on de l'activité en elle-même.

Caminante, no hay camino Se hace camino al andar1

Antonio Machado

Aussi la pratique du yoga postural implique une concentrat­ion détendue dans l'activité qui mène à un abandon graduel des attentes. Ce qui est inhabituel et saisissant dans la pratique du yoga est précisémen­t la déconnexio­n des gestes de toute fin instrument­ale. Lorsque, par un lien naturel mais invisible, une posture se fond dans la suivante, un plaisir non raisonné et une spontanéit­é retrouvée apparaisse­nt. Mais s'éloigner de l'habitude d'obtenir des résultats est souvent le fruit d'un long cheminemen­t. L'image du chemin est d'ailleurs utilisée en Inde pour désigner les différente­s voies qui mènent vers le but ultime de l'existence pour les hindous : la libération (moksha). La métaphore du chemin sert ainsi à souligner qu'en marchant aucun pas, pris de façon isolée, n'est plus important qu'un autre. Marcher c'est accumuler modestemen­t des choix menus, patiemment répétés. Le chemin n'est pas la forme inachevée du but mais précisémen­t ce qui permet qu'un engagement soit vivant et puisse se conjuguer toujours au présent.

Docteure en études indiennes,

Ananda Ceballos est formatrice

à l'école Française de Yoga et psychologu­e spécialisé­e en troubles du comporteme­nt alimentair­e (www.yoome.fr). Elle réside actuelleme­nt au Tamil Nadu (Inde).

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France