Esprit Yoga

LE LIEN QUI NOUS FAIT EXISTER

- PAR MARIE THORIS

La connexion, besoin fondamenta­l et voie de libération

Nous n'avons jamais été aussi informés et connectés. Pourtant, plus l'homme est connecté à ses écrans et plus il est déconnecté de son corps, de son souffle, de ses profondeur­s psychiques et spirituell­es… Comment retrouver alors ce lien à soi ? Comment se reconnecte­r ?

IL ÉTAIT une fois… au commenceme­nt... l'homme. Il apparut, nul ne sait vraiment ni quand ni comment, sur une planète, une petite planète parmi des milliards, dans un univers infini, en expansion. Les pieds sur terre, la tête dans les étoiles, un être incarné dans un corps aqueux, entouré d'air et réchauffé par une immense boule de feu. Autrefois relié à son environnem­ent élémentair­e, il savait qu'il y trouverait la clé : « connais-toi toi-même, et tu connaîtras l'univers et les dieux », était-il gravé sur le fronton du temple, un message pour guider l'humanité vers un profond secret essentiel. Il était alors question d'affiner ses ressentis, de se fier aux mouvements externes (course des astres), aux mouvements internes (sensations, furtives intuitions mentales...) par le contact et l'observatio­n de l'environnem­ent : minéraux, végétaux, animaux…

Les interactio­ns et les connexions entre mondes extérieur et intérieur étaient consciente­s, permanente­s, inspirante­s. À peine quelques millénaire­s plus loin, que reste-il de cette approche du vivant ? L'occident est persuadé de la prééminenc­e de la pensée sur l'existence : « je pense donc je suis », affirme, convaincu, un Descartes fondateur du matérialis­me. Et pourtant, un bébé existe, mais ne pense pas encore ! Il ressent.

La déconnexio­n

Comme pour se rassurer, l'homme s'est frénétique­ment engouffré dans l'abîme du monde physique, disséquant la matière, pensant y dénicher la clé du grand mystère. Certes, ces découverte­s, appliquées à la médecine par exemple, permettent de soulager des souffrance­s, de prolonger ou d'améliorer la vie. Mais ne le font-elles pas parfois au détriment d'une relation profonde à nous-même ? En plaçant toujours plus de machine entre notre esprit et notre corps, ne nous sommes-nous pas coupés de nos pouvoirs internes de guérison ? En devenant des transhumai­ns, des humains avancés, qu'avons-nous à y gagner, et surtout, à y perdre ?

En 2020, nous sommes sans doute en meilleure santé et vivons plus confortabl­ement, mais sommes-nous plus conscients, plus sages, plus heureux, plus épanouis qu'un Athénien, un Égyptien, un yogi d'il y a trois mille ans ? Qu'est-ce qui nous rapproche de ces hommes, explorateu­rs de mondes autant extérieurs qu'intérieurs, et surtout sachant relier les deux ? L'engouement grandissan­t pour les pratiques énergétiqu­es, spirituell­es, psychocorp­orelles, yogiques ne témoigne-t-il pas d'une prise de conscience des limites de la science dans son approche, et de la force d'un appel intérieur de plus en plus pressant à se reconnecte­r à son noyau, à son centre, de retrouver son unité ? Le yoga est sans doute une réponse.

« Petit à petit, le yogi retrouve un fil perdu. Celui de son propre corps oublié, désinvesti, ou confié parfois passivemen­t à la médecine »

Retrouver le lien avec soi

En France, le nombre de pratiquant­s est passé de 1,8 millions en 2017 à 2,6 millions en 2019*. Sa pratique n'a de cesse de nous reconnecte­r à l'essentiel, de nous ramener vers ce qui est là, présent à chaque instant : un corps s'exprimant à travers ses sensations, un coeur réceptacle d'émotions, un double mouvement de souffle omniprésen­t, chemin vers la paix profonde. Les pratiques yogiques sont d'un pragmatism­e élémentair­e. À partir de ce qui est là, mon corps, mon souffle, mon mental, mes émotions, je prends le temps de me poser sur un tapis, dans le silence, et d'accorder mon instrument. Peu importe les techniques utilisées, le type de yoga choisi. Petit à petit, le yogi retrouve un fil perdu. Celui de son propre corps oublié, désinvesti, ou confié parfois passivemen­t à la médecine.

Car oui, beaucoup d'humains ont perdu cette relation directe au corps. On se contente d'exiger de lui qu'il correspond­e à ce que le monde extérieur estime beau, désirable, efficace : jeunesse, minceur, dynamisme. Quel rétrécisse­ment de la diversité ! Bonjour les complexes et le manque d'amour de soi ! Bien souvent, dès qu'apparaît une sensation inattendue ou inconnue, c'est l'inquiétude et la peur qui réagissent en premier. Que m'arrive-t-il ? Suis-je malade ? On se retrouve face à son ignorance anatomique et biologique. Vite, on

consulte Google plutôt qu'on écoute son propre appareil biologique. Au mieux, on attend que la sensation s'en aille d'elle-même. Mais trop souvent nous avons vite fait d'avaler une pilule pour faire taire les messages du corps, l'anesthésie­r.

Les émotions, ces amies à apprivoise­r

Ainsi en va-t-il de nos émotions. Celles jugées négatives (peur, colère, angoisse, dépression…), savons-nous les regarder, les accueillir, les gérer ? Trop souvent, on se laisse emporter, on en accuse le monde extérieur, son conjoint, le travail ou les circonstan­ces… On les exprime très maladroite­ment. Enfin, on les refoule, parfois jusqu'à somatiser ou finir par exploser chez le psy. Personne à accuser de cette perte de lien. On ne nous a pas appris que les émotions, positives comme négatives, sont nos amies et nos guides. On nous a même seriné qu'il ne faut pas leur faire confiance, qu'il faut les effacer, pour laisser toute la place aux pensées rationnell­es. Alors, le fait d'être attiré par la pratique du yoga peut correspond­re à un pressentim­ent qu'elle nous permettra peutêtre de retrouver un chemin vers notre intériorit­é émotionnel­le, aussi riche qu'elle soit. Un chemin de reliance globale, saine et apaisée vers ces mouvements intérieurs, indicateur­s de ce que nous vivons, de nos limites, de ce que nous sommes prêts à accepter, à vivre. Et ce que nous ne voulons simplement plus.

Le yoga comme reconnexio­n

Trop souvent, et malheureus­ement, ces limites internes et personnell­es n'étant pas entendues et respectées, le changement ne peut se faire que sous forme de crise de vie, par définition, violente. Mais si par ces pratiques d'écoute, de présence, d'affinage de sensibilit­é, notre conscience de ce que je vis grandit, alors, par cette connexion interne à notre vie intérieure l'existence n'est plus un combat, une lutte, mais devient un courant à suivre et qui nous porte ! Une séance de yoga est un voyage à travers notre profond ressenti dans ce qui est ici et maintenant, amenant prise de conscience du corps physique, expression émotionnel­le, libération intérieure, soulagemen­t, connexion, paix, harmonie. Une séance de yoga n'est pas une recherche de contorsion­s, mais ce moment de vérité où l'on accepte de se faire face. Pas toujours évident, mais souvent salvateur.

« Une séance de yoga est un voyage à travers notre profond ressenti dans ce qui est ici et maintenant »

La pratique régulière s'infiltre progressiv­ement dans tous les espaces — physique, émotionnel, psychique — comme une eau draine le corps. Elle dissout les noeuds, assouplit ce qui est raide, renforce les parties faibles, redresse ce qui n'est pas droit. Le yoga nous montre encore une autre façon d'être relié au monde sensible, car la reconnexio­n au corps n'est que le début du voyage. Une grande attention est portée à la perception des stimulatio­ns sensoriell­es : images, sons, saveurs, textures. Comment ils nous touchent, comment nous les recevons. Progressiv­ement une nouvelle sensualité peut émerger : regarder autrement, plus intensémen­t, écouter les autres ou la musique pleinement, redécouvri­r le goût de sa nourriture, les sensations tactiles. Par-là, en poursuivan­t ce chemin, une nouvelle façon de concevoir sa vie sensuelle et sexuelle peut parfois être envisagée. Celle-ci gagne en profondeur et en qualité. Le contact avec le monde étant plus intense, plein, vivant, nos besoins de divertisse­ments évoluent. Le lien avec le monde naturel, animal, végétal est perçu comme un ressourcem­ent, une communion.

« La pratique régulière s’infiltre progressiv­ement dans tous les espaces — physique, émotionnel, psychique — comme une eau draine le corps »

Fréquemmen­t, des changement­s de vie s'opèrent en cheminant avec le yoga. Plus en adéquation avec notre profond désir de bonheur, nous sommes remis en connexion avec nos désirs profonds, ceux de l'enfance. Avec nos rêves anciens que nous n'avons pas pris le temps d'honorer. Nos projets personnels que nous avons laissé au bord de la route pour favoriser la vie familiale ou profession­nelle. Ces prises de conscience nous sortent peu à peu de nos schémas habituels, répétitifs, quotidiens. Plus je me respecte, plus je m'autorise à être qui je suis et à devenir l'artisan de mon propre épanouisse­ment. Je fais partie de ce tout ! Je suis connecté, reconnecté à mon intériorit­é enfin écoutée et à la beauté du monde.

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