MA SADHANA
La puissance du silence comme expérience intime
IL Y a les silences creux et les silences saturés de plein. Les silences subis qui ennuient, les silences choisis qui ressourcent. Il y a ces silences qui en disent plus sur soi que n'importe quel enseignement. Il y a ces silences saturés d'amour, les silences sacrés, si rares, et les silences atterrés.
Qui ne ressent pas le besoin de revenir au calme lorsque le fracas du monde nous étourdit, lorsque la radio déblatère ses informations brutales et terribles ? Revenir au silence pour laisser émerger le sens derrière les apparences est alors un acte essentiel et vital, qui me mène en douceur à ma petite voix intérieure, la guidance, avec laquelle je décèlerai peut-être la raison cachée du désordre, de cet événement qui a heurté ma sensibilité.
Lorsque j'allume la télévision et tombe sur une chaîne d'information, je vois généralement des invités sur un plateau débattant et s'invectivant, leurs échanges sont aussitôt repris sous forme de punchline et diffusés en boucle sur un bandeau au bas de l'écran. L'écoute pleine, entière, détachée, attentionnée sans interruption de son interlocuteur semble hors de portée à ces experts, qu'ils soient politiques, philosophes, médecins, scientifiques, pressés aussi par des journalistes aux aguets.
Dans ce contexte, le silence en tant qu'absence de réponse rapide, est synonyme d'ignorance, de vide et d'anéantissement. Le monde des médias donne parfois l'impression d'une gigantesque émission de télé-réalité dans laquelle chaque image, chaque phrase est disséquée, exploitée et vidée de son sens. Au même titre que les objets, nous vivons une époque dans laquelle les mots doivent être utiles, mordants, frappants et impactants.
Le silence est alors une renaissance bienfaisante qui nous rappelle à l'éternité. Revenir au silence demande de se joindre à l'ineffable, de sortir de l'ordinaire pour s'établir dans ce qui est au-delà des apparences humaines et sociales. Il est puissance.
Je me plais à imaginer ce que serait un débat où chacun prendrait le temps de revenir à lui-même, en inspirant profondément, en laissant tranquillement filer les secondes pour trouver la parole et les mots justes. L'inspiration en sanskrit se nomme apana parce qu'elle descend dans le coeur. Elle est similaire à la lune parce qu'elle est fraîcheur de vie. Dans le silence intérieur, nous reprenons notre souffle.
La sagesse taoïste parle ici de la véritable action, qui trouve son origine dans les profondeurs du soi. Ce qui est bien différent de la réaction à laquelle nous sommes soumis pour une grande partie d'entre nous. Dans une conversation par exemple, nous avons tendance à parler pour répondre, pour justifier notre présence, d'avantage que dans un mouvement de création en lien avec l'autre.
Revenir sans cesse au silence intérieur, c'est revenir à soi au moment présent. Plutôt que de ressasser et répéter les mêmes concepts, les mêmes théories, les mêmes schémas comportementaux, tels un hamster dans sa roue reproduisant sans arrêt les mêmes mouvements, j'essaie d'apprendre à faire pur silence pour écouter.
Ecouter le message que mes profondeurs voudraient me faire passer, ici et maintenant. S'ouvrir au silence intérieur permet de rejoindre un espace de pure créativité.
Il est un temps de notre vie où nous apprenons à parler et un temps où nous apprenons à nous taire. L'écoute et le silence intérieur sont possibles même dans le brouhaha. Dans ce sens, le silence a la capacité à se mouvoir en force et en une puissante énergie même au milieu du bruit.
« Revenir au silence pour laisser émerger le sens derrière les apparences est un acte essentiel et vital »