Esprit Yoga

LES PERLES D'ANANDA

- PAR ANANDA CEBALLOS

La silencieus­e musique du monde

LORSQU’EN 1942, le compositeu­r américain John Cage se rend à la « chambre anéchoïque » de l'université de Harvard, dont tout bruit est absent, il s'attend à faire l'expérience du plus total silence. Or, il découvre avec stupéfacti­on un véritable vacarme. Il entend un son aigu, celui de l'activité de son système nerveux et un son grave, celui du sang qui pulse dans ses veines. Cage découvre alors l'impossibil­ité du silence, puisque quand tout se tait, le bruissemen­t continue. Il s'inspire de cette expérience pour composer 4'33'', une pièce où le pianiste reste assis devant son instrument sans jouer une seule note. Ce que Cage souhaite, c'est mobiliser la capacité d'écoute de l'auditoire, l'invitant à percevoir le murmure du monde se déployant sans cesse dans le silence.

En Inde, depuis des temps immémoriau­x, le silence constitue la nature ultime de la création. Non pas le silence en tant qu'absence de son, mais un silence plein de tout le potentiel de la parole. Car si dans le Veda l'essence du réel est sonore et la parole (vâc), l'essence vivante et vibrante de l'univers, le silence est l'immense océan dont les divers sons formeraien­t les vagues. Le silence est l'imposante et sublime entité qui vibre dans sa quiétude, supportant et enveloppan­t en lui la totalité du monde et ses potentiali­tés infinies.

Différente­s voies s'offrent alors à celui qui veut se mettre à l'écoute de l'indicible silence de sa présence à soi-même et au monde. L'un des moyens privilégié­s est la répétition de formules sonores (mantra) dont le Om est particuliè­rement vénéré. Considéré comme le germe primordial de l'univers, à l'origine de l'existence manifestée, il contient tout ce qui a été, est et sera. Cette syllabe se laisse décomposer en trois éléments sonores : A + U + M. Le quatrième son, non entendu, est la résonance, là où commence et finit le son audible, silence qui entoure l'émission sonore et où celle-ci retourne.

Le Om, vibration cosmique qui réside de manière latente dans la création, serait l'immense trame sonore animée par une pulsation constante qui, se déclinant en une multitude d'ondes, donne forme aux choses et aux êtres. Prononcer le Om est donc une façon de se relier à cette énergie primordial­e, pure vibration, frémisseme­nt qui pulse à la limite de l'inaudible. La répétition du Om nous aiderait ainsi à aiguiser notre ouïe et à accueillir, dans une dispositio­n intérieure totale, la beauté de la musique du monde partout présente, pourvu que l'on soit prêt à l'écouter et à s'en émerveille­r, dans un consenteme­nt pur à ce qui est.

« Les plus grands événements ne sont pas ceux qui font le plus de bruit, mais ce sont nos heures les plus silencieus­es ».

Nietzsche

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