YOGA NIDRA
Pratique de silence intérieur par excellence, le Yoga Nidra connaît une popularité croissante et nous apporte apaisement et discernement face aux tumultes du monde extérieur et intérieur.
Vers le silence du mental
«L
E PLUS grand silence, c'est de l'ordre intérieur, quand le mental se tait », énonce d'emblée Micheline Flak, fondatrice du Centre Culturel de Yoga en 1977 à Paris. Celle qui a été pionnière et a ouvert la voie du Yoga Nidra en France après s'être formée auprès de Swami Satyananda, explique comment cette discipline permet de calmer le vacarme incessant du mental. « Nous avons un désordre en dedans, un chaos dont les neurophysiologistes nous disent qu'il est constant. La pratique de Yoga Nidra vient calmer ces ondes erratiques pour nous faire goûter le silence et toucher la notion juste de méditation ». Allongés en posture de savasana, les pratiquants sont guidés dans un état hypnagogique à travers diverses étapes codifiées (qui varient en fonction des écoles) pour atteindre un état entre l'éveil et le sommeil ; ce afin d'amener la relaxation sur les trois plans : physique, mental et émotionnel. Une pratique d'intériorisation qui suit les huit membres du Raja Yoga défini par Patanjali à partir du retrait des sens (Pratyahara) pour cheminer vers les étapes supérieures de Dharana, Dhyana et peut-être — pourquoi pas — Samadhi ?
Un cheminement vers le silence de béatitude
Dans son livre de référence intitulé Yoga Nidra, Swami Satyananda, le premier à codifier cette pratique, affirme qu'il s'agit bien là d'une « technique qui peut être utilisée pour éveiller des facultés divines, et un moyen d'entrer en samadhi ». Par le silence et l'attention « nous essayons de devenir attentifs aux états subconscients et inconscients et à terme, d'entrer dans un état de supra-conscience ». En d'autres termes, d'éteindre les fluctuations permanentes du mental.
Comme le développe Corinne Caraës, professeure de yoga et intervenante au côté de Micheline Flak, une séance de Yoga Nidra est un voyage « de la matière au subtil à travers les cinq koshas (les enveloppes du corps) pour arriver, peut-être, à Anandamaya : le kosha de la spiritualité ou pure félicité ». Le Yoga Nidra voyage ainsi à travers les strates du corps physique, énergétique, mental, de l'intellect jusqu'au corps de béatitude où se loge le silence pur : la porte d'entrée pour aller vers l'arrêt ou la suspension des fluctuations du mental. Il s'agit d'un cheminement structuré vers le silence dans le but d'atteindre le silence intérieur et de faire l'expérience de la méditation ». On touche alors à un état de conscience pure, un espace liminal, entre l'éveil et le rêve, entre le présent, le passé et le futur, mais aussi un espace en soi. On passe alors bien au-delà de la relaxation, dans une technique de profonde méditation qui apporte la compréhension d'un état qui s'apparente à l'état rêvé, du contact avec soi-même au niveau profond. La dimension du silence est ici celle de la béatitude.
Goûter à la joie de l’être
Pour Pierre Bonnasse, enseignant principalement en Inde et auteur de deux ouvrages sur le Yoga Nidra, l'engouement grandissant pour cette discipline vient de l'urgence de se reconnecter à la dimension sacrée de l'existence : « les gens sont en perte de repères, ils ont peur, les avis sont contradictoires, ils se déchaînent sur les réseaux sociaux par manque de silence intérieur, par identification à de la doctrine ». La pratique de Yoga Nidra permet de contrebalancer le boucan extérieur et intérieur et de favoriser cette quête de sens : « même ceux qui n'ont pas de connaissances du yoga ou n'ont jamais pratiqué arrivent à décrocher, à goûter au contentement, à la joie d'être, à une saveur indépendante, inaffectée par ce qu'il se passe ».