Hermés Garenger
HERMÈS GARANGER
Lama et productrice de télévision, un parcours d’exception
Productrice de télévision, à 47 ans, Hermès Garanger cumule plus de 30 000 h de méditation. Elevée dans un monastère bouddhiste en Bourgogne, elle décide à l'âge de 15 ans d'entrer dans une retraite de 3 ans, 3 mois et 3 jours… sans contact avec l'extérieur ! Une expérience d'exception qui lui a forgé un mental solide et un coeur ouvert.
ESPRIT YOGA : À 15 ans, vous commencez une retraite de 3 ans dans un monastère. À l'issue de cette retraite, à 19 ans, vous obtenez le titre de lama. Qu'est-ce qu'un lama ? En quoi consistait votre retraite ?
HERMÈS GARANGER : Un lama est un enseignant du bouddhisme tibétain, c'est un titre religieux pareil à celui de rabbin ou de prêtre. Cette retraite est traditionnelle, c'est-à-dire qu'elle est pratiquée depuis des centaines d'années au Tibet. Nous sommes enfermés avec des personnes qu'on n'a pas choisies, en l'occurrence 10 femmes de 15 ans et demi à 70 ans de nationalités différentes. Une des règles consistait à dormir assise pour conserver la clarté et la concentration de la journée. Dormir assise permet de voir si on garde le contrôle de notre esprit sur nos rêves. J'ai mis longtemps après la retraite à dormir allongée. Nous méditions 14 h par jour, de 4 h du matin à 22 h 30, dans notre cellule de 9m², et à chaque fois, on méditait sur un thème particulier pendant plusieurs semaines : les émotions, la colère, l'impermanence, le lâcher-prise, la bienveillance, la patience, la compassion, la générosité…
« Méditer, c’est donner des vacances à son esprit »
E. Y. : Vous êtes aujourd'hui productrice de programmes télévisés, en quoi votre expérience de retraite vous a-t-elle soutenue dans votre vie professionnelle ?
H. G. : Je n'ai jamais passé une journée depuis sans méditer au minimum une heure par jour. En revenant au calme, les choses s'apaisent, je perçois ce qui a été agité dans la journée : la prise de décisions, le relationnel. Je me ressource dans cette conscience pure, le soleil est derrière la tempête et les nuages. Cette expérience m'a apportée la détermination, l'autodiscipline et la maturité. Ma détermination a été renforcée par la méditation. La pratique a développé la concentration, la présence, l'écoute, l'humanité, la bienveillance et la créativité. J'ai eu la chance de développer ces qualités à l'adolescence alors que c'est une période où souvent on les perd. Ma capacité d'adaptation m'a servi dans ma vie professionnelle. Quelles que soient les circonstances, je suis aussi bien sur un plateau télé qu'avec des moines dans un monastère.
E. Y. : Comment prenez-vous des décisions ?
H. G. : Je ne m'en réfère à personne d'autre qu'à moi-même. J'ai tendance à me mettre en silence, en retrait. Je ne prends pas de décision avec la tête et le mental, c'est le ressenti qui prime. Il n'y a pas de stratégie dans ma réponse. Parfois on me le reproche car accepter cela pourrait servir ma notoriété, ma renommée, comme l'offre d'intervenir devant une centaine de médecins à l'autre bout du monde… Mais pourquoi devrais-je accepter s'il n'y a pas de cohérence avec ce que je suis ? Sous l'effet du silence et du retrait, la réponse vient comme une évidence. Je ne me préoccupe ni du regard des autres, ni de l'image que cela renvoie, ni des quand dira-t-on, le monde extérieur n'a pas d'emprise sur moi. J'ai cette liberté, enfin j'espère, d'être libre des émotions et des jugements des autres, de ce que ma décision pourra créer, et libre de mes frustrations et de mes émotions si je dis non.
E. Y. : Qu'est-ce que la méditation selon votre pratique ? Quelle importance tiennent les valeurs comme la bienveillance, la patience ? Comment cela s'applique t-il dans vos choix quotidiens ?
H. G. : J'aime bien cette phrase « Méditer, c'est donner des vacances à son esprit » car cela évoque quelque chose de joyeux, davantage qu'être dans l'instant présent. Toute la journée notre cerveau cogite. À quel moment s'autorise-t-on à se laisser aller et d'arrêter de penser à demain ? Donner des vacances à son esprit, c'est donner des vacances à tout son être. Car penser en continu provoque de la fatigue. Ça me semble important de rappeler cette légèreté, cette tendresse. Pour se ressourcer, il est plus intéressant de s'accorder 3 minutes de temps à soi-même plutôt que d'attendre les 5 semaines de vacances annuelles. Méditer, c'est aussi transformer le négatif en positif, en basculant de la colère à la bienveillance, en profitant de ces minutes pour développer la patience, la bienveillance, en pensant à celui ou celle qu'on aime le plus au monde et ressentir l'amour parcourant tout notre être.
E. Y. : Est-ce que l'attention est différente de la conscience ?
H. G. : La conscience, c'est le mental à l'état pur, calme, clair. On a très peu accès à cette conscience, cet état de clarté, limpidité, pureté ; quand on pose ce mental grâce à la méditation, il est possible de la percevoir. La conscience, c'est une pleine lune sans nuage, belle, ronde, lumineuse, omniprésente. La méditation est un entraînement pour être dans cette conscience. C'est être présent à 3 000 %. En regardant, en écoutant, on développe la neuroception, qui désigne la faculté de percevoir les émotions des autres.
« Sous l’effet du silence et du retrait, la réponse vient comme une évidence »
E. Y : Entrer en méditation, c'est d'abord faire acte de silence. Que vous apporte le silence ? Y a-t-il différentes sortes de silence ?
H. G : Dans le bouddhisme tibétain, le silence est très présent dans le sens où on reçoit un enseignement d'un maître, puis on va laisser chacun basculer en méditation pour intégrer l'enseignement. Il est important d'avoir de l'espace dans sa méditation, j'ai envie de découvrir mes paysages intérieurs seule. Il faut pouvoir laisser goûter la pomme et non attendre qu'on nous explique le goût. Le silence est ressourçant et est une invitation à l'écoute intérieure pour mieux nous connaître.