ENSEIGNER UN YOGA SENSIBLE AUX TRAUMATISMES
La recherche démontre que l'impact sur notre santé des traumatismes et du stress prolongé est plus important qu'on ne le pensait. Le yoga peut aider à inverser ces effets nocifs.
Prendre en compte le vécu des élèves
NOUS VIVONS presque tous avec des traumatismes, plus ou moins grands, et plus ou moins récents. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui nous attire vers la pratique du yoga. Qu'il s'agisse d'événements ponctuels ou répétés dans le temps, les traumatismes activent des réactions de notre système nerveux pour nous aider à nous protéger. Le traumatisme se produit lorsque nous nous sentons pris au piège dans une situation physiquement ou psychologiquement menaçante. L'une des possibles conséquences de cet état est la dérégulation du système nerveux, qui répond trop (hyper-excitation) ou pas assez (hypo-excitation).
Chez les enfants ayant grandi dans un état de stress important, on observe souvent des niveaux de cortisol (l'hormone sécrétée entre autres en état de stress) plus élevés, ce qui engendre des problèmes de tension artérielle élevée, des troubles de la concentration et du sommeil ou l'envie de manger beaucoup d'aliments gras et sucrés. Le stress prolongé affecte également le cerveau des enfants. L'hippocampe, par exemple, essentiel pour la mémoire et les apprentissages, rétrécit pendant des années après un événement traumatique. Le stress augmente également la probabilité de maladies respiratoires, de rhumes, de problèmes gastriques, d'inflammations, d'hypersensibilité (allergies, eczéma, asthme) et de maladies auto-immunes. La réponse du corps au stress peut même modifier la structure génétique de l'organisme, en activant ou en désactivant certains gènes.
L’apport du yoga
Une croissante documentation scientifique atteste de la capacité du yoga à contribuer à la guérison des traumatismes. L'exercice physique régulier augmente la libération d'une protéine active dans les parties du cerveau responsables de l'apprentissage et de la mémoire. Bouger construit non seulement nos muscles, mais aussi notre cerveau et aide le corps à comprendre les réponses appropriées à donner et à ne plus voir le danger partout. Tandis que le stress active la réponse « se battre / s'enfuir / s'immobiliser » liée au système nerveux sympathique, le yoga et la méditation activent le système nerveux parasympathique, qui contribue au repos et à la digestion, en diminuant le rythme cardiaque et la tension artérielle. Ceci agit directement contre les effets du stress dans le corps. Par ailleurs, la méditation élargit les artères, renforce le système immunitaire, améliore
la qualité du sommeil et diminue les niveaux de cortisol et le taux d'inflammation dans le corps.
C'est pendant les périodes « critiques » que l'on peut intervenir le plus efficacement pour réparer les dégâts du stress prolongé et des traumatismes : la période prénatale et la jeune enfance, quand le cerveau possède une grande neuroplasticité et la capacité de se réorganiser est maximale. Il existe également des « périodes sensibles » pendant lesquelles la neuroplasticité reste importante : l'adolescence, un nouvel amour, une grossesse, l'arrivée d'un bébé, ou encore des moments de la vie qui occasionnent des changements hormonaux. Par ailleurs, la plasticité neuronale est boostée par un bon sommeil, l'exercice régulier, une nutrition saine et la méditation. Soigner sa santé mentale et avoir des relations saines aident aussi à augmenter la plasticité cérébrale, à diminuer le taux d'hormones de stress et d'inflammation dans le corps, ou à ralentir le vieillissement cellulaire.
La yogini Vanda Scaravelli a été une pionnière dans l'approche du yoga centré sur l'écoute du corps. Cette approche peut apporter à l'élève plus d'autoconnaissance, de confiance en soi et de sensation de sécurité. « Ne dénigrez pas l'instinct du corps pour la fierté de la posture », disait-elle. Née en 1908 dans une famille connue de la scène musicale florentine, Vanda Scaravelli était pianiste avant de découvrir le yoga vers ses 40 ans. Elle devint alors une élève de B.K.S. Iyengar et une proche de Krishnamurti, qui séjournait régulièrement dans sa résidence toscane. Son yoga était spécialement libérateur car il partait du présupposé que « chaque corps a ses propres besoins ». Elle aimait répéter que « le mouvement est la chanson du corps, et le corps a sa propre chanson ».