Esprit Yoga

ENSEIGNER UN YOGA SENSIBLE AUX TRAUMATISM­ES

La recherche démontre que l'impact sur notre santé des traumatism­es et du stress prolongé est plus important qu'on ne le pensait. Le yoga peut aider à inverser ces effets nocifs.

- PAR KARIN FLORMAN

Prendre en compte le vécu des élèves

NOUS VIVONS presque tous avec des traumatism­es, plus ou moins grands, et plus ou moins récents. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui nous attire vers la pratique du yoga. Qu'il s'agisse d'événements ponctuels ou répétés dans le temps, les traumatism­es activent des réactions de notre système nerveux pour nous aider à nous protéger. Le traumatism­e se produit lorsque nous nous sentons pris au piège dans une situation physiqueme­nt ou psychologi­quement menaçante. L'une des possibles conséquenc­es de cet état est la dérégulati­on du système nerveux, qui répond trop (hyper-excitation) ou pas assez (hypo-excitation).

Chez les enfants ayant grandi dans un état de stress important, on observe souvent des niveaux de cortisol (l'hormone sécrétée entre autres en état de stress) plus élevés, ce qui engendre des problèmes de tension artérielle élevée, des troubles de la concentrat­ion et du sommeil ou l'envie de manger beaucoup d'aliments gras et sucrés. Le stress prolongé affecte également le cerveau des enfants. L'hippocampe, par exemple, essentiel pour la mémoire et les apprentiss­ages, rétrécit pendant des années après un événement traumatiqu­e. Le stress augmente également la probabilit­é de maladies respiratoi­res, de rhumes, de problèmes gastriques, d'inflammati­ons, d'hypersensi­bilité (allergies, eczéma, asthme) et de maladies auto-immunes. La réponse du corps au stress peut même modifier la structure génétique de l'organisme, en activant ou en désactivan­t certains gènes.

L’apport du yoga

Une croissante documentat­ion scientifiq­ue atteste de la capacité du yoga à contribuer à la guérison des traumatism­es. L'exercice physique régulier augmente la libération d'une protéine active dans les parties du cerveau responsabl­es de l'apprentiss­age et de la mémoire. Bouger construit non seulement nos muscles, mais aussi notre cerveau et aide le corps à comprendre les réponses appropriée­s à donner et à ne plus voir le danger partout. Tandis que le stress active la réponse « se battre / s'enfuir / s'immobilise­r » liée au système nerveux sympathiqu­e, le yoga et la méditation activent le système nerveux parasympat­hique, qui contribue au repos et à la digestion, en diminuant le rythme cardiaque et la tension artérielle. Ceci agit directemen­t contre les effets du stress dans le corps. Par ailleurs, la méditation élargit les artères, renforce le système immunitair­e, améliore

la qualité du sommeil et diminue les niveaux de cortisol et le taux d'inflammati­on dans le corps.

C'est pendant les périodes « critiques » que l'on peut intervenir le plus efficaceme­nt pour réparer les dégâts du stress prolongé et des traumatism­es : la période prénatale et la jeune enfance, quand le cerveau possède une grande neuroplast­icité et la capacité de se réorganise­r est maximale. Il existe également des « périodes sensibles » pendant lesquelles la neuroplast­icité reste importante : l'adolescenc­e, un nouvel amour, une grossesse, l'arrivée d'un bébé, ou encore des moments de la vie qui occasionne­nt des changement­s hormonaux. Par ailleurs, la plasticité neuronale est boostée par un bon sommeil, l'exercice régulier, une nutrition saine et la méditation. Soigner sa santé mentale et avoir des relations saines aident aussi à augmenter la plasticité cérébrale, à diminuer le taux d'hormones de stress et d'inflammati­on dans le corps, ou à ralentir le vieillisse­ment cellulaire.

La yogini Vanda Scaravelli a été une pionnière dans l'approche du yoga centré sur l'écoute du corps. Cette approche peut apporter à l'élève plus d'autoconnai­ssance, de confiance en soi et de sensation de sécurité. « Ne dénigrez pas l'instinct du corps pour la fierté de la posture », disait-elle. Née en 1908 dans une famille connue de la scène musicale florentine, Vanda Scaravelli était pianiste avant de découvrir le yoga vers ses 40 ans. Elle devint alors une élève de B.K.S. Iyengar et une proche de Krishnamur­ti, qui séjournait régulièrem­ent dans sa résidence toscane. Son yoga était spécialeme­nt libérateur car il partait du présupposé que « chaque corps a ses propres besoins ». Elle aimait répéter que « le mouvement est la chanson du corps, et le corps a sa propre chanson ».

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