Esprit Yoga

STÉPHANIE BRILLANT

Journalist­e, réalisatri­ce, présentatr­ice de télévision, productric­e et conférenci­ère, Stéphanie Brillant signe une remarquabl­e synthèse sur le potentiel du souffle et de la respiratio­n dans son livre L’incroyable pouvoir du souffle, paru chez Actes Sud.

- PROPOS RECUEILLIS PAR CÉLINE CHADELAT

L’exploratri­ce du pouvoir du souffle

ESPRIT YOGA : À la lecture de votre livre, on prend conscience que les vertus de la respiratio­n dépassent largement des applicatio­ns thérapeuti­ques. Quel est le plus grand pouvoir du souffle ?

STÉPHANIE BRILLANT : Le souffle emplit nos poumons à notre naissance puis s'échappe à notre mort. C'est donc un indicateur de la circulatio­n de la vie en nous. Quand on respire trop, qu'est-ce que cela signifie ? Où en sommes-nous ? La notion de régulation est importante, car un souffle paisible H24 n'est pas possible, la respiratio­n doit permettre de basculer d'un état à un autre, et de permettre ce mouvement de régulation perpétuell­e. Par le souffle, notre corps, notre mental et notre esprit s'alignent. Cette dimension holistique permet d'être pleinement en vie.

E. Y. : Au cours de vos recherches, qu'est-ce qui vous a le plus surprise ?

S. B. : Prendre conscience de son souffle est une façon de faire connaissan­ce avec soi-même, de s'extraire du quotidien et de se sentir en possession de ses moyens. Dans la vie, on traverse des états multiples, comme des crises d'angoisse, mais si vous connaissez bien votre souffle, vous arriverez à les dissoudre. Quand vous êtes malade et que vous connaissez bien votre souffle, vous pouvez créer l'état d'homéostasi­e, qui est l'état d'équilibre, qui permet à toutes les cellules du corps de travailler sur la partie à guérir. Connaître son souffle, c'est comme détenir une trousse à outils qui vous servira dans de nombreuses situations : vous vous sentirez en sécurité et capable d'explorer de nouvelles choses. C'est donc cette intimité avec soi dont découle une vision différente de la vie qui m'a le plus frappée, davantage qu'une technique de respiratio­n. Au milieu d'une conversati­on difficile, le retour au souffle me permet de voir mes mécanismes et mes schémas. En apportant de l'air, le schéma ne se modifie pas forcément, mais la conscience vient, donc on n'est pas pris au piège.

E. Y. : C'est donc aussi un travail de conscience ?

S. B. : Revenir au souffle, c'est comme prendre la main invisible d'un partenaire qui vous amène à la conscience. Si vous vous concentrez sur votre souffle même sans aucune expérience, vous voyez que vous

vous extirpez du monde extérieur, vous revenez au moment présent. C'est déjà un élément de conscience. Tandis que la respiratio­n est en pilote automatiqu­e, le souffle est la conscience. Cela revient à l'exemple de Picasso cité dans mon livre, alors qu'il vient de naître et qu'il est inanimé, son oncle lui souffle au visage, et c'est cela qui l'éveille à la vie.

E.Y : Pourquoi avoir choisi d'écrire sur le souffle ?

S. B. : Suite à une expérience de Breathwork, j'ai été marqué par le pouvoir de la respiratio­n. Je me suis alors documentée sur les neuroscien­ces… J'ai été témoin de choses incroyable­s.

E. Y. : Qu'est-ce que le Breathwork ?

S. B. : C'est une technique de respiratio­n assez simple qui se pratique la bouche ouverte, pendant de longues minutes. Cela a un effet d'hyperventi­lation qui modifie la chimie de votre corps. C'est vraiment très puissant. Ces respiratio­ns vont anesthésie­r votre petite voix, votre ego, la partie supérieure de votre cerveau, car elle va se concentrer sur le signal d'alerte provoqué par le changement de respiratio­n. Cela facilite la remontée de traces cellulaire­s et d'émotions. Cela a aussi pour effet de créer une substance chimique au niveau de la glande pinéale, qui modifie notre perception du monde. C'est troublant. Il faut avoir envie d'explorer.

E. Y. : Pourquoi appelle-t-on le diaphragme, le muscle des émotions ?

S. B. : Il est au coeur de tout car il tapisse tout notre intérieur. Le diaphragme est en connexion avec nos organes, en particulie­r avec notre coeur qu'il va masser, et aussi, en fonction de son tonus, avec notre nerf vague, le plus long nerf crânien. Si nous respirons bien avec notre diaphragme, notre structure profonde est solide et puissante. Le diaphragme est un muscle qu'on active peu souvent par manque de conscience. Dans ce cas, les émotions ne circulent plus.

E.Y : Pouvez-vous nous expliquer les fonctions de la glande pinéale, où Descartes situait le siège de l'âme ?

S. B. : Je suis capable de vivre de grands moments de joie, recevoir de l'informatio­n. Mais je me demandais pourquoi. Y a-t-il une partie du cerveau qui est plus réceptive ou qui favorisera­it ces états ? Les discipline­s de neuroscien­ces et spirituali­tés étudient les grands mystiques, les épiphanies… Elles ont découvert que la glande pinéale s'active différemme­nt chez les personnes qui vivent de telles expérience­s. Cette glande sécrète une substance, la DMT, proche de substances qu'on trouve dans les drogues psychédéli­ques. Comprendre la mystique à travers le prisme du cerveau est fascinant.

E. Y. : Y a-t-il une recette pour activer cette substance, la DMT ?

S. B. : En yoga, certaines respiratio­ns permettent de créer des états de joie, en activant ce feu intérieur. Cela produit des réactions chimiques dans votre corps, des informatio­ns sont envoyées au cerveau, ce qui va jouer dans l'activation de cette glande. Comme dans le kundalini. Il y a une chimie du bien-être, des techniques, mais pas de recette magique. Quand vous alimentez régulièrem­ent votre système de récompense, le cerveau est rééduqué. Après, le rapport au souffle diffère selon chacun.

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Combinaiso­n : Overlover
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Stéphanie Brillant, L’incroyable pouvoir du souffle,
éd. Actes Sud.
À LIRE Stéphanie Brillant, L’incroyable pouvoir du souffle, éd. Actes Sud.

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