Les arts fêtent le printemps
Dans le cadre du festival Un sacre du Printemps *, les Ballets Willy Max chorégraphient Le Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky dans sa version pour deux pianos. Répétition dans la Chapelle du Conservatoire.
Six mois de travail et beaucoup de défis. « Cette proposition nous sort complètement de notre zone de confort ! » avouent Mathilde Laot et JeanFrançois Michel, danseurs, chorégraphes et directeurs artistiques des Ballets Willy Max. La proposition en question leur a été faite par Bruno Boterf, le ténor ébroïcien aux commandes de l’Ensemble Ludus Modalis et du Choeur Ars Viva : « Je leur ai d’abord proposé de chorégraphier quelques extraits, puis, rapidement, l’ensemble de l’oeuvre ! » Après tout, Le Sacre du Printemps est avant tout un ballet, chorégraphié originellement par Vaslav Nijinski pour les Ballets Russes de Serge de Diaghilev. « Splendide oeuvre orchestrale, elle a dans un premier temps été imaginée pour deux pianos, et c’est dans cette version monolithique et rythmique qu’elle sera présentée en création chorégraphique ».
Un habillage contemporain
« Ce matériau sonore, percussif et épuré dans sa version originale pour deux pianos, nous a particulièrement intéressés. La musique est souvent le point de départ de nos créations et nous avons souhaité aborder cette oeuvre simplement, sans chercher à paraphraser le propos de Stravinsky mais en réagissant de manière instinctive à ce que nous entendions » détaillent les chorégraphes qui proposent donc un habillage contemporain de l’oeuvre composée en 1912.
L’interprétation par les pianistes Flore Merlin et Anne Le Bozec, toutes deux diplômées du Conservatoire national de musique et de danse de Paris, accompagnatrices de master classes renommées, en France et à l’international, permet de retrouver toutes les innovations rythmiques et mélodiques de Stravinsky, « avec peut-être une verdeur et une rusticité encore plus marquées que dans la version orchestrale » admet volontiers Bruno Boterf.
La fraîcheur de la jeunesse
« Les premiers moments de répétition nous ont confortés dans l’idée que cette oeuvre musicale portait en elle et exprimait une force émotionnelle et des tensions, proches des états de corps, des émotions et des énergies qui marquent notre danse depuis le début de notre parcours chorégraphique » approuvent Mathilde Laot et Jean-François Michel. « Les tensions habitent nos corps comme une lutte incessante, comme un désir d’en comprendre les paradoxes les plus profonds. Ainsi
Le Sacre exprime pour nous cette lutte mais aussi la joie, un lieu où force et fragilité ne s’opposent pas. »
Pour parer Le Sacre d’une nouvelle chorégraphie contemporaine faisant une place prépondérante à la fraîcheur et la juvénilité, Mathilde Laot et JeanFrançois Michel se sont entourés de quatre jeunes danseurs de la Compagnie Willy Max. Âgés de 14-15 ans, Clémence Sudre, Chloé Vuidel, Lilou Feuilloley et Roman Boterf sont rompus aux Rencontres chorégraphiques depuis 4 à 5 ans et passent désormais à l’étape supérieure. « C’est l’un des objectifs de la Compagnie d’encadrer nos jeunes danseurs et de les accompagner dans leur évolution ».
De nombreuses fois chorégraphiées par les plus grands, de Maurice Béjart à Pina Bausch en passant par Jean-Claude Gallotta ou Angelin Prejlocaj, la version des Ballets Willy Max reste sobre, tribale, axée sur le rythme imposé par l’oeuvre.
Plus de massacre
« La première parisienne de mai 1913 au Théâtre des Champs Élysée a causé de violentes réactions du public, que peu de créations ont suscitées depuis. Ces manifestations ont peut-être trouvé leur justification dans la musique âpre et sauvage de Stravinsky ou peut-être dans la chorégraphie non moins sauvage de Ninjiski ? L’explication ne réside-t-elle pas dans le fait qu’un public mondain peu habitué à être bousculé dans ses habitudes s’est senti agressé voire humilié par une danse et un univers sonore qu’il ne comprenait pas ? » Qualifié à l’époque par ses détracteurs de Massacre du printemps, le Sacre du printemps fait désormais partie des monuments musicaux incontournables du XXe siècle. « L’oeuvre ne choque plus et c’est par sa richesse et par son originalité qu’elle continue à nous surprendre ».