Jean-Luc Hees : « La presse locale, ça rend humble »
Sa voix éraillée, reconnaissable entre toutes, a été la signature de France Inter qu’il a dirigé de 1999 à 2004 avant de prendre la tête de Radio France de 2009 à 2014. Né à Évreux en 1951, Jean-Luc Hees vit dans l’Eure, entre Lisieux et Bernay. Venu présenter son ouvrage consacré à Hillary Clinton, il évoque le métier de journaliste.
Comment êtes-vous journaliste ? devenu
J’ai débuté à 18 ans comme pigiste à Normandie Matin, une ancienne édition régionale du Parisien. J’ai continué au Maine Libre, en parallèle avec de (modestes) études de Lettres à la fac du Mans. Je faisais plutôt les chiens écrasés et les noces d’or, mais j’adorais ça. J’étais payé 10 centimes la ligne publiée et cinq francs la photo. Il y avait une super ambiance, aucun esprit de compétition entre nous. C’était une bonne époque ! Tout le monde devrait faire de la locale, ça rend humble.
Que pensez-vous de l’évolution du monde médiatique ?
J’adore ce métier, mais je ne suis pas sûr d’aimer tous ceux qui le pratiquent. Je voulais écrire un petit bouquin qui se serait appelé « Le ravissement de soi-même », une critique gentille du monde médiatique, et puis mon éditeur m’a dit, «t’es dingue, comment vas-tu faire la promotion du livre ?» Je ne veux pas jouer les vieux cons, mais je suis très agacé quand je vois qu’on refuse la complexité des choses, qu’on travaille de plus en plus vite. Si on est journaliste, c’est pour servir à quelque chose, pas pour qu’Internet et les réseaux sociaux fassent la philosophie et le vote des gens ! Aux ÉtatsUnis, après l’élection de Trump, les journaux américains se sont dit, ouh la la, on n’a pas fait notre boulot. Et ils se sont remis à travailler. Au New York Times, ils ont recruté des journalistes, ouvert un deuxième bureau à Washington et gagné 250 000 exemplaires en plus chaque jour. Si les journaux arrivent à restaurer le crédit qui a foutu le camp, peutêtre qu’ils serviront encore à quelque chose.