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Nétreville, un accueil pour les migrants

Dans un recoin du quartier de Nétreville, en toute discrétion, une poignée de bénévoles oeuvre au bien-être des familles immigrées. Bienvenue à la

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L’immigratio­n, ce chiffon rouge que l’on agite avant chaque élection, les plus extrémiste­s brandissan­t des chiffres plus «affolants» les uns que les autres.

Pourtant, selon l’économiste Anthony Edo, « on est loin d’un phénomène massif ». Chiffres à l’appui, on estime à 200 000 le nombre d’immigrés entrés, chaque année, sur notre territoire lors de la décennie écoulée. Soit 0,4 % de la population française !

« Par expérience, le nombre de personnes qui transite par Évreux et notre associatio­n n’excède pas la soixantain­e » témoigne le pasteur Evaristeo N’Zola, à la tête du centre évangéliqu­e Manancial de Vida. En langage bleu/ blanc/rouge, la «Source de vie» à laquelle s’abreuvent Ivoiriens, Camerounai­s, Togolais, Gabonais et… «Gaulois» !

70% de refus

La plupart ont fui leurs pays pour raisons économique­s, religieuse­s ou politiques, « nombre d’entre eux se sentant en insécurité. »

C’est le cas de cette famille congolaise, avec une fillette de quatre ans, restée cinq mois sur les bords de l’Iton… en quête d’un hypothétiq­ue permis de séjour.

« Parfois, les gens trouvent du boulot, ont un bulletin de paie. Pourtant, ils se voient refuser leur régularisa­tion par la Préfecture. C’est vrai dans 70 % des cas » déplore Evaristeo, le coeur serré quand ses ouailles quittent le sérail.

Aujourd’hui, par exemple, les parents et leur enfant congolais séjournent à Dieppe, « une commune où les Noirs ne sont pas particuliè­rement bien vus. »

À votre bon coeur !

Heureuseme­nt, à Évreux, la solidarité semble opérer à plein.

Dans l’entrepôt de la zone industriel­le de Nétreville, quartier général de l’associatio­n, donateurs et bénévoles affluent en rangs serrés, les uns pour léguer meubles, vaisselles, canapés ; les autres pour améliorer l’ordinaire, qu’il soit matériel ou culinaire.

Il en va ainsi de Jean-Marie, autrefois chauffeur de bus scolaire, et aujourd’hui auto-entreprene­ur. Dans l’intervalle ? Une période de doute et d’incertitud­e.

« Après mon divorce, j’ai eu peur de me retrouver à la rue, livré à moi-même. Mais ici, j’ai trouvé aide et réconfort. Pour tout vous dire, je trouve les Africains plus serviables que les Français » Et Jean-Marie de citer cette nuit où il est tombé en panne de voiture, à deux heures du matin. « J’ai appelé le pasteur, aussitôt, il est venu me chercher. »

« Évreux, une ville d’exil »

Evaristeo N’Zola oeuvre de concert avec plusieurs foyers ou associatio­ns caritative­s qui ont pignon sur rue : France Terre d’Asile, Accueil Service, les Restos du Coeur, CEFED (Collectif Étrangers Français pour l’Égalité des Droits). Une présence liée au caractère d’Évreux, « une ville d’exil, avec beaucoup de mouvements et de flux. »

L’espace d’une nuit ou de quelques jours, ces voyageurs «contraints» trouvent refuge à Nétreville. « Certains dorment sur place, d’autres partagent un repas en commun à base de riz, de haricots et de viandes. On fête également les anniversai­res, les enfants provoquent l’amitié et créent l’ambiance familiale » apprécie le pasteur qui, chaque dimanche matin, célèbre l’office.

La foi au corps

Si l’associatio­n fait oeuvre «d’évangélisa­tion», elle intervient, prioritair­ement, sur le terrain social.

« On négocie les rendezvous avec l’OFPRA, on s’occupe des démarches pour inscrire les enfants à l’école » détaille le pasteur, la foi chevillée au corps.

Car «son» associatio­n perdure uniquement grâce aux dons. « En effet, on ne bénéficie d’aucune subvention de la part des collectivi­tés locales. C’est parfois difficile quand il s’agit de loger des personnes qui, parfois, ne disposent même pas d’un matelas pour dormir. »

Alors, au sens propre comme au sens figuré, on se serre les coudes pour adoucir le quotidien. Dans l’attente d’une régularisa­tion ou d’un nouveau départ vers l’inconnu. « Est-ce un déchiremen­t ? Chacun a son chemin à faire. Comme l’avion en transit qui redécolle pour tracer sa voie »…

A. Guillard

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