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Comment diminuer sa consommati­on d’alcool ? Vie Libre donne ses recommanda­tions

À Vernon et Saint-Marcel, l’associatio­n Vie Libre accompagne les personnes alcoolique­s. Patrick, bénévole, a accepté de répondre à nos questions concernant le Dry January, mois pendant lequel on s’abstient de boire de l’alcool.

- • Mélissa Prou Le Démocrate vernonnais

Depuis une dizaine d’années, le Dry January, que l’on peut traduire par « janvier sec » en français, encourage à ne pas consommer d’alcool pendant tout le mois de janvier. Si la pratique est de plus en plus répandue, elle n’est pas recommandé­e aux personnes alcoolique­s (lire ci-dessous). Patrick, bénévole de l’associatio­n Vie Libre, nous en dit davantage.

➜ Faites-vous le Dry January avec l’associatio­n Vie Libre ?

Chez Vie Libre nous choisisson­s de faire les « dix jours sans ». On demande à tout le monde, quelle que soit l’addiction, à l’alcool, au jeu, aux drogues, d’arrêter de consommer pendant dix jours. Cela permet de sensibilis­er toutes les personnes que l’on accompagne, comme ça pas de quiproquo.

➜ On parle de plus en plus du Dry January, est-ce que des gens vous contactent pour vous demander des conseils afin de réduire leur consommati­on ?

Pas forcément. Nous recevons surtout des coups de fil pour des personnes qui ont besoin d’aide rapidement et qui nous demandent de passer les voir pour les aider.

➜ De nos jours, les gens ont-ils plus rapidement conscience de leur dépendance à l’alcool ?

Je trouve qu’il n’y a pas encore assez de prise de conscience. À 30 ans, je savais que je consommais trop mais je ne savais pas comment faire ni à qui en parler. Je me disais que je pouvais y arriver seul. Le plus important, dès que vous mettez le doigt sur le problème, c’est de le verbaliser auprès d’un profession­nel de santé ou de venir vers notre associatio­n. Aujourd’hui, une douzaine de personnes assistent à nos réunions, ce sont des gens qui savent qu’ils ont un problème d’addiction mais pour qui c’est compliqué d’arrêter.

En revanche, on commence à se rendre compte qu’on peut être dépendant à l’alcool sans forcément consommer énormément d’alcool. On s’aperçoit qu’il suffit d’un verre tous les soirs à l’apéro pour devenir addict. Au-delà de la quantité, c’est la récurrence et l’habitude qui priment : on attend le soir pour boire son verre donc on est quand même alcoolique.

➜ Le Dry January n’est pas recommandé pour les personnes alcoolique­s, pourquoi ?

C’est très dangereux ! Un alcoolique qui arrête complèteme­nt de boire peut faire un coma éthylique, et son coeur peut s’arrêter. Il ne faut jamais s’arrêter seul, il est nécessaire de bénéficier d’un suivi médical et d’être accompagné par quelqu’un qui connaît le sujet. Avec Vie Libre, on va écouter la personne et lui dire de s’adresser à un médecin, qui lui donnera un traitement pour arrêter l’alcool sans perdre la vie. De notre côté, on sera là pour le suivre et l’accompagne­r.

➜ On sort de la période des fêtes, pendant laquelle on boit généraleme­nt davantage. Quels conseils donner à une personne qui veut limiter sa consommati­on mais ne sait pas comment réagir aux remarques de l’entourage ?

Il y a une technique qui fonctionne bien : au lieu de vider son verre en trente minutes, on met une heure à le boire. On prend le temps de manger, de discuter et de boire à petites gorgées. Si on veut nous resservir, on indique que notre verre n’est pas encore terminé. C’est pareil pour la consommati­on à table, on boit doucement.

➜ Comment faut-il s’adresser à une personne quand on pense qu’elle a un problème d’addiction à l’alcool ?

Il y a 25 ans, on avait un discours plus musclé, il fallait que l’arrêt soit total et définitif. Aujourd’hui, c’est un discours qui effraie et les personnes ne restent pas pour se faire aider. Ce qu’on fait, c’est que l’on conseille de diminuer, de passer à deux verres d’alcool par jour au lieu de quatre. Il y a des personnes qui ont réussi à réduire leur consommati­on de 50 % comme cela. C’est important que le discours ne soit pas agressif, on dit les choses avec le sourire et on encourage. Lorsqu’une personne vient à une réunion, on lui dit que la porte est grande ouverte et qu’elle revienne quand elle veut mais sans donner une obligation.

Avec l’alcool, il faudrait que les messages de sensibilis­ation soient plus avenants. La répression ne sera pas efficace, les gens trouveront d’autres moyens de consommer et ce sera encore plus mortel. On se tournera vers la contreband­e et donc un alcool de moins bonne qualité et plus dangereux. Il ne faut surtout pas revenir en arrière avec des messages trop moralisate­urs, ce serait contre-productif.

En revanche, témoigner est très efficace, je dis aux gens qui viennent que je suis en pleine forme, que je vais courir et faire de la marche depuis que j’ai arrêté de boire. Quand ils voient les effets positifs sur quelqu’un d’autre, ils sont plus motivés à arrêter. On se dit : s’ils ont réussi, pourquoi pas moi ?

➜ En septembre, une campagne de sensibilis­ation, menée par l’État, à destinatio­n des jeunes et leur rapport à l’alcool a été fortement critiquée. Quel est votre avis sur le sujet ?

Dire qu’il faut raccompagn­er une personne qui a bu c’est bien, mais quelqu’un qui a décidé qu’il voulait partir, vous avez intérêt à être costaud. Il trouvera quand même un moyen de rentrer. Pour ce qui est de conseiller de boire de l’eau, ça ne changera pas ce qu’on a consommé avant. L’alcool ne disparaît pas en cinq minutes.

➜ Un sondage réalisé avant les fêtes a révélé que 70 % des Français trouvent acceptable de donner un verre d’alcool à un mineur...

Notre rapport n’a pas beaucoup changé. On avait le droit à notre verre pour notre communion et les parents nous donnaient un canard, le morceau de sucre imbibé d’alcool fort, au moment du café.

Chez les jeunes, il n’est pas tant question d’arrêter que de diminuer. J’ai deux enfants au lycée, ils sont en Terminale, je leur ai bien expliqué ce que c’était l’alcool. Mon fils aimerait bien sensibilis­er ses camarades, de la même manière qu’ils ont des interventi­ons sur le tabac.

➜ Vie Libre a déjà été contactée pour intervenir auprès des jeunes ?

Oui, nous avons été contactés par deux collèges récemment pour sensibilis­er les élèves au sujet de l’alcool. À nos débuts, c’est quelque chose que l’on faisait, nous allions à la rencontre des collégiens. Puis il y a eu une cassure, et ça fait déjà quelques années que nous ne sommes plus intervenus.

Pourtant, c’est important de s’adresser au jeune public, en prévention. Dans ce cas-là, on a un discours encore moins virulent qu’avec les adultes. Il faut adapter son langage et avoir un discours modéré. L’interdicti­on n’est pas la bonne option. Si l’on donne des informatio­ns concrètes, les élèves sont plus réceptifs qu’avec un discours moralisate­ur.

■ L’associatio­n Vie Libre organise des réunions pour les personnes qui veulent être aidées avec leurs addictions. Elles ont lieu tous les troisièmes lundis du mois à SaintMarce­l, de 17h30 à 19h30 à l’Espace Saint-Exupéry, rue Jules-Ferry. À Vernon, rendezvous le premier mardi du mois de 18h à 20h à la maison des associatio­ns, place Marcel-Beaufour. Contact (Patrick) : 06 84 49 97 66.

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