Pour quelles raisons le bac de Quillebeuf est-il régulièrement arrêté?
Depuis le début de l’année, le bac de Quillebeuf a subi deux pannes importantes, interrompant la traversée vers Port-Jérôme. Une situation qui exaspère les usagers. Le directeur des bacs de Seine, Éric Petre, donne ses explications.
La colère monte chez les usagers du bac de Quillebeuf ! Les multiples arrêts exaspèrent les automobilistes, contraints d’emprunter le pont de Tancarville, actuellement en travaux. Outre le détour, les usagers doivent régler le péage du pont et faire preuve de patience aux heures de pointe.
Sur la page Facebook du comité de défense du bac de Quillebeuf, les habitants expriment leur mécontentement : « Ces pannes multiples et régulières sont véritablement insupportables pour tous les usagers mais aussi les commerçants pénalisés par une moindre fréquence», réagit Daniel. « Le bac est-il adapté à la traversée ? Le pilotage est-il formé à ce type d’équipement? Le bac est-il sous garantie? Allons-nous avoir un bac de remplacement?» s’interroge Olivia. « Quand ce n’est pas les grandes marées, ce sont les pannes, la maintenance, le manque de personnel .... », ajoute Thierry.
Une pétition en ligne
La colère est telle, qu’une pétition a été mise en ligne le 12 avril. Cette pétition, créée par Martin, a recueilli 43 signatures. «Le bac est vital pour tous les travailleurs qui traversent la Seine d’un sens ou l’autre tous les jours, nous en avons tous besoin et nous payons dans nos impôts un service qui n’est pas rendu! Je ne comprends pas qu’un bac qui est neuf puisse être arrêté aussi fréquemment ! »
Elle s’adresse aux élus : « Quelle solution comptez-vous apporter pour avoir un bac opérationnel ? Qu’avezvous prévu pour indemniser toutes ces personnes obligées de payer le pont de Tancarville matin et soir ? »
L’Éveil de Pont-Audemer
a fait les comptes : depuis le début de cette année, le bac de Quillebeuf a été arrêté à trente-deux reprises. Cela va de quelques heures à cause des grandes marées, de travaux en cale ou d’incidents techniques, à plusieurs jours en raison d’une panne de moteur. Cela avait été le cas entre le 20 et le 31 janvier. C’est ce qui est arrivé ces derniers jours puisque le bac est à l’arrêt depuis le 6 avril. « Malgré le remplacement des injecteurs, du turbo, de la culasse et l’ensemble des investigations, tests et essais menés depuis le début de la semaine [dernière] en présence du motoriste, le bac n’a pas pu être remis en service. En conséquence, il a été décidé de procéder au remplacement complet du moteur », indique le département de Seine-Maritime dans un communiqué. Les travaux de démontage du moteur en avarie ont débuté le vendredi 12 avril. Un moteur neuf, actuellement en stock sur le site du service technique des bacs de Yainville, a été acheminé lundi. « Sous réserve du bon déroulement des travaux, l’opération devrait être finalisée en milieu de semaine prochaine (cette semaine, NDLR) pour une reprise de l’exploitation dans les conditions normales à compter de jeudi 18 avril », ajoute le département.
Déterminer l’origine de la panne
Le directeur des bacs de Seine, Éric Petre, a accepté d’expliquer les raisons de ces multiples arrêts. S’il dit « comprendre le sentiment des usagers [du bac de Quillebeuf] », il estime que « le niveau de service est très correct puisque 93 rotations sur 100 ont été assurées en 2023, malgré les grèves liées à la réforme des retraites ». Il prévient également les automobilistes : « Il y aura toujours des arrêts. »
Si les usagers peuvent comprendre les courtes interruptions du service en raison du brouillard, des forts coefficients de marée ou de travaux en cale, qu’en est-il des pannes et de l’absence de bac de remplacement? Pour les techniciens, la principale difficulté est de déterminer l’origine de la panne pour ce bac mis en service en 2020. « La panne peut être mécanique ou électrique», poursuit Éric Petre. Cela peut prendre plusieurs jours. Si la pièce en question n’est pas en stock, il faut alors la commander, ce qui allonge le délai des travaux et de la remise en service.
Le bac 24 manque-t-il de fiabilité ? « Depuis sa mise en service, il y a eu peu de panne de moteur. Les quatre moteurs diesel sont régulièrement remplacés », répond le directeur. Une révision importante est réalisée au bout de 18000 heures d’utilisation. Éric Petre insiste sur l’usure de ces moteurs dernière génération américain : « Ces moteurs fonctionnent 6000 heures par an, en continue de 4 h 30 à 22 h 30 tous les jours. Leur régime n’est pas idéal, car ils tournent au ralenti lorsque le bac charge les véhicules, puis à pleine puissance lors de la traversée. »
Une fréquentation en baisse
Pourquoi n’y a-t-il pas de bac de remplacement en cas d’indisponibilité du bac 24? Dans le dernier cas, il était impossible de mettre en service le bac 13, car le ponton est occupé par le bac 24. « Nous mettons en service le bac de remplacement lorsque le bac 24 est longtemps arrêté, comme lors d’un arrêt technique programmé. Ce sera d’ailleurs le cas en juin prochain pour une période de quatre à six semaines. Nous avons toujours espoir de réparer le bac 24 rapidement », explique Éric Petre. Dernièrement, le bac de remplacement n’avait pas pu être utilisé puisque des « travaux importants sur les moteurs » ont été réalisés. Il est désormais prêt à reprendre la navigation.
Les usagers déplorent également un manque de communication sur les interruptions du bac. Des panneaux lumineux informent les automobilistes à la sortie de l’autoroute et sur la place du bac de Quillebeuf. Le directeur des bacs de Seine rappelle que depuis 2018, une application mobile (76pocket) a été mise en place par le département de Seine-Maritime. Le site Web inforoute 76 signale également les interruptions du bac.
Certains usagers du bac de Quillebeuf semblent résignés puisque sa fréquentation est en baisse par rapport aux années précédentes. Désormais, 1 800 véhicules empruntent chaque jour le bac en semaine (1500 véhicules le week-end) contre 2 000 auparavant.