L'UE demande aux réseaux sociaux de mieux lutter contre la désinformation
Ces lignes directrices, qui s'adressent aux plateformes en ligne comptant plus de 45 millions d'utilisateurs actifs dans l'UE - désignées comme "très grandes plateformes en ligne et moteurs de re‐ cherche" en vertu de la loi sur les ser‐ vices numériques (DSA) - définissent des mesures potentielles pour lutter contre les risques liés aux élections, les contenus créés par l'intelligence artificielle et les publicités politiques trompeuses.
Elles comprennent également des lignes directrices spécifiques concer‐ nant les élections européennes du mois de juin, alors que beaucoup anti‐ cipent un déluge de fausses informa‐ tions en ligne.
Bien que ces demandes ne soient pas juridiquement contraignantes, la Commission pourrait lancer des procé‐ dures formelles contre toute plateforme qui s'écarterait des dispositions de l'ASD sur les élections et le processus démocratique. L'exécutif européen pourrait ainsi infliger des amendes al‐ lant jusqu'à 6 % du chiffre d'affaires mondial aux plateformes et aux mo‐ teurs de recherche qui ne respectent pas les lignes directrices.
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Cette mesure s'inscrit dans le cadre d'un effort coordonné de Bruxelles pour mettre un frein au penchant de l'industrie pour l'autorégulation et pour forcer les grandes entreprises technolo‐ giques à mieux défendre les valeurs dé‐ mocratiques.
Un haut fonctionnaire de l'UE a dé‐ claré que les recommandations constituaient une réponse à la "me‐ nace" qui pèse sur l'intégrité des élections dans l'Union, notamment en raison du développement rapide de l'IA générative et de la diffusion de conte‐ nus "deepfake" trompeurs qui "sèment la discorde" dans les sociétés euro‐ péennes.
À titre d'exemple, en octobre der‐ nier, un faux enregistrement d'un can‐ didat aux élections slovaques affirmant qu'il avait truqué le vote est devenu vi‐ ral dans le pays.
Ce qui changera pour les plate‐ formes en ligne
Les plateformes devront désormais si‐ gnaler d'urgence les situations à haut risque dans le cadre d'un nouveau mécanisme de réponse aux incidents et coopérer avec les autorités euro‐ péennes et nationales, les experts indé‐ pendants et les organisations de la so‐ ciété civile pour faire face aux menaces émergentes.
Une autre préoccupation de la Commission concerne les systèmes de recommandation : l'utilisation de l'ap‐ prentissage automatique peut donner la priorité aux contenus susceptibles de semer la discorde, de nuire ou d'induire en erreur. Les lignes directrices exigent que les plateformes conçoivent doréna‐ vant ces systèmes de manière à donner aux utilisateurs "des choix et des contrôles significatifs sur leur flux".
L'exécutif est également préoccupé par la diffusion potentielle d'infor‐ mations électorales incorrectes par le biais de chatbots alimentés par l'IA, également connus sous le nom d'"hallucinations", ajoute le fonction‐ naire.
En 2023, une étude menée par les groupes à but non lucratif AI Forensics et AlgorithmWatch a révélé que Bing Chat de Microsoft - récemment rebap‐ tisé Microsoft Copilot - a répondu de manière incorrecte à un tiers des ques‐ tions relatives aux élections. Les er‐ reurs comprenaient de fausses informa‐ tions sur les dates des élections et les candidats, ainsi que des controverses inventées concernant les candidats.
Des garde-fous avant les élec‐ tions de juin
L'adoption des lignes directrices inter‐ vient à un moment crucial avant les élections européennes et fait suite à une période de consultation des pla‐ teformes, qui ont été invitées à donner leur avis sur le projet.
Plusieurs entreprises affirment qu'elles ont déjà introduit des garanties électorales avant le scrutin de juin. Google, Meta et TikTok ont mis en place des "centres électoraux" pour lut‐ ter contre la désinformation entourant le vote.
À partir du mois prochain, TikTok enverra des notifications à ses mil‐ lions d'utilisateurs européens pour les diriger vers un centre électoral intégré à l'application, où ils pourront trouver des "informations fiables et dignes de confiance" sur le vote, ainsi que des "conseils en matière d'éducation aux médias".
La Commission indique qu'elle tes‐ tera les règles avec les "plateformes concernées" à la fin du mois d'avril.
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Des limitations technologiques et humaines
Avec 370 millions d'électeurs se ren‐ dant aux urnes dans les 27 Etats membres en juin, Bruxelles craint que les ressources des plateformes ne soient sollicitées à l'extrême à cause d'un manque de modérateurs de contenu parlant couramment les 24 langues officielles de l'Union euro‐ péenne.
Par exemple, les derniers rapports de transparence de X montrent que l'entreprise n'emploie qu'un seul modé‐ rateur parlant couramment le bulgare, le croate, le néerlandais, le portugais, le letton et le polonais dans son équipe mondiale de 2 294 personnes. La plate‐ forme ne dispose d'aucun modérateur de contenu humain pour couvrir 17
des langues officielles de l'UE, dont le grec, le hongrois, le roumain et le suédois.
Cette complexité linguistique signi‐ fie que les élections européennes sont "particulièrement vulnérables", affirme le haut fonctionnaire.
Cette mesure intervient également au cours de la plus grande année élec‐ torale de l'histoire mondiale, plus de 2 milliards d'électeurs étant appelés à se rendre aux urnes en 2024 dans de nom‐ breux pays.
Le fonctionnaire de la Commission a reconnu que si la conformité à l'ASD est initialement "coûteuse", les plateformes pourraient ensuite facilement étendre ces mesures de protection dans le monde entier.