Voici les politiques climatiques les plus et les moins populaires en Europe
Le changement climatique sera l'un des thèmes qui domineront les campagnes électorales européennes cet été.
Mais lorsque les électeurs se ren‐ dront aux urnes, en juin, certains pensent que la lassitude les poussera à se tourner vers des candidats qui feront reculer les politiques climatiques, ré‐ duiront les ambitions en matière de cli‐ mat ou ignoreront totalement l'action environnementale.
Un nouveau rapport rédigé par des chercheurs de l'Université d'Oxford, de l'Université Humboldt de Berlin et de la Hertie School de Berlin a cherché à déterminer si cela était vraiment vrai.
Les chercheurs ont interrogé 15 000 personnes en Allemagne, en France et en Pologne pour savoir ce qu'elles pensaient des politiques clima‐ tiques actuelles. Les électeurs ont été interrogés sur la question de savoir s'ils pensaient que les mesures allaient trop loin ou pas assez. Ils ont également été interrogés sur 40 politiques spécifiques afin de déterminer lesquelles étaient les plus ou les moins populaires.
L'action climatique est "une prio‐ rité" pour la moitié des électeurs euro‐ péens Le climat va-t-il influencer les électeurs européens en juin prochain ?
Les auteurs du rapport affirment que leurs résultats réfutent les théories d'une "large réaction" anti-écologiste à l'approche de l'élection du Parlement européen de cette année.
Actions concrètes et préoccupa‐ tions climatiques
Le débat sur la politique environne‐ mentale de ces derniers mois a donné lieu à des spéculations selon lesquelles les Européens en ont assez des poli‐ tiques vertes. Les chercheurs ont ce‐ pendant constaté que ce n'était pas le cas dans les trois pays étudiés et qu'il n'y avait pas de réaction généralisée contre la politique climatique.
La plupart des personnes interro‐ gées souhaitent une politique clima‐ tique plus ambitieuse et sont prêtes à soutenir des mesures concrètes pour ré‐ duire les émissions. À la question de savoir si les politiques climatiques existantes sont déjà allées trop loin ou pas assez, une majorité - 57 % en France, 53 % en Allemagne et 51 % en Pologne - s'est prononcée en fa‐ veur d'une action supplémentaire.
Le soutien de la majorité à une po‐ litique climatique plus ambitieuse se reflète dans l'inquiétude des citoyens quant à l'impact du changement clima‐ tique sur leur vie. Environ 60 % des Polonais et des Allemands ont déclaré qu'ils étaient déjà affectés par le chan‐ gement climatique ou qu'ils s'atten‐ daient à l'être dans les cinq à dix pro‐ chaines années.
L'impact de la récente sécheresse et des pénuries d'eau potable fait grimper ce chiffre à 80 % en France.
Dans les trois pays, une minorité non négligeable s'oppose à une action climatique plus ambitieuse. Environ 30 % en Allemagne et en Pologne et un peu moins de 23 % en France.
Toutefois, les chercheurs affirment que ce groupe est "relativement stable dans le temps". Le nombre de per‐ sonnes opposées ne semble pas avoir changé par rapport à des enquêtes simi‐ laires menées en 2021 et 2022, malgré le récit d'une réaction croissante contre les politiques climatiques à l'approche des élections.
En outre, peu d'éléments indiquent que cette opposition est fondée sur des préoccupations matérielles telles que l'emploi, ajoutent-ils.
Quelles sont les politiques clima‐ tiques les plus et les moins popu‐ laires ?
Si une majorité de personnes sou‐ tiennent encore abstraitement une ac‐ tion ambitieuse, leurs opinions varient lorsqu'il s'agit de politiques climatiques concrètes.
Dans les trois pays, l'interdiction des voitures à moteur à combustion interne arrive en fin de liste. Les res‐ trictions réglementaires concernant le chauffage au gaz et au pétrole sont par‐ ticulièrement mal perçues en Alle‐ magne et en Pologne.
Comme dans les enquêtes précé‐ dentes, les électeurs se sont également montrés sceptiques à l'égard de la tari‐ fication du carbone, l'idée de mettre un prix sur les émissions étant particuliè‐ rement impopulaire pour le logement et les transports.
Les politiques les plus populaires sont les investissements dans les in‐ frastructures vertes, comme le réseau électrique ou les transports publics. Les électeurs soutiennent aussi générale‐
ment des stratégies telles que les sub‐ ventions destinées à aider les industries à forte consommation d'énergie à se décarboner ou à produire des technolo‐ gies d'énergie propre comme les éo‐ liennes et les panneaux solaires.
L'enquête a également révélé un soutien en faveur de l'interdiction des jets privés et - sauf en Pologne - des restrictions sur les vols court-courriers.
Dans l'ensemble, les politiques et les réglementations qui n'ont pas d'im‐ pact direct sur la vie quotidienne des citoyens ont tendance à être populaires. Ces mesures font peser la pression de la réduction des émissions sur les pou‐ voirs publics et les grandes entreprises plutôt que sur les consommateurs.
L'abandon des politiques vertes gagnera-t-il des électeurs ?
Si le discours actuel peut faire croire que revenir sur des politiques clima‐ tiques impopulaires est une victoire fa‐ cile, les auteurs du rapport affirment
que la réalité est plus compliquée que cela.
"Il serait erroné de prendre au pied de la lettre les diagnostics habituels sur le retour en arrière des écolo‐ gistes", écrivent-ils, car la plupart des électeurs sont toujours favorables à une politique climatique plus ambitieuse.
"Une campagne électorale euro‐ péenne au cours de laquelle les partis essaieraient de surenchérir pour savoir lequel d'entre eux réduira le plus ses ambitions en matière de climat ne fe‐ rait que fausser le diagnostic de la po‐ sition des électeurs sur la question", ajoutent les responsables du rapport.
Au lieu de cela, les auteurs af‐ firment que se concentrer sur des poli‐ tiques industrielles et d'investissement vertes plus fortes serait populaire. En ce qui concerne les politiques impopu‐ laires qui doivent être mises en oeuvre pour réduire les émissions, "la com‐ pensation est essentielle".
Quels que soient les pays et les par‐ tis, les électeurs sont moins opposés à l'action climatique si les gouverne‐ ments aident également les personnes les plus durement touchées par les me‐ sures.
"Les partis ne devraient pas gas‐ piller les mois à venir à surenchérir sur la manière de répondre à la lassi‐ tude imaginée à l'égard du climat, mais plutôt à rivaliser sur des recettes concrètes pour rendre l'économie plus verte", concluent les auteurs de l'étude.