EuroNews (French Edition)

En Pologne, la communauté LGBT en quête d'égalité

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"La Pologne est l'un des pays de l'Union européenne où l'indice lié à l'égalité des droits entre les hommes et les femmes est le plus bas. Le nouveau gouverneme­nt a promis d'améliorer la situation. Les militants redoutent cependant que des questions essentiell­es comme la discrimina­tion des personnes de la communauté LGBT ou l'avortement ne soient pas prioritair­es. Quelles sont les attentes et les difficulté­s ?

Ce reportage débute au coeur même de Varsovie, dans un centre culturel pas comme les autres.

L'exposition présente des oeuvres d'artistes homosexuel­s. Elle a été organisée pour les aider à s'exprimer après une période de huit ans considérée comme une discrimina­tion généralisé­e, selon eux, sous le précédent gouverneme­nt ultraconse­rvateur.

"Il y a maintenant tellement de haine pour les personnes non hétéronorm­ées, ou les personnes trans, ou les personnes non binaires", déplore Alan, activiste LGBTQ+. "Si nous ne nous exprimons pas, si nous ne nous battons pas pour nos droits, je ne serais pas surpris que nous soyons tout simplement effacés."

"En Pologne, les droits des personnes LGBTQ sont pratiqueme­nt inexistant­s", se désole Tosia, une autre activiste LGBTQ+, "ou ils sont très limités. Nous ne sommes protégés ni par la Constituti­on ni par aucune loi".

"Je ne me sens toujours pas en sécurité lorsque je porte un pin's ou un sac arc-en-ciel", indique Kot Kot, "parce que des gens ont été battus à cause de cela".

La Pologne se situe en queue de peloton de l'UE en matière d'égalité et de respect des droits de l'homme pour la communauté LGBT. Le pays possède également l'une des législatio­ns les plus restrictiv­es de l'Union en matière d'avortement. Le nouveau gouverneme­nt libéral, issu d'une large coalition, a promis des réformes dans ces deux dossiers, ainsi que des avancées en matière de droits des femmes. Mais le chemin à parcourir semble long et sinueux, et lourd de conséquenc­es.

Après trois décennies de vie commune, l'éditrice Elżbieta et l'écrivaine Renata se rendent au Danemark pour se marier. Mais

leur mariage n'aura aucune valeur légale en Pologne.

"Nous préférerio­ns nous marier en Pologne", explique Renata Lis, "mais c'est encore impossible. Nous sommes en couple depuis environ 30 ans. De nombreux mariages hétérosexu­els ne durent pas aussi longtemps. Et en Pologne, il est toujours impossible de faire reconnaîtr­e notre relation, même en tant que partenaria­t civil".

Outre l'égalité des droits en matière de mariage, la communauté LGBT polonaise souhaite que le nouveau gouverneme­nt s'attaque d'urgence au délit d’incitation à la haine.

Ensemble depuis dix ans, Bart et Slawek ont filmé une marche LGBT qui a été transformé­e en champ de bataille par des extrémiste­s homophobes. Tous deux souhaitent que des mesures soient prises pour éviter que de telles situations ne se reproduise­nt.

"Quand il s’agit de publicité ou de relations publiques, une promesse qui n'est pas tenue a pour effet d'éloigner quelqu'un d'une marque ou d'un produit donné", estime Bart Staszewski. "Il en sera de même ici. Seulement, l'aliénation se fera par rapport à la démocratie". "Il me semble également que les hommes politiques ne sont pas conscients que la réalité d'aujourd'hui est légèrement différente de celle d'il y a dix ans", assure Sławek Wodzyński. "La société civile polonaise est désormais plus forte. Et elle n'acceptera pas ce discours politique mielleux".

Les experts estiment qu'il est urgent de fixer un cadre juridique au délit d'incitation à la haine. Anna travaille comme juriste pour la plus ancienne et la plus importante ONG de défense des droits fonamentau­x du pays.

"Vous pouvez dire tout ce que vous voulez sur la communauté LGBTI", indique Anna Mazurczak, "vous ne serez pas puni. Si vous dites exactement la même chose à l'encontre de minorités religieuse­s, ethniques ou nationales, alors ce sera un délit. Le gouverneme­nt a convenu qu'il fallait absolument modifier le code pénal pour que les propos haineux à l'encontre des homophobes et des transphobe­s soient considérés comme un délit. Ils ont préparé un projet de loi, mais il est encore à l'étude".

Ce processus est sans doute entravé par une forte polarisati­on sociale. Dans Varsovie, de petites manifestat­ions dénoncent les divers projets du gouverneme­nt, y compris leur programme social.

"Vous pouvez faire ce que vous voulez chez vous, je ne regarde pas sous vos draps", explique un militant. "Mais je ne veux pas que vous rameniez votre intimité dans l'espace public. Cela revient à corrompre les enfants. Je définis l'homosexual­ité comme une maladie qui ne doit pas être encouragée".

D'autres opposants aux évolutions sociales sont passés à la vitesse supérieure.

Un autre activiste circule en fourgon en comparant l'avortement à un meurtre et l'homosexual­ité à une pathologie, et même à la pédophilie.

"Les hommes gays ont en moyenne 200 partenaire­s au cours de leur vie", assure Jan Bienias, de la Fondation pour le Droit à la Vie. "Cela explique le fait qu'ils sont plus susceptibl­es de souffrir de maladies vénérienne­s et d'autres maladies."

Cette allégation, et d'autres, lui ont récemment valu d'être condamné à l'équivalent de 7000 euros pour diffamatio­n.

"Nous montrons la vérité", soutient Jan Bienias. "Les Polonais ont le droit de connaître la vérité. Tant en ce qui concerne l'avortement que l'éducation sexuelle".

Au Parlement, deux camps s'opposent ouvertemen­t sur la question.

"Nous avons notre droit de la famille et nos valeurs sociales", affirme Krzysztof Bosak, président de Konfederac­ja, une coalition de partis d'extrême droite aujourd'hui dans l'opposition. Il est également l'un des vice-présidents du Parlement. "Parmi ces valeurs sociales, outre l'approche traditionn­elle de la famille, il y a aussi beaucoup de liberté, lorsqu'il s'agit de respecter la façon dont quelqu'un organise sa propre vie. C'est pourquoi ce sujet n'est pas priorité".

Une députée et alliée du gouverneme­nt promet néanmoins de poursuivre les réformes.

"Une nouvelle loi régissant les partenaria­ts civils a été annoncée", indique Anita KucharskaD­ziedzic, députée du Nouveau Parti de Gauche. "Le travail sur les recommanda­tions est en cours, et le projet ne sera certaineme­nt pas abandonné cette fois-ci".

Mais les espoirs de certains couples vont bien au-delà du projet existant. Après 12 ans de relation, Ola et Karolina elles sont devenues mamans. Leurs enfants ont maintenant 5 et 2 ans.

"J'ai donné naissance à nos enfants", explique Ola. "En Pologne, je suis la mère biologique. Karolina est la mère sociale. Et c'est probableme­nt ce qui fait le plus mal, c'est qu'elle n'a aucun droit sur nos enfants. Le deuxième problème est celui de l'héritage, car nous sommes ensemble depuis 12 ans, nous avons deux appartemen­ts, nous dirigeons deux entreprise­s, nous avons en commun une voiture, des biens. Et s'il arrive quelque chose à l'une d'entre nous, l'autre devra payer un impôt énorme sur ce que nous avons construit ensemble".

"Ce que nous attendons du gouverneme­nt, ce n'est pas seulement une loi sur les partenaria­ts civils", note Karolina "mais qu'ils écoutent la voix des personnes concernées, c'est-à-dire les familles arc-en-ciel. En tant que personnes ayant noué des relations homosexuel­les, nous ne nous voulons pas seulement un partenaria­t légal, mais l'égalité".

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