EVO (France)

PORSCHE 911 GT3

- Par DAN PROSSER Photos ET PATRICK GARCIA ASTON PARROTT

La nouvelle 911 GT3 propose désormais une boîte manuelle mais c’est en version PDK (donc la plus rapide) que nous l’avons essayée. Cette auto qui offre 500 ch et prend 9 000 tr/mn est simplement géniale.

LA PETITE LUMIÈRE BLEUE AU TABLEAU DE BORD TEMPÈRE VOTRE ENTHOUSIAS­ME. Les pneus avant toujours pas à températur­e ripent légèrement sur le bitume froid à la sortie du parking. Les larges pneus arrière en font de même et glissent d'un bon degré avant que l'électroniq­ue n'en reprenne le contrôle. Quand une auto est aussi attendue que la nouvelle Porsche 911 GT3, celle-là même que l'homme qui a assuré son développem­ent et celui des précédente­s GT3 affirme être la meilleure de toutes, la première chose que vous cherchez à faire lorsque vous vous retrouvez à son volant, après des mois de photos volées, de photos studio et une présentati­on à Genève, c'est de mettre le pied dedans. Mais voilà, le moteur et la boîte sont froids. Comme les pneus. Et les routes du parc Snowdonia et de notre Triangle brillent encore de la rosée

evo du matin. Vous inspirez alors profondéme­nt pour soulager votre frustratio­n, remuez vos épaules et vos jambes pour vous relaxer au fond de votre baquet. Il va falloir attendre encore un peu. En passant le panneau de fin de limitation de vitesse en agglomérat­ion, vous poussez gentiment la GT3 au-delà des 100 km/h, vous en savez déjà beaucoup à son sujet mais vous commencez à comprendre à quel point elle est excellente.

Pour commencer, la direction est tout simplement magnifique. Même si vous n'avez lancé l'auto que dans quelques enchaîneme­nts de courbes, vous savez déjà combien elle se montre directe et précise car vous avez senti ce petit volant tourner légèrement entre vos doigts au fur et à mesure que les g latéraux diminuaien­t doucement en intensité. Cette direction impression­ne tant dès les tout premiers kilomètres qu'en fait, vous la déclarez tout de suite

Quasi parfaite sur route comme sur circuit, la 911 GT3 n’a plus besoin d’être présentée. Mais elle est dorénavant de retour plus rapide et plus aiguisée que jamais, serait-elle plus que parfaite?

“meilleure direction à assistance électrique jamais rencontrée”. C'est aussi la plus intuitive. Il y a ensuite la lignée. Vous essayez de rester objectif mais cela ne dure pas car vous savez que la nouvelle GT3 est la dernière née d'une génération de supersport­ives absolument brillantes et sensationn­elles. Et vous êtes certain d'une chose : Porsche Motorsport ne trahira jamais cette lignée.

Vous ne l'avez conduite que sur cinq ou six kilomètres, vous n'avez même pas poussé le moteur au-delà des 3 000 tr/mn, mais vous savez déjà… La nouvelle 911 GT3 fait partie de cette race de voitures merveilleu­ses.

Vous êtres probableme­nt déjà familier de ses caractéris­tiques techniques mais je vais en répéter quelques-unes car trois ou quatre indication­s significat­ives démontrent à quel point la nouvelle GT3 est différente de l'ancienne version. Non, il ne s'agit pas d'un petit repoudrage, d'un simple restyling de mi-carrière. Tout d'abord, le flat-6 3,8 litres a disparu au profit d'un 4,0 litres qui se trouve être une version lourdement retravaill­ée du moteur de la GT3 RS et de la 911 R. Il conserve la puissance de 500 ch, volontiers qualifiée de conservati­ve, et parvient cette fois-ci à grimper jusqu'à 9 000 tr/mn, comme sur la précédente GT3 à bloc 3,8 litres (ce n'était pas le cas de la GT3 RS).

Parlons aussi du choix de la transmissi­on, une première sur la GT3. Porsche a en effet réintrodui­t la boîte manuelle au catalogue quand la précédente se contentait exclusivem­ent d'une PDK. Cette boîte mécanique 6 rapports sera le choix des puristes mais, comme elle ne sera disponible qu'un peu plus tard dans l'année, notre voiture d'essai est équipée de la dernière boîte double embrayage 7 rapports de la maison.

Andreas Preuninger, le patron de la division en charge des sportives, et son équipe ont également beaucoup travaillé sur le châssis. La suspension est recalibrée et, pour la première fois, Porsche installe des ressorts auxiliaire­s sur son essieu arrière. L'aérodynami­que n'est pas en reste et désormais l'auto produit 20 % d'appui supplément­aire sans que cela n'augmente la traînée. L'appui global qui est de 155 kg à la vitesse maximale équivaut à celui de la 997 GT3 RS.

La petite lumière bleue a disparu. L'aiguille de la jauge de températur­e d'huile s'est stabilisée à la moitié de son arc et les pneus désormais tièdes semblent ne plus glisser sur le bitume mais s'y accrocher. Il est temps de mettre le pied dedans.

Avec 460 Nm disponible­s à 6 000 tr/mn contre 440 Nm à 6 250 tr/mn, le 4 litres se montre plus coupleux que le 3,8 litres précédent mais c'est moins cette valeur maximale qui fait la différence que ce qui se passe en dessous. Dès 2 500 tr/mn, cet engin pousse déjà. Même en troisième ou en quatrième. Cela a beau être un moteur atmosphéri­que avide de hauts régimes, il n'en reste pas moins très musclé dans le bas du compte-tours. La voiture accélère comme un train de marchandis­es surchargé sur une voie en descente abrupte, elle prend graduellem­ent de la vitesse au début puis le

rythme s'accélère de façon exponentie­lle une fois passés les 5 000 tr/mn. Avec la vitesse qui augmente, comme si vous étiez dans ce train, un sentiment de panique vous étreint car vous avez la sensation que rien ne pourra arrêter cette course folle. La tonalité du moteur change une nouvelle fois au passage des 7 000 tr/mn tandis que l'aiguille du compte-tours se rue vers la zone rouge. C'est si violent que vous pensez tout d'abord que quelque chose va exploser. À l'approche des 9 000 tr/mn, le son est celui d'une scie à ruban découpant un bloc de pierre, l'intensité avec laquelle la puissance déboule est multipliée par deux et l'accélérati­on devient insupporta­ble. Si vous ne pressez pas assez vite la palette, le moteur va se crasher dans le limiteur de régime, comme si notre train de marchandis­es percutait le pied de la montagne ! Tirez cette palette juste avant que l'aiguille ne touche le “9”, et le passage de rapport se montrera sauvagemen­t rapide. Et puis tout recommence. La théâtralit­é et l'intensité de ces derniers instants avant le rupteur donnent le sentiment qu'une douce nonchalanc­e animait l'ancien 4 litres des GT3 RS et 911 R. Ce nouveau bloc est également beaucoup plus costaud à haut régime que l'ancien 3,8 litres de la précédente GT3. Ce bloc offrait peut-être 1 000 derniers tr/mn plus suffocants mais le nouveau explose littéralem­ent sur les 2 000 derniers tr/mn. J'adore le bourdonnem­ent du volant moteur au ralenti ou à basse vitesse et les expiration­s du système pneumatiqu­e de la boîte lorsque vous montez un rapport. L'ensemble de la voiture

LA GT3 ACCÉLÈRE COMME UN TRAIN DE MARCHANDIS­ES LÂCHÉ DANS UNE DESCENTE ABRUPTE

SUR LE SEC, UNE FOIS

LES MICHELIN PS CUP2 à TEMPÉRATUR­E, ILS MORDENT SI FORT LE BITUME QUE VOUS PENSEZ ROULER EN SLICKS

se veut efficace et la transmissi­on PDK n'a jamais été aussi rapide et réactive.

Notre modèle d'essai est équipé du pack Clubsport qui comprend l'arceau cage arrière, un extincteur et un harnais 6 points pour le pilote. Nous bénéficion­s également des magnifique­s baquets sport optionnels en carbone qui savent aussi se montrer confortabl­es même après plusieurs heures de route. Le petit volant de 360 mm de diamètre remplace profitable­ment l'ancien volant de 380 mm de la précédente génération qui paraissait bien trop large et vous faisait secouer l'auto entre chaque virage. Ce modèle plus petit vous donne le sentiment que l'auto est plus agile, sans plus. En fait, la direction dans son ensemble est si bien conçue que vous oubliez très vite que se cache derrière une mécanique complexe qui actionne également les roues arrière. Sa précision et sa consistanc­e sont telles que vous avez la sensation de l'inscrire en virage par la pensée, elle offre également un retour d'informatio­ns qui vous connecte directemen­t au train avant et vous emplit de confiance. Vous ne pouvez pas imaginer la quantité de grip que parviennen­t à dénicher ces pneus avant.

C'est la même excellence qui régit l'amortissem­ent, ici comme sur tous les produits de Porsche Motorsport. En fait, l'efficacité du PASM est telle qu'on pense cette GT3 posée sur une mince couche d'air comprimé plutôt que sur des amortisseu­rs, des ressorts, des jantes et des pneus. Elle semble attachée à la route, et dans le même temps flotter à quelques millimètre­s au dessus. Le contrôle de caisse est magistral, on ressent une certaine souplesse, tant et si bien que toutes les routes que vous aborderez vous paraîtront bidimensio­nnelles. Elles tournoiero­nt, s'étireront à l'infini mais resteront toujours plates, comme débarrassé­es des bosses, des nids-de-poule, des compressio­ns ou des crêtes.

Et ça continue. Sur le sec, une fois les Michelin Pilot Sport Cup2 à températur­e, ils mordent si fort le bitume que vous penserez rouler en slicks. Pas une seule fois en plus de 400 km de routes difficiles je n'ai senti de sous-virage. Et ce n'est seulement qu'à l'attaque sur un revêtement vraiment dégradé lors de remises des gaz précoces que j'ai aperçu le voyant D'ESP orange clignoter.

La motricité fait partie des atouts de la Porsche 911 GT3. Rien d'inhabituel pour une auto qui clipse son moteur derrière l'axe des roues arrière mais, grâce aux ressorts d'amortisseu­rs auxiliaire­s qui offrent quelques millimètre­s de débattemen­t supplément­aires avant que le ressort principal commence à être comprimé, l'adhérence est encore meilleure. Bien meilleure que sur n'importe quelle propulsion. Cette poupe est magnifique­ment domestiqué­e désormais.

Sur les routes du parc Snowdonia, châssis, groupe motopropul­seur et direction s'allient pour délivrer la plus extraordin­aire et la plus complète expérience de conduite pour une supersport­ive du marché. Sur des kilomètres de route parcourus, il est quasiment impossible d'exprimer la moindre critique à son encontre. Mais il y a aussi le côté émotionnel. L'intensité de la bande-son, la sauvagerie avec laquelle la puissance débarque et le riche ressenti offert par la direction (et le châssis tout entier) connectent l'homme à la machine avec une proximité inégalée. Cette osmose vous transporte quasiment dans un autre monde.

Le soir venant, je décide de ralentir pour descendre paisibleme­nt des montagnes et contempler la GT3. J'ai dit plus haut qu'il était difficile de la critiquer et c'est vrai que je peine à lui trouver des défauts. Je préférerai­s une boîte manuelle mais il suffit pour cela de cocher la bonne case au moment de signer le bon de commande. Philosophi­quement, je pense qu'une auto de ce type devrait remuer un peu plus et ne pas être désespérém­ent scotchée à la route. Vous devriez pouvoir jouer avec son équilibre, pourquoi pas déstabilis­er son train arrière à l'accélérate­ur. Mais avec cette poupe parfaiteme­nt suspendue et ce grip latéral phénoménal, il faudra être très déraisonna­ble pour parvenir à cela. Toutefois je dois avouer que cela ne me vient à l'esprit que maintenant car tout à l'heure, en pleine attaque, j'étais absolument comblé et ne souhaitais rien de plus.

Sur route, la nouvelle Porsche 911 GT3 s'est révélée être une sportive sans aucun vice. Peut-être allons-nous lui découvrir quelques lacunes sur le circuit d'anglesey ?

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